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Chancre coloré du platane Mise au point à propos de la résistance de Platanor

Le champignon Ceratocystis platani, originaire des Etats-Unis, s’attaque aux platanes dans de nombreuses régions françaises. ©Pascal Fayolle

André Vigouroux, ancien directeur de recherche de l’Inra et spécialiste du platane et du chancre coloré réagit au sujet de la résistance de Platanor®.

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Depuis quelques années des rumeurs et même des articles de journaux mettent en doute la résistance du clone de platane Platanor® vis-à-vis du chancre coloré. En fait, il semble que face à un phénomène biologique complexe, et manquant peut-être aussi d’information, les commentateurs aient été un peu rapides dans leurs conclusions.

En réalité des infections de jeunes plants de Platanor® par Ceratocystis platani, l’agent responsable du chancre coloré, ont bien été caractérisées, en site infecté, au niveau du collet et des racines dans plusieurs localités (on en a évoqué six). En conséquence, la DGAL a suspendu la dérogation dont bénéficiait jusque-là Platanor® lui permettant d’être planté à la suite de l’abattage de platanes chancrés. Pourtant à côté, il existe, répertoriés par une enquête de la Fredon PACA, plusieurs centaines de Platanor® poussant eux aussi en site infecté depuis 8 à 11 ans montrant un superbe développement.

Une telle différence méritait une étude attentive qui a mis en évidence une explication. Une approche de terrain a d’abord permis de découvrir que dans toutes les situations à problème, une technique de plantation très critiquable avait été mise en œuvre, à savoir la réutilisation de la terre de creusement de la fosse, terre évidemment très infectée. Au contraire toutes les autres plantations à beau développement avaient bénéficié d’un renouvellement de la terre de comblement.

Mais une simple différence de technique peut-elle aboutir à un résultat aussi contrasté…et expliquer comment la résistance de Platanor® a pu connaitre quelques faiblesses ?

Ici il faut savoir que, comparée à celle des tissus foliacés, la résistance des tissus ligneux du platane se manifeste de façon un peu particulière. Suite à l’agression parasitaire, elle ne se met en route que très progressivement ce qui permet au parasite un début de développement plus ou moins important sans entraves. Puis le processus se renforçant, la résistance prend le contrôle du parasite et l’élimine complètement, comme je l’ai décrit dans ma publication rapportant la sélection de Platanor® (1). C’est ce qu’on peut appeler la résistance différée dont les conséquences seront très variables selon les circonstances.

En fait j’ai d’abord observé ce type de comportement sur les platanes américains (Platanus occidentalis L.) des forêts du Mississippi : à côté d’arbres dépérissants, certains individus ne montraient que des chancres malgré tout assez étendus (50 à 100 cm) ce qui indiquait une certaine progression du parasite, mais dans certains cas les chancres se cicatrisaient au point qu’il était impossible d’y retrouver le parasite vivant. C’est d’ailleurs à partir de boutures de ces arbres que j’ai pu réaliser les croisements aboutissant à la sélection de Platanor®. J’ai aussi observé le même type de phénomène lors des dernières étapes de ma sélection. Suite à mes inoculations, plusieurs hybrides montraient une capacité à bloquer la progression du champignon sur les racines mais après un début d’extension variable, pouvant atteindre 20 à 50cm selon les plants. Pour Platanor® cette progression se limitait à 4 ou 5 cm, ce qui a révélé sa capacité particulière à contrôler le parasite.

Si l’on replace ce processus au niveau de la plantation d’un arbre, rappelons-nous qu’au moment où on introduit la motte dans la fosse, de nombreuses coupes de racines quelquefois importantes affleurent à la surface de cette motte. Si on finit de combler la fosse avec de la terre infectée, toutes ces coupes de racines se trouvent mises en contact direct avec les débris infectés de la terre. Des conditions optimales de contamination souvent massives sont ainsi réunies, et d’autre part celles-ci se produisent à 40 cm du collet de l’arbre (pour une motte de 80 cm). Dans ces conditions, la distance très courte ne permet pas à la résistance différée de s’établir suffisamment pour contrôler le parasite à temps, et celui-ci atteint le collet avec des perturbations variées. En revanche, en cas de renouvellement de la terre de remplissage, les coupes de racines en surface de motte vont pouvoir se cicatriser normalement et devenir ainsi non réceptives au parasite. Par ailleurs la contamination de racines ne pourra avoir lieu que lorsque celles-ci atteindront les parois de la fosse. Ici, les conditions de contamination seront beaucoup moins sévères que précédemment (peu ou pas de blessures, et diamètre de racines très faible). De plus la distance entre le point de contamination et le collet de l’arbre est beaucoup plus importante, surtout si on a adopté des dimensions de fosses raisonnables (minimum 2 x 2 m) ce qui permet à la résistance même différée de s’établir complètement et de contrôler le parasite avant qu’ils n’atteignent le collet de l’arbre, et celui-ci pourra alors se développer très normalement.

Il est donc clair que selon les modalités de plantations, que l’on travaille correctement ou de façon défectueuse, le résultat sera très différent, expliquant bien la situation dans le sud de la France.

Cependant la DGAL, pourtant sur le point de rétablir la dérogation dont bénéficiait Platanor® auparavant, a jugé bon, par précaution, de saisir l’ANSES du dossier. Et, ignorant l’avis du groupe de spécialistes du chantre coloré en France, les experts de l’ANSES ont retenu, avant tout, la mise en évidence de quelques infections sur un clone dit résistant, minimisant les effets catastrophiques de la réutilisation de la terre infectée, et réfutant l’argument majeur constitué par l’existence des belles plantations en site infectée évoquées plus haut. En effet les experts de l’ANSES pensent que les racines des arbres plantés dans de la bonne terre peuvent rester confinées, jusqu’à 11 ans pour certains, dans la fosse de plantation à l’abri de toute contamination, pouvant laisser croire à une résistance. En réalité les connaisseurs savent qu’il suffit de 3 ans pour que les racines de presque tous les arbres sortent de leur fosse de plantation, a fortiori pour un platane dont l’agressivité racinaire est particulièrement redoutée en ville. Je n’ai évidemment pas accepté cet avis si peu en connexion avec le terrain, et j’ai rédigé une réponse circonstanciée au rapport de l’ANSES. En attendant la réaction de cette dernière, la dérogation est malheureusement toujours en suspens. Dans l’intervalle, il est hautement souhaitable de continuer à planter le plus possible de Platanor® dans les zones et régions indemnes pour qu’ils fassent obstacle, et non relais, à la propagation de la maladie, de même que la vaccination humaine est destinée à freiner l’extension des épidémies.

André Vigouroux

(1)A. Vigouroux, R. Olivier, 2004, First hybrid plane tree to show resistance against Canker stain – Forest Pathology n°4, 7-319.

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