Jardins d’inspiration Des leçons de bonheurau jardin et un catalogue de paysagisme à ciel ouvert

Depuis trente-deux ans, l’entreprise familiale privée créée par le pay­sagiste néerlandais Ben van Ooijen accueille des jardins modèles. « Mon souhait est de faire expé­rimenter aux visiteurs la réalité de la valeur ajoutée d’un jardin et, ensuite, les aider à éprouver ce sentiment dans leur propre environnement, expose-t-il. Comme chacun doit pouvoir faire ses propres choix, toute source d’inspiration doit être compréhensible et facilement transposable. Mais n’oubliez pas : un jardin exige des plantes en quantité, au moins deux tiers de l’espace ! » Personnalité reconnue à l’étranger, le militant du jardin facile et végétalisé continue à intervenir sur place pour des ateliers et dans des accueils gratuits pour réaliser des esquisses. Il est aussi l’auteur d’aphorismes et de haïkus (petits poèmes) sur les végétaux.

Mise en scène perfectionniste

La variété des installations témoigne du souci de présenter une large gamme de solutions potentielles pour les visiteurs particuliers, et même pour les professionnels du secteur privé et des collectivités. Chacune des cinq sections des Jardins d’Appeltern contient des parcelles d’inspiration (en moyenne 10 x 10 m) et des temps forts. À l’image du festival des jardins pour lequel une thématique annuelle est choisie, de l’espace « peindre avec les plantes » ou encore de la collection nationale de vivaces.

Tous les espaces, extérieur et intérieur, se doivent d’être une boîte à idées par le biais de la décoration végétale, que ce soit les lieux de restauration, la librairie dédiée­ au paysagisme dans l’orangerie ou encore les cheminements dans le parc (assortiment de dallages, miniexposition temporaire).

Si chaque jardin d’inspiration s’inscrit dans un univers thématique, il contient aussi chaque fois tous les ingrédients de la réussite et constitue un ensemble cohérent, avec une mise en scène perfectionniste. De plus, la majorité accueillent une œuvre ou une décoration autour des plantes. Les fournisseurs de végétaux et de matériel – sponsors de chaque jardin et aménagement – sont affichés sur le panneau d’information individuel, lui-même­ relais pour une interactivité digitale avec « l’esprit Appeltern ». Il est à noter que le parc fonctionne sans subvention ni dotation.

Les animations se déroulent autour de mois thématiques (« le printemps vient de commencer » en avril, « longue vie aux fleurs » en juillet…), d’événements ponctuels (fête des plantes en pots, jardins mystérieux en lumière…) et d’ateliers de niveau débutant ou confirmé. L’actualisation et le renouvellement des parcelles suivent à la fois les tendances (mais sans jardins conceptuels comme au Festival de Chaumont-sur-Loire) et les mutations sociétales : le souci de la biodiversité, les pratiques respectueuses de l’environnement, le jardin cocooning. Dès lors, des végétaux sont proposés en boutique exté­rieure et des objets de décoration sont « déstoc­kés » dans un pavillon à l’intérieur du parc.

Les quatre préceptes du bonheur au jardin

Ce portrait pourrait sembler un peu classique si l’ensemble des aménagements, des séances de conseil et des animations n’était systématiquement porté par les deux doctrines : maison du « bonheur au jardin » (Tuingeluk) et « jardin sans façon » (Tuingemak).

« En 2013, pour les vingt-cinq ans, nous avons pris conscience que nous devions davantage aider les gens. Les préceptes du bonheur au jardin ont alors été conçus, intervient Ben van Ooijen. Nous expliquons aux gens : c’est bien plus simple que vous ne le croyez. Votre jardin doit répondre à quatre principes de base :

- le rapport entre le végétal et le minéral. Les deux tiers du jardin doivent être verts (plantes, pelouse et aussi pièce d’eau, culture hollandaise oblige) ;

- la quantité de végétaux à bonne hauteur. La moitié de la végétation doit dépasser 90 cm, pour assurer l’ envergure, la perspective et l’intimité ;

- le caractère privatif du lieu. Il sera maîtrisé en fonction de l’emplacement, du voisinage plus ou moins proche et du trafic ;

- l’énergie dépensée pour l’entretien. C’est-à-dire l’équilibre entre la charge de travail nécessaire et la liberté pour s’y consacrer. Ce choix se répercute sur les préceptes 1 et 2. Ben van Ooijen alerte sur les « conséquences funestes, pour le bonheur au jardin, d’opter pour un dallage intégral afin de limiter l’entretien ».

À leur tour, les méthodes simplifiées pour un jardin sans façon s’appuient sur les quatre préceptes du bonheur au jardin. L’un des tout premiers conseils­ pratiques pour l’économie d’entretien est lié au choix de végétaux appropriés – et à leur volume ! – comme des haies pour sols humides, des vivaces fleurissant en hiver, des alternatives au buis, etc. « Toutefois, chaque visiteur est un cas particulier dans ses compétences et ses besoins », conclut le directeur. Toujours ce souci de personnalisation !

Le service « expert paysage »

La réflexion sur la perspective est omniprésente, même si le visiteur n’a pas le sentiment qu’on lui fasse la leçon, avec des bordures décalées évitant des allées rectilignes ou des échappées pour le regard. Les différences de hauteur des végétaux et de niveau des aménagements (toiture végétalisée, terrasse surélevée ou en creux …) modifient la perception. Une règle quasi d’or à Appeltern est de tenter d’agrandir l’espace. En cas de jardin non clos, sa conception doit aussi l’inscrire dans le paysage, où le rôle de l’arbre est essentiel. Un des thèmes du lieu est la création d‘une harmonie architectonique­ entre le jardin, l’habitation et l’environnement.

Depuis vingt ans, le service expert paysage, sous-titré « pour des jardins de caractère », est une carte­ maîtresse d’Appeltern. Chaque week-end, un pool de 45 jardiniers et paysagistes fournit­ à tour de rôle des conseils gratuits sur la conception, l’aménagement et l’entretien. Sur rendez-vous, on peut poursuivre avec une pres­tation payante pour une esquisse. Des bro­chures papier (« conseils d’entretien » « nouvelle maison, nouveau jardin ») sont coéditées avec le réseau Dutch Quality Gardens.

En parallèle, une visite s’impose dans le vaste centre d’information en intérieur, qui propose des revues, brochures, guides et présentations de matériel. Qu’on vienne à Appeltern pour chercher l’inspiration, s’informer en vue d’un projet ou simplement se délasser, il y a toujours quelque chose à y apprendre !

Linda Kaluzny-Pinon