Login

Une nouvelle stratégie pour mieux cerner le jeune urbain

L’UMT STRATège est entrée cet automne dans la seconde partie de son programme scientifique de cinq ans. L’occasion de dresser un bilan des actions réalisées et à venir.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les unités mixtes technolo­giques (UMT) sont des structures imaginées il y a une dizaine d’années par la DGER, Direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère en charge de l’Agriculture, pour per­mettre à des chercheurs d’horizons divers de travailler sur des objectifs communs et nouveaux. Le but est de favoriser les interactions­ entre les structures de recherches académiques (Inra, universités, grandes écoles) et celles de recherches appliquées­ (Astredhor pour la filière horticole­ française), afin d’accélérer l’innovation et d’assurer le transfert des résultats aux professionnels.

C’est une sorte de « diplomatie de la machine à café entre chercheurs », a ironisé Corinne Bitaud, directrice d’Astredhor, en ouverture de la journée consacrée au bilan de mi-parcours de STRAT­ège, une UMT créée il y a deux ans et demi (agrément ministériel depuis janvier 2017) pour une durée de cinq ans.

Elle doit « redynamiser la filière horti­cole », qui souffre et peine à s’adapter à une clientèle qui s’urbanise et dont les attentes­ ont changé depuis quelques années. Allan Maignant, ingénieur de recherche Astredhor, en charge de l’animation de l’UMT STRAT­ège, précise qu’à l’horizon 2050 la France comptera 90 % d’urbains et qu’il est né­cessaire de préparer dès aujourd’hui la filière à cette nouvelle structuration de la population.

Mieux comprendre le marché

La préparation de la filière néces­site notamment une meilleure connaissance­ des consommateurs, mais également de travailler sur la qualité des plantes pour un usage en milieu urbain, qui concentre un certain nombre de contraintes­ (sécheresse, fort ensoleillement ou ombrage important, etc.). Les usages privilégiés sont les terrasses et patios, les balcons et les petits jardins urbains de quelques mètres­ carrés.

Pour atteindre l’objectif, le programme scientifique de STRATège se décompose en trois axes de recherche. Le premier vise à mieux comprendre le marché du végétal en milieu urbain, ainsi que les comportements des consommateurs. Le second s’intitule « Identification des facteurs génétiques et environnementaux permettant de mieux maîtriser la qualité attendue » et le troisième, « Définition de nouvelles stratégies techniques et commerciales répondant aux attentes du marché horticole urbain ». Le dernier axe a été spécialement pensé pour favoriser le transfert aux professionnels de la filière afin de les accompagner dans le développement du marché horticole urbain.

De par son programme, l’UMT STRATège est une structure de recherche inédite dans la filière horticole française, dans la mesure où elle associe simultané­ment, avec une problématique iden­tique, celle du marché horticole urbain, des re­cherches­ en sciences du végétal et en sciences du consommateur.

Depuis les deux ans et demi que STRAT­ège est entrée en action, une dizaine de travaux de recherche ont été conduits, sont en cours ou vont débuter, pour apporter des réponses concrètes aux questions que se posent l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur de la filière horticole (de la production jusqu’à la distribution). Rappelons que l’UMT STRAT­ège dispose d’un financement dédié à son fonctionnement à hauteur de 85 % par le ministère de l’Agriculture, à 10 % par Val’hor et à 5 % par l’Inra .

Les jeunes urbains et leur relation aux végétaux

Puisque rien ne vaut les actes, c’est par la présentation de quelques-unes de ses réalisations­ que STRATège a choisi de dresser son bilan de mi-parcours. Par exemple YOUR, pour Young Urban’s Request, qui interroge les jeunes urbains. Dans ce travail conduit sous la direction de Gervaise Debucquet, qui est enseignante-chercheure à Audencia Business School (Nantes), en collaboration avec Astredhor, l’objectif est de saisir la relation aux végétaux des jeunes selon un angle­ socio-anthropologique, sortant des approches traditionnellement marketing. Dans cette vision innovante du végétal, l’idée n’est pas de se contenter d’analyser les usages, mais d’étudier la relation culturelle entretenue avec les plantes, pour ensuite travailler sur la définition de nouvelles stratégies­ de communication et de distribution du « produit végétal ».

Les personnes interrogées le sont au travers d’un questionnaire immersif avec projection de photos. Ce travail innovant pour la filière horticole française questionne différents sujets tels que l’effet du végétal sur son utilisateur, le lien entretenu avec les plantes ou encore les liens sociaux par le biais du végétal. Six à huit prétests étaient en cours début septembre, des tests sur tablette ont été proposés dans le cadre du Salon du végétal, à Nantes, le 12 septembre, au moment de l’ouverture au grand public.

Désormais, l’objectif est de diffuser le questionnaire auprès d’un panel représentatif de la population française, avec un intérêt particulier pour les jeunes urbains­ (de l’entrée dans la vie active jusqu­’à­ 40 ans environ), qui sont ceux qui achèteront des végétaux demain. Les premiers résultats devraient être connus­ et traduits pour l’horticulture assez­ rapidement.

Vus « la main dans le bac »

Autre démarche en cours menée dans le cadre de l’UMT, « La main dans le bac ». Ce dispositif imaginé et conçu par l’UMT STRATège vise à identifier les déterminants qui président au choix des consommateurs lorsqu’ils décident de végéta­li­ser leurs balcons ou terrasses. Il s’agit de mieux comprendre pourquoi certaines plantes sont préférées à d’autres, en po­sitionnant les acheteurs au cœur d’une action dans laquelle ils sont impliqués. La méthodologie a été testée le 12 sep­tembre­, lors de l’ouverture­ du Salon du végétal, qui a suscité l’engoue­ment­ du public et des professionnels.

Une quarantaine de taxons avaient été mis à la disposition des volontaires, qui avaient la possibilité d’utiliser trois types de bacs différents. Ils ont ensuite été interrogés­ sur les raisons de leurs choix de plantes et s’ils étaient prêts à repro­duire la même réflexion chez eux. Me­née en collabo­ration avec Excellence végétale, la dé­marche doit permettre de mesurer l’impact des signes de qualité sur le choix des consommateurs­. Le dispositif « La main dans le bac » est aujourd’hui amené à se dé­velopper dans d’autres situations touchant le grand public, pas nécessairement averti au végétal.

Ces deux actions s’inscrivent dans l’axe 1 de l’UMT, tout comme DEX­innov, le programme cofinancé par Val’hor et le Casdar (compte d’affectation spécial développement agricole et rural du ministère de l’Agriculture) commencera début 2020 et durera jusqu’en 2023, qui questionne le modèle de développement de l’inno­vation dans la filière horticole. En effet, les nouveautés mises sur le marché re­posent le plus souvent sur le modèle de « poussée technologique ». L’innovation y est élaborée par les acteurs de la filière mais ne répond pas toujours aux attentes­ des consommateurs.

Évaluation de l’innovation

Le programme DEXinnov vise à tendre vers une stratégie « tirée du marché » qui intègre dans le modèle d’innovation les attentes et besoins des consommateurs, réduisant ainsi les risques d’échecs commerciaux. Les travaux s’articulent en trois parties. La première s’intéressera aux attentes des Français en identifiant­ les caractéristiques des végétaux (la fleur, le feuillage, le pot…) et de leur environnement (le prix, la situation de présentation…) auxquelles ils sont sensibles.

Elle s’appuiera sur deux méthodes complémentaires : l’analyse oculométrique, une technologie innovante qui permet de suivre le mouvement de la pupille à l’aide de lunettes spécialement conçues, et l’analyse sensorielle. Cette partie des recherches fera l’objet d’une thèse Cifre en sciences du consommateur portée par Astredhor et dont la codirection acadé­mique sera assurée par l’université d’Angers (laboratoire Granem) et l’ESA d’Angers (laboratoire Grappe).

Une seconde étape visera à identifier les freins et les leviers à l’innovation pour chacun des maillons de la chaîne de valeur d’un produit horticole (du sélectionneur jusqu’au distributeur, en passant par le producteur). La dernière partie conduira à l’élaboration de l’outil DEXinnov, qui proposera un outil d’évaluation de l’innovation conçu avec les connaissances acquises dans les deux parties précédentes. Cet outil sera développé dans l’intérêt des professionnels de la filière pour faciliter et dynamiser l’innovation tout en réduisant les risques d’échec.

Pascal Fayolle

Dans notre prochaine édition, la suite de la présentation des principaux travaux en cours ou à venir de l’UMT STRATège.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement