Dans un printemps à contresens, la pépinière sourit et le MAF déchante
Notre traditionnel bilan de fin de saison réalisé par Médioflor (1) confirme les tendances observées au fil du printemps. Après un départ en fanfare, l’activité s’est tassée semaine après semaine, au détriment des plantes fleuries « made in France ».
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Chaque année, la saison est fortement influencée par trois principaux facteurs qui se combinent de façon heureuse ou malheureuse : le climat, le calendrier et les tendances de la consommation. Cette année, la conjugaison de ces trois facteurs a été très favorable aux pépiniéristes et défavorable aux ventes de plantes à massifs.
L’hiver assez doux en janvier-février n’a pas nettoyé les jardins, terrasses et balcons des plantes de l’année précédente, qui ont vite repris vigueur lors de la période douce et ensoleillée de mars et du début d’avril. Le mois de mai, pas joli du tout, dont l’humidité et le froid ont joué les prolongations jusqu’à mi-juin, n’a pas poussé les clients à acheter des plantes d’extérieur. Dès la deuxième quinzaine de juin et début juillet, la forte canicule précoce n’a pas permis le rattrapage constaté les années précédentes.
Dans ce yo-yo climatique, la fête des Mères n’a pas non plus redynamisé les ventes. Cette conjoncture météorologique est à l’envers de celle du printemps 2018, qui avait connu un premier trimestre froid et pluvieux et un deuxième trimestre doux et chaud.
Un calendrier moins favorable et des tendances qui se confirment
Ce renversement a malheureusement favorisé les plantes précoces d’importation en provenance des pays du Sud, arrivées à temps pour satisfaire la demande en mars. Mais le gros contingent des plantes à massifs et géraniums produits en France est arrivé au pire moment, fin avril et en mai, alors que le temps était gris et froid. Côté calendrier, 2019 offrait moins de week-ends prolongés par rapport à l’année précédente. Le 1er et le 8 mai, en milieu de semaine, n’ont pas engendré de longs ponts consacrés à l’embellissement des jardins. Le temps froid de début mai a, de plus, découragé les plus enthousiastes.
Certaines manifestations au plus fort de la crise des « Gilets jaunes » ont également rendu les acheteurs des principales enseignes un peu plus frileux et attentistes que d’habitude.
Côté modes et tendances, l’influence conjointe de ces deux facteurs continue de se faire sentir. Les ventes de plantes annuelles conditionnées en barquettes à planter régressent depuis les années 2000 et ont carrément plongé ce printemps au profit de celles de plantes prêtes à poser, qui ont été relativement stables. Dans le sillage des plantes à massifs, les ventes de géraniums à l’unité ont fortement marqué le pas cette saison.
Des résultats constrastés selon les acteurs
Les GSA et GSB (grandes surfaces alimentaires et de bricolage) ont travaillé avec des opérations « tracts » en mars et début avril, bien souvent avec des plantes d’importation. Comme c’était dans la période favorable, elles sont satisfaites de leur saison de printemps. Les opérations au sein des pépinières se sont également toutes très bien passées, au bon moment.
Cependant, on constate une tendance au morcellement des commandes. Alors que les livraisons étaient faites les années précédentes par chariots complets, les demandes de chariots mélangés arrivent de plus en plus souvent de la part des GSA-GSB, avec des exigences de livraisons plus fréquentes.
Côté jardineries, c’est l’année du doute. Les résultats ne sont pas bons. Après un démarrage en fanfare en mars (+ 30 %), avril était en demi-teinte, mai a été poussif et juin n’a pas permis le rattrapage espéré : la crainte d’une canicule début juillet et les premières annonces médiatisées de restrictions d’eau ont fermé le couvercle dans certaines régions.
La progression enregistrée en début de saison est réduite à zéro fin juin, quand le bilan n’est pas négatif en comparaison de 2018, qui avait mal commencé mais s’était bien relevée au deuxième trimestre. Le morcellement des commandes et la multilivraison sont devenus la règle. Cependant, certaines jardineries, surtout dans l’Ouest, annoncent une saison difficile, mais correcte.
Plus inquiétant, la concentration des enseignes oriente les achats vers plus de rigidité et de massification, alors que la saison printanière exige de plus en plus de souplesse pour s’adapter à la météodépendance et à la variabilité du vivant, qui n’est pas ou peu programmable.
Les horticulteurs détaillants s’accommodent assez facilement des caprices de la météo. Les échos vont de « saison moyenne » à « finalement pas si mal », sauf en géranium, dont les producteurs constatent unanimement un fort recul de la demande.
Les horticulteurs de vente en gros pour le MAF sont les plus touchés cette année. En général, 30 % de la production est vendue en mars-avril et 70 % en mai- juin. Les ventes programmées ont bien débuté lors d’opérations en fin du premier trimestre, mais le commerce est devenu très difficile ensuite. Les fleuristes déclarent également une saison moyenne.
Quand le printemps est clément, la fête des Mères est bonne. Ce sont surtout les fleurs coupées qui ont profité de ce jour de célébrations. Le chiffre d’affaires d’appoint constitué par les plantes de terrasses et balcons n’était pas au rendez-vous cette année.
Les dipladénias marchent dans le Sud, les géraniums en méforme
Les plantes résistantes et nécessitant peu de soins ont bien tiré leur épingle du jeu. Par exemple, les ventes de dipladénias sont satisfaisantes cette année dans la moitié sud de la France. Les nouvelles variétés comme les bégonias ‘Dragon Wing’, très résistantes aux intempéries, se sont bien vendues…
Les succulentes et plantes grasses entrent dans les jardinières et compositions. Les plantes à caractère méditerranéen suscitent l’intérêt. Les associations de plantes cultivées en coupes à poser ou en jardinières gardent la place qu’elles ont prise ces dernières années, surtout si elles ne nécessitent que peu d’entretien. La pépinière bénéficie depuis quelque temps déjà d’une offre globalement en diminution à l’échelle européenne, qui se trouve confrontée à une demande croissante, poussée par toutes les actions fortes en faveur de la végétalisation en ville, qu’elles émanent des collectivités ou des particuliers.
Les ventes de plants de légumes et d’herbes aromatiques ont été assez longues à décoller, mais sont déclarées comme « bonnes » à « très bonnes » cette année, surtout en bio.
Les géraniums sont les grands perdants de cette saison, certains producteurs annonçant une réduction de près de 30 % de leur prévision de commandes pour 2020. Les suspensions peinent à garder leur place, car elles demandent beaucoup d’entretien et d’arrosage. Les plantes à massifs en godets à planter semblent souffrir de la tendance du jardin et des balcons-terrasses sans contraintes.
Cette saison, la conjugaison des facteurs à malheureusement favorisé les produits d’importation et pénalisé la production nationale, qui est le plus souvent programmée pour arriver en mai. L’incertitude, hélas, sera toujours de mise et la prévision météorologique à long terme n’existe pas.
La concentration de la distribution soulève des questions
Ne serait-il pas judicieux de renforcer la concertation nationale entre producteurs pour étaler le risque entre cultures précoces et productions plus tardives ? Ne serait-il pas souhaitable d’introduire davantage de souplesse dans les négociations entre centrales d’achat et producteurs pour alléger la pression sur ce type de produits très dépendants de la météo ?
En tout cas, le renforcement de la concentration des acheteurs de centrales, qui montre toujours plus de rigidité et d’exigences, ne va pas dans le bon sens.
Brand Wagenaar, Médioflor(1) Cette enquête a été réalisée entre fin juin et mi-juillet, par interview téléphonique ou visite sur site, de producteurs, producteurs détaillants, fleuristes, jardineries, GSA-GSB, grossistes.
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