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Objectif zéro plastique

Matières biosourcées, pots biodégradables, que cachent ces concepts en apparence révolutionnaires ? Le zéro plastique est-il une alternative réellement « écolo » ? La question fait débat…

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En quête d’une solution pour remplacer l’utilisation du plastique dans la fabrication de son pot de fleur, le consommateur se laisse séduire par l’apparition de nouvelles gammes de pots en matières biosourcées, parfois vendues sous l’appellation « biodégradable » ou « compostable ». Alors que la plasturgie joue sur la connotation du terme « bio », une mise au point s’impose sur la signification exacte du lexique utilisé.

Si le terme « biosourcé » renseigne sur l’origine de la matière première, l’appellation « biodégradable » informe sur le devenir du produit. Ainsi, une matière biosourcée est une ressource renouvelable issue de la biomasse, c’est-à-dire l’ensemble de la matière organique d’origine ani­male ou végétale.

Un pot est dit biodégradable lorsqu’il est apte à se dégrader naturellement dans la nature sous l’action de micro-organismes, sans effet néfaste sur l’environnement. Le facteur temps est alors important, un produit étant biodégradable si sa décomposition­ est possible dans une durée relativement courte à l’échelle du temps humain : une bouteille en plastique met presque 400 ans pour se dé­composer – elle n’est donc pas biodégradable – quand une feuille morte­ se dégrade en seulement quelques semaines. Ainsi, biosourcé ne rime pas toujours avec biodégradable…

Les fabricants innovent

Chez Modiform, la gamme Éco-expert, déclinée en pots et plaques de transport, est fabriquée à partir des déchets de découpe de l’industrie agroalimentaire, autrement dit du carton. Xavier Renaud, chef des ventes en France, l’assure : « La gamme Éco-expert est biodégradable sur le tas de compost dans le jardin du particulier. Il faut compter une année pour une dégradation totale du produit. » Mais les coûts de production sont élevés et le processus de fabrication plus long que celui d’un pot en plastique. En outre, la dégradabilité de la matière exige une utilisation rapide du pot, qui n’est donc pas adapté aux cultures longues. Le pourcentage de vente de cette gamme mise sur le marché il y a moins d’un an reste encore assez faible.

Soparco a quant à lui choisi d’exploiter une autre matière première, le PLA, ou acide polylactique, issu du recyclage post-industriel. Il a deux gammes de pots à son catalogue : Biocères et Biofibra. Obtenu à partir d’amidon de maïs, le PLA est compostable mais uniquement en conditions industrielles, où les paramètres sont maîtrisés. En effet, une température de plus de 60 °C et un taux d’humidité relative de l’air de 80 % sont nécessaires pour une dégradation optimale. Or les usines­ de ce type sont rares en France.

Alors que ses concurrents tentent de suivre les tendances du marché imposées par le consommateur, Pöppelmann a choisi de ne pas céder. Philippe Fuhrer, chef des ventes, explique : « Depuis près de vingt-cinq ans, nous réalisons des essais sur différents types de matières biodégradables. Aucun n’a abouti de façon satisfaisante. Les raisons sont multiples : techniques de fabrication, conservation de la matière pour son utilisation par le producteur (problèmes de mécanisation), raisons éthiques, matière active qui interagit avec le substrat et les engrais, dégradabilité uniquement garantie dans un milieu de compost industriel, coût… »

Le bioplastique, on ne nous dit pas tout !

Le terme bioplastique est couramment utilisé pour désigner l’ensemble des matières plastiques biosourcées et/ou biodégradables .

Amidon de maïs, résidus de bette­rave ou de canne à sucre… Si les matières premières utilisées dans la fabrication­ de plastiques biosourcés sont renouvelables, la production de certaines d’entre elles se fait au détriment de parcelles alimentaires. De plus, certaines cul­tures se révèlent très gourmandes en eau et qui dit agriculture dit encore gé­néralement engrais et produits phytosanitaires­...

Enfin, une autre question se pose à propos du transport. La production de plastiques biosourcés fait parfois appel à des matières premières importées du bout du monde, comme la fibre de coco, et l’empreinte carbone explose .

De plus, les pépiniéristes et horticulteurs soulèvent des problèmes de praticité, avec notamment une manipulation des pots difficile (dans les chaînes d’empotage par exemple) lorsque ceux-ci sont trop humides. En outre, si le pot fabriqué à partir de matière biosourcée et/ou biodégradable est plus cher à produire pour les fabricants, il est de ce fait quatre à cinq fois plus coûteux à l’achat pour les utilisateurs.

Griffes et aéroponie... ou comment s’affranchir du plastique

Au niveau des multiplicateurs et producteurs de jeunes plants tout en amont de la filière horticole, les mini- et les micromottes (« plugs », en anglais) font l’objet de constantes recherches pour optimiser leur tenue avec le minimum possible de matière première (substrat et son entourage), dans un contenant le plus simple, sans nuire à la qualité d’enracinement de la bouture. Divers textiles biodégradables ont été – ou sont encore – utilisés pour la forme de la micromotte.

Concept Basewell

Durant les Flower Trials (1) en juin dernier, l’obtenteur Dümmen Orange­ a mis en avant le système Basewell­ (lire l’encadré ci-dessous). Inspiré­ de l’AutoStix de la société néerlandaise Visser’s-Gravendeel­, qui consiste en une sorte de rail composé d’une ligne de griffes ou pinces juxtaposées, le concept est ici adapté spécialement pour optimiser l’enracinement des boutures sous aéroponie. Les plantules sont livrées sous sachets maintenant une bonne hygrométrie.

« Les très jeunes plants sont livrés à un stade de développement pri­maire des radicelles, une phase intermédiaire entre le cutting sans racine (juste avec un cal) et le stade bouture très racinée. Le prix sera également intermédiaire », assure Elyane Roche, responsable commerciale de Dümmen en France.

Le rail ressemble encore à du plastique, « mais ce n’en est pas », affirme Simon Schultz, responsable et conseiller technique chez Dümmen, qui, bien sûr, ne veut pas dévoiler la composition précise. Il insiste sur la praticité et les économies pour le producteur, et concède qu’il s’agit d’un « polylactique 100 % biodégradable ».

La petite griffe facilite la mise dans le substrat, manuellement ou par un robot. La matière va se biodégrader dans les quatorze à seize semaines suivant l’empotage (données pour l’Europe à affiner encore, car va­riables selon les conditions de milieu (températures, UV, hygrométrie…), sans laisser de résidus.

Prochainement, un gel devrait enrober les racines pour une meilleure conservation pendant quelques jours. Une sécurité au cas où les boutures ne seraient pas empotées dès leur réception chez le producteur.

Les premiers genres concernés : pélargoniums, coléus, impatiens, dahlias

Les premiers producteurs européens, dont les clients français de Dümmen Orange, sont incités à découvrir cette nouvelle technique dès cet automne, et à se familiariser avec elle, notamment avec Pelargonium ‘Savannah’, ‘TexMex’, ‘Survivor’, ‘Big Eeze’. Une sorte de mise en route pilote. Le vrai lancement commercial est annoncé pour 2019-2020.

La méthode est en test pour d’autres genres et cultivars 2019-2020 pour une commercialisation en 2020-2021 : pélargoniums, coléus, dahlias, impatiens de Nouvelle-Guinée, ostéo­spermums et vivaces.

Alors que des tests sont en cours pour le poinsettia, d’autres plantes horticoles viendront peu à peu intégrer ce concept, le temps de mettre au point le process pour chacune d’elles. Dümmen a déjà testé cinq millions de boutures avec succès en 2018-2019 aux États-Unis, et un million ont été commercialisées en Europe ce printemps 2019.

Des solutions imparfaites…

Reste que cette solution n’est pas « parfaite environnementalement parlant » : si elle fait gagner en simplicité­ et réduit l’empreinte carbone en évitant le transport mari­time de terreau spécial jeunes plants, elle est basée sur l’utilisation de l’eau pour l’enracinement. Même si c’est en circuit fermé, cela reste un paradoxe quand on sait que la phase de multiplication est gérée notamment en Afrique, où l’eau est une ressource précieuse.

Ainsi, d’amont jusqu’en aval, multiplicateurs, producteurs, distributeurs s’appliquent à innover pour s’affranchir du pot plastique et proposer des gammes de pots en matières innovantes, mais chacune soulève de nouvelles problématiques environnementales.

Sarah Costes et Odile Maillard

(1) Il avait été initialement présenté au Salon­ allemand IPM en janvier 2019.

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