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Bienvenue dans la jungle de l’industrie du déchet

Alors que le pot horticole usagé se retrouve orphelin dans l’industrie du déchet plastique, l’interprofession s’applique à trouver des solutions pour assurer la gestion de fin de vie d’un support de culture quasi incontournable dans les systèmes de production actuels.

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Le plastique est présent partout, y compris dans nos pots de fleurs. Confrontée à l’émergence d’une conscience environnementale globale, la filière horticole­ doit donc faire face à de nouveaux défis. L’industrie du recyclage divise les déchets (tous types confondus) en deux catégories distinctes, les déchets ménagers et les déchets professionnels.

Qui collecte, qui finance ?

Lorsqu’il se retrouve chez le parti­culier, le pot horticole est classé comme un déchet ménager, c’est- à-dire­ résultant de la vie quoti­dienne. Ce sont alors les pouvoirs publics qui en assurent la gestion­ et les ménages qui financent ce service au travers de la taxe d’enlèvement des ordures ména­gères (TEOM) ou de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM).

Le pot horticole usagé présent chez les producteurs et paysagistes­ est considéré comme un déchet professionnel. Si certaines collectivités participent à sa prise en charge, elles ont cependant la liberté de fixer les limites des pres­tations qu’elles assurent et ne peuvent généralement pas dépasser 1 100 litres­ de déchets professionnels collectés par semaine.

Ce service est alors financé par la TEOM ou la REOM payée par les entreprises­, à laquelle peut venir s’ajouter une redevance spéciale, la production de déchets dépendant de l’activité de la société.

Cependant, les quantités de déchets professionnels sont généralement trop importantes pour être prises en charge par les collectivités dans leur totalité. Les entreprises doivent alors faire appel à des sociétés privées de collecte des déchets, à qui elles­ paient une contribution.

Le principe du « pollueur-payeur »

En effet, pour la plupart des déchets dits professionnels s’applique le principe du « pollueur-payeur ». Les metteurs en marché – fabricants, importateurs, distributeurs – de produits générant des déchets se doivent de contribuer à la collecte, à la gestion et à la valorisation de ces derniers.

Ils peuvent donc organiser par leurs propres moyens une filière de collecte, tri et recyclage, ou bien adhérer à un éco-organisme. En contrepartie du versement d’une éco­contribution, celui-ci se charge de l’organisation de la phase opérationnelle, de la collecte jusqu’au trai­tement des déchets. On parle de responsabilité élargie du producteur (REP). Elle peut être assurée de façon individuelle ou collective, via des éco-organismes, et à l’échelle­ locale, régionale ou nationale.

Le pot horticole, un déchet professionnel orphelin de filière de collecte

Les produits de l’agrofourniture, classés déchets professionnels, font d’ores et déjà l’objet d’une filière REP volontaire et sont donc pris en charge­ par un éco-organisme, Adivalor. Cependant, certains produits horticoles n’ont à ce jour pas de solution pérenne d’élimination. Parmi eux, les pots et godets représentent 91 % du volume total de plas­tique usagé généré par les hor­ti­culteurs et pépiniéristes (1).

Chaque année, ce sont près de 500 millions de pots en plastique qui sont mis sur le marché ou utilisés par les paysagistes, producteurs et distributeurs.

Bernard Lemoine, directeur du Comité français des plastiques agricoles (CPA), expose le problème : « Certains plastiques utilisés­ par les horticulteurs font partie du cercle de recyclage : films de serre, de paillage, de semi-forçage­… car ils disposent d’une filière nationale de collecte, contrairement aux pots horticoles. L’essentiel des pots finissant chez le particulier, il ne reste qu’un faible volume chez le producteur, ce qui pose un problème de logistique. De plus, ces produits étant très légers et encombrants, il faut impérativement massifier les flux pour permettre une performance technique assurant un schéma économique stable. »

Bien qu’Adivalor n’exclue pas la possibilité d’intégrer les pots horticoles dans sa filière de collecte, Pierre de Lépinau, président du groupe, confirme les propos avancés par le directeur du CPA : « Si, dans un sys­tème­­ de collecte classique, 100 % des produits collectés entrent sur le marché, en ce qui concerne les pots horticoles, Adivalor n’interviendrait que sur les 10 % de pots qui ne terminent pas chez le particulier. Il ne paraît donc pas pertinent, dans l’état actuel des choses, d’intégrer les pots usagés horticoles dans la filière d’Adivalor. Un travail préalable de massification et d’or­ganisation des points de collecte est nécessaire. »

Des initiatives locales sont mises en place pour assurer la gestion de fin de vie de ces pots usagés, mais les freins sont multiples et tous les acteurs de la filière n’ont pas encore résolu­ le problème.

Le projet de loi antigaspillage pour une économie circulaire prévoit d’élargir la REP, notamment aux produits de jardinage. Si le texte de loi est encore en discussion et que les pots horticoles ne sont pas directement visés, le devenir du pot plastique horticole devient néanmoins une problématique évidente.

L’interprofession mène l’enquête

Fin 2014, la Fédération nationale des métiers de la jardinerie (FNMJ) a constitué un groupe de travail dans le but d’analyser les possibilités d’amélioration de la gestion des pots horticoles usagés – classés dans les catégories des déchets ménagers et professionnels – et d’augmenter le recyclage.

À la suite de la publication d’un appel d’offres, l’École nationale supérieure des arts et métiers de Chambéry, en Savoie, est retenue pour réaliser une étude de faisabilité d’une filière de collecte des pots horticoles usagés. Dans ses conclusions, il apparaît indispensable de massifier et centraliser les flux au vu des faibles densités et volumes des pots à collecter, et de mettre en place une phase d’expérimentation locale­ du concept.

À la suite de cette étude, l’interprofession s’est saisie du dossier. En 2016, Val’Hor a réuni un groupe de travail rassemblant l’ensemble des acteurs de la filière. Mikaël Mercier, son président, l’assure : « Aujourd’hui, toutes les possibilités sont à l’étude et aucune n’est laissée de côté. Val’Hor souhaite trouver une solution interprofessionnelle. »

La parole a donc été donnée aux paysagistes­, horticulteurs et distributeurs. La mise en place d’expé­rimentations au niveau local coûtant très cher, il a finalement été décidé d’explorer d’autres solutions au préalable.

Après un second appel d’offres, la mission a été confiée au cabinet parisien­ de conseil et d’ingénierie en développement durable Inddigo. Les réflexions menées ont permis d’identifier les diverses problématiques politiques, environnementales et économiques.

Agir avant de se faire surprendre

Les acteurs de la filière sont quasi unanimes sur le fait qu’il faille réagir dès maintenant : « Les réglementations évoluent rapidement et posent généralement des échéances très courtes. Il faut savoir les anticiper », explique Romain Manceau, chef de projet produits, services et marchés chez Val’Hor.

Stéphane d’Halluin, responsable développement durable et relations extérieures chez Botanic, membre actif des discussions menées au sein de Val’Hor, précise : « Il ne faut pas attendre de se faire surprendre par la législation, le but est de présenter ce plan d’action comme un engagement de la filière du végétal auprès des pouvoirs publics, qui doit faire preuve d’organisation et de responsabilité avant de se faire pointer du doigt. »

Alors que la filière fait face à une schizophrénie des Français, tirail­lés entre la volonté de s’inscrire da­vantage dans un modèle de consom­mation écoresponsable et le souhait de conserver leurs habi­tudes en matière de praticité, in­fluencés par une présentation marketing attirante, les professionnels du végétal se voient contraints de concilier divers facteurs qui se révèlent parfois contradictoires.

Un plan d’action annoncé pour la fin de l’année

L’interprofession espère présenter un plan d’action avant la fin de l’année pour lancer une mise en application des solutions proposées dès 2020. Cependant, il est encore trop tôt pour s’avancer sur les conclusions qui émergeront des diverses études en cours, Val’Hor ne souhaitant pas communiquer davantage sur les mesures à paraître d’ici la fin de l’année.

(1) Gestion des produits plastique utilisés en horticulture ornementale – Étude sur l’organisation pérenne de ces produits, mai 2015 – réalisée pour le compte de l’Ademe par Adivalor.

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