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Loi travail : un an déjà

Après la polémique du passage en force du gouvernement, les cinq « ordonnances Macron » réformant le Code du travail étaient publiées il y a un an, avec leurs décrets d’application et annoncées comme une véritable révolution dans les relations de travail. Murielle Vandevelde nous dresse un premier bilan de leur mise en œuvre dans le secteur agricole.

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trois nouveautés ont rapidement trouvé à s’appliquer concernant les spécificités des petites entreprises agricoles, nous les citons ci-après.

1La réforme des procédures de licenciement

Les ordonnances poursuivaient le double objectif suivant :

simplifier les procédures de licenciement ;

rendre plus visibles leurs conséquences financières, avec l’instauration des barèmes encadrant les dommages et intérêts décidés par le juge.

Sur la forme, aucun changement notoire n’est véritablement constaté depuis un an. Car si des modèles types de lettres ont bien été proposés, l’employeur reste toujours tenu de développer et de prouver les motifs précis qui l’amènent à rompre le contrat de travail.

La construction de l’argumentaire et la technique juridique sont donc plus que jamais de rigueur. Car en cas de litige, c’est bien le fond du licenciement qui est évalué et non pas véritablement sa forme. Les entreprises doivent donc toujours prendre les précautions qui s’imposent dans la rédaction des actes.

Concernant les barèmes, il est incontestable que le fait de pouvoir estimer le risque financier maximum permet aux employeurs de prendre leurs décisions plus sereinement. L’aléa du montant de la condamnation, en fonction des tribunaux, est beaucoup moins pesant qu’auparavant.

Les barèmes semblent également faciliter les négociations post-licenciement sans aller jusqu’au contentieux. L’employeur comme le salarié ayant connaissance des montants qui peuvent être obtenus au terme d’une procédure souvent longue et incertaine, les accords transactionnels intermédiaires sont plus faciles à sceller pour éteindre les litiges.

Attention toutefois. Le barème des dommages-intérêts concerne les licenciements dits « sans cause réelle et sérieuse », c’est-à-dire les licenciements jugés abusifs. Mais dans certains cas, le salarié peut demander la nullité du licenciement. Et si la cause de nullité est reconnue par le juge, alors les barèmes ne s’appliquent plus. La nuance technique entre un licenciement abusif et un licenciement nul est absolument fondamentale.

La nullité s’appliquera, par exemple, en cas de pressions excessives caractérisant un harcèlement moral ou dans les situations de discrimination. On constate, d’ailleurs, une augmentation des demandes de nullité pour justement déplafonner les indemnités. Encore faut-il, bien entendu, que des preuves existent.

Il reste donc essentiel d’analyser globalement la situation, en amont des décisions, pour éviter certains pièges.

2 Les accords conclus dans les TPE

La possibilité de conclure des accords d’entreprises dans les TPE directement avec les salariés est la grande nouveauté des « ordonnances Macron ». Et il est clair que les entreprises qui ont engagé la démarche ont progressé. Les accords permettent en effet de remettre à plat certains fonctionnements avec un cadre juridique sécurisé, adapté aux besoins de l’entreprise. Car les textes nationaux ne répondent pas toujours aux spécificités des TPE. Les accords conclus jusqu’à présent ont notamment permis de négocier des taux différenciés pour le paiement des heures supplémentaires, d’assouplir le cadre de l’annualisation du temps de travail, de mieux articuler les heures supplémentaires payées en argent et celles récupérées sous forme de repos. Ou encore de mieux organiser la gestion des intempéries et des temps de trajets entre les dépôts et les chantiers ou les parcelles.

Comme dans toute négociation, il est important que chacune des parties s’y retrouve. Cependant, notre expérience pratique depuis un an confirme que les terrains d’entente sont possibles car les sujets à aborder sont nombreux. Et la sécurisation des pratiques, avec plus de clarté et une meilleure compréhension des dispositifs appliqués, rassure tant les employeurs que les salariés. Les accords sont donc incontestablement un outil permettant d’améliorer le dialogue. La pratique devrait tendre à se développer dans les mois à venir.

3 La réforme des représentants du personnel

Dans toutes les entreprises, les anciennes instances du personnel (Délégués du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), document unique (DUP) sont remplacées depuis l’année dernière, par une instance unique, le comité social et économique (CSE).

Ainsi, au 1er janvier 2020, toutes les entreprises d’au moins 11 salariés (en équivalent temps plein comprenant les saisonniers et les intérimaires) devront être en règle avec le CSE. Les premières élections ont déjà eu lieu en 2018.

Les entreprises de la production agricole étaient jusqu’à présent principalement concernées par les délégués du personnel (DP). Les effectifs de plus de 50 salariés, imposant un comité d’entreprise et un CHSCT, sont en effet très rares.

Les DP doivent donc progressivement laisser place au CSE. Mais toute la procédure doit être reprise dans son intégralité. Ceci doit donc être un chantier prioritaire en 2019 pour les exploitations agricoles.

Nous ne pouvons qu’inciter les exploitations à calculer précisément leurs effectifs pour savoir exactement où elles se situent. Il faut rappeler que l’obligation de l’entreprise est simplement d’organiser les élections, dès lors qu’elle atteint les seuils. Bien entendu, si aucun salarié n’est candidat, le CSE ne sera pas mis en place et un procès-verbal de carence sera transmis à la direction régionale des entreprises, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). En revenche, l’employeur aura rempli son obligation et sera protégé.

Il est important de préciser que les ordonnances ont prévu un dispositif simplifié pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés. Facile à mettre en place, cette procédure allégée facilite la tâche des employeurs.

C’est donc une mesure efficace qui évite de perdre du temps lorsque personne n’est intéressé pour tenir un rôle de représentant du salarié.

Contact : mvandevelde@vandeveldeavocats.com

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