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Macrolophus pygmaeus : une punaise prédatrice, surtout d’aleurodes

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Spectre d’efficacité et cultures envisagées

Proies : les punaises Miridae repré­sentent la plus grande famille d’hétéroptères avec 10 000 taxons connus dans le monde­. Très mobiles, ces insectes piqueurs-suceurs ont un régime alimen­taire variable selon les proies disponibles. La plupart sont phytophages, dont des bioagresseurs de plantes d’ornement (Lygus rugulipennis, Lygocoris pabulinus…), tandis que d’autres sont prédatrices d’arthropodes (Deraeocoris, Heterotoma, Macrolophus, Malacocoris, Nesidiocoris…). Mais un grand nombre d’entre elles, y compris des auxiliaires, ont un régime alimentaire mixte, piquant insectes, acariens et tissus végétaux, le prélèvement de sève étant nécessaire au développement de leur population. C’est pourquoi Macrolophus pygmaeus, spontanée dans le Bassin méditerranéen et utilisée en biocontrôle sous abri depuis 1994, n’est plus lâchée contre les aleurodes sur certaines variétés de Gerbera en production de fleurs coupées, les piqûres entraînant déformation des pédoncules et avortement des boutons floraux. Des dégâts sont également constatés sur concombre et variétés sensibles de tomate. Ce problème a lieu quand les proies manquent, que la densité de punaises est forte, par mauvais temps, lorsque les plantes sont affaiblies ou que la variété ou le cultivar est vulné­rable. Cet insecte se montre cependant très utile pour maîtriser les aleurodes (Bemisia­ tabaci, Trialeurodes vaporariorum) à tous les stades, surtout les œufs et les larves­. Il attaque aussi avec intérêt les acariens (Tetranychus urticae…), les thrips (Echinothrips americanus, Frankliniella occidentalis, Thrips tabaci…), les œufs et chenilles de lépidoptères, ainsi que, dans une moindre mesure, les pucerons et les larves de mouches mineuses.

Principales cultures concernées : en horticulture ornementale sous abri, M. pygmaeus est surtout utilisée pour réguler les aleurodes en cultures sensibles : abutilon, agrumes, bégonia, calcéolaire, datura, hibiscus, lantana, poinsettia…

Comportement : on observe en général les adultes de M. pygmaeus sur les jeunes pousses et les tiges, tandis que les larves colonisent principalement la face inférieure des feuilles. Ce prédateur généraliste, surtout performant contre les aleurodes, a besoin de plusieurs jours pour constituer une population dense, apte à les réguler. Ce résultat s’obtient lorsqu’une quantité suffisante de proies est disponible dans la culture. Il est donc judicieux, en attendant qu’il y ait suffisamment d’orga­nismes nuisibles, de disperser des œufs de pyrale de la farine (Ephestia kuehniella) de façon homogène sur les plantes, afin d’alimenter l’auxiliaire et assurer son développement­ progressif. L’objectif est d’obtenir un équilibre biologique dans la serre, maintenant les aleurodes au-dessous­ d’un seuil de risque pour les végétaux. Environ trois semaines après le premier lâcher, on peut repérer les jeunes larves de M. pygmaeus et prévenir ainsi toute pullulation de ravageurs.

Efficacité : les adultes et larves de la punaise­ cherchent activement leurs proies, puis les transpercent avec leur rostre­ pour en aspirer le contenu. Un adulte de M. pygmaeus peut vider 30 à 40 œufs d’aleurodes par jour, 15 à 20 pupariums et deux à cinq imagos.

Toxicité de substances actives : on dis­tingue cinq catégories d’effets non in­tentionnels de produits phytosanitaires sur M. pygmaeus : 1-très toxiques à toxiques­ (abamectine, lambda-cyhalothrine, cyperméthrine) ; 2-moyen­ne­ment à peu toxique (cyromazine, hexythiazox) ; 3-peu ou pas toxiques (azo­xystrobine, pyriproxifène­, pymétrozine, myclobutanil) ; 4-compatibles (cuivre) ; 5-données contradictoires et risques de toxicité (soufre).

Cycle, conditions de développement

Morphologie : l’adulte, aux téguments mous vert clair, mesure de 2,9 à 3,6 mm de long. Il possède de longues pattes avec des tarses triarticulés, lui permettant des déplacements rapides. Ses longues antennes ont un premier article noir et ses grands yeux marron foncé, situés sur le côté de la tête, lui assurent une bonne vision. Son rostre comprend quatre segments. Les premiers stades larvaires sont jaune verdâtre. Les larves âgées sont de même couleur que les adultes, mais ne possèdent pas encore de segment antennaire noir. Les ébauches ailaires sont vi­sibles sur les larves âgées.

Cycle biologique : la durée de développement varie selon la température et les proies disponibles. La température optimale en serre tempérée oscille entre 15 et 25 °C, entre 10 et 15 °C en serre froide. Mais à 10 °C, l’activité de la punaise s’ar­rête et, au-dessus de 40 °C, elle meurt. La durée de vie des femelles varie entre 90 jours à 10-20 °C et 45 jours à 25-30 °C. L’accouplement s’effectue trois jours après la dernière mue. La femelle commence à pondre trois à six jours après l’accouplement. La période de ponte varie de 85 jours à 15 °C à 23 jours à 30 °C. La ponte a lieu sur les feuilles âgées, dans le pétiole ou la tige principale (100 à 250 œufs par femelle). Les œufs éclosent en douze jours à 25 °C et le passage larve-adulte dure 19 jours à 25 °C. Il y a plusieurs stades larvaires. La durée de vie de la punaise est d’environ 40 jours à 25 °C. Celle-ci hi­verne surtout au stade œuf sur les plantes hôtes et supporte assez bien les tempé­ratures basses. Les larves survivent pendant un mois à 6 °C.

Conditions d’utilisation : dès la réception des punaises dans l’exploitation, stocker les boîtes deux jours maximum à 8-10 °C, à l’obscurité et à l’horizontale. Utiliser M. pygmaeus sous abri en début de croissance­ des plantes à températures opti­males, même avant l’arrivée des ravageurs, à une période où d’autres auxi­liaires (microhyménoptères parasitoïdes, acariens phytoséiides…) ne sont pas en­core performants. Le dépôt d’une nourriture de substitution sous forme d’œufs de lépidoptères se fait toujours avant le lâcher des punaises. Étiqueter les emplacements où ces aliments ont été déposés. Il importe aussi de laisser suffisamment de feuilles âgées sur les végétaux cultivés pour que les femelles pondent sur les parties basses des plantes, puis que les œufs aient le temps d’éclore. Il faut donc prendre garde à ne pas effeuiller trop tôt une culture ou à laisser les résidus de taille sécher quelques jours au sol avant de les retirer. Les doses d’apport conseillées sont : pépinière (un seul lâcher à raison de 0,7 individu par plant), abri froid (un seul lâcher, voire deux à quinze jours d’intervalle, à doser selon le risque d’infestation par des ravageurs). Le lâcher se fait par saupoudrage sur le feuillage de copeaux de bois ou de vermiculite en mélange avec les punaises. Former des tas plats (1 cm d’épaisseur maximum), afin que les insectes quittent aisément leur support. L’épandage doit s’effectuer en plusieurs zones sous la serre­ : tous les 50 m² environ. En pépinière, on l’effectue sur les plants quinze jours avant leur utilisation. Cette méthode est avanta­geuse : protection sanitaire précoce, surface de lâcher plus faible qu’en serre, la répartition­ de M. pygmaeus étant plus homogène et moins coûteuse. En re­vanche, cela exige le respect d’une logistique : prévenir suffisamment tôt le producteur de plants ; avoir la capacité d’accueillir les plants sur l’exploitation dans de bonnes conditions ; bien arroser les mottes avant le lâcher pour retarder l’arrosage suivant (risques de lessivage des œufs de pyrale de la farine) ; couvrir les plants avec un filet insect-proof pour confiner­ M. pygmaeus (non obligatoire, mais recommandé).

Jérôme Jullien

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