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Mastics à greffer ou à cicatriser

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Spectre d’efficacité et cultures envisageables

Propriétés : les mastics à greffer et mastics à cicatriser, appelés également baumes cicatrisants, possèdent sensiblement les mêmes propriétés, selon les substances qui les composent. Utilisés à froid ou après chauffage, ils servent à protéger les points de greffe des infiltrations d’air et des agents pathogènes. On les utilise également pour recouvrir l’aubier lorsque l’écorce et le cambium ont été altérés par des morsures de lapin, de chevreuil et d’autres vertébrés déprédateurs des arbres et arbustes, ou après le curetage d’une plaie chancreuse, ainsi que pour reboucher une galerie d’insecte xylophage après destruction de la larve. Appliqués sur les tissus ligneux, ils préviennent le développement des chancres et des pourritures du bois à la suite d’une blessure accidentelle de troncs ou de branches (outil, tondeuse, épareuse, véhicule…), de ruptures et de brisures d’apex ou de fractures de branches latérales (vent violent, surcharge de neige, déséquilibre…).

Mode d’action et cibles : le mastic a pour but de former une barrière protectrice étanche compatible avec le processus de cicatrisation. Lors du greffage, il contribue à la soudure du greffon et du porte-greffe, assurant ensuite une meilleure reprise de végétation. Son mode d’action physique est intéressant lorsque les barrières de défense naturelle des arbres et arbustes ne sont pas en mesure d’empêcher la contamination des tissus cassés ou blessés. Certains mastics contiennent de l’oxychlorure de cuivre aux propriétés fongicides et bactériostatiques, évitant chancres, pourritures du bois ou polypores.

Mastic ou pas ? Cette question fait débat depuis longtemps. Certains considèrent que le processus d’autoguérison intrin­sèque à l’arbre ou à l’arbuste suffit à maî­triser les risques phytosanitaires, tandis que d’autres pointent du doigt la faiblesse de ce processus naturel en toutes cir­constances. Des scientifiques indiquent même que le mastic maintient une humidité favorable aux champignons. Même si, aujourd’hui, la réduction de la fré­quence et de l’intensité des élagages, les tailles « en vert » des arbres et l’uti­lisation de lamiers à la place d’épareuses à fléaux pour couper les grosses branches des haies bocagères ont permis de limiter les altérations du bois, les mastics cicatrisants semblent être utiles dans certains cas.

Utilité du masticage : pour comprendre l’intérêt de cette pratique, il est nécessaire de préciser certaines notions d’ordre physiologique et phytosanitaire.

Les zones de réserve nutritive des arbres et arbustes à feuillage persistant se concentrent dans les feuilles pour les parties aériennes, contrairement aux caducs où elles se situent aux empattements des branches, dans les zones de jonction d’unité de croissance (dans le tronc ou la tige, dans une moindre mesure). En relation avec ces réserves, le respect des périodes optimales de taille et d’élagage est important. Pour les végétaux en forme libre, la suppression des rameaux morts ou présentant des défauts est généralement suffisante. Les interventions peuvent être plus espacées.

Pour les autres plantes ligneuses, après la coupe de branches­ et de rameaux, les zones­ de réserve­ sont isolées derrière des barrières de compartimentation (Codit*). Les tissus mis à nu, sur une épaisseur qui dépend de l’importance de l’agression, réagissent en produisant des substances aptes à protéger les parties saines. Mais ce phénomène n’empêche pas à coup sûr l’installation et la progression des organismes nuisibles, si la blessure est profonde ou affecte une trop grande surface. Quand la défense compartimentée se met en place et que les parties bien vivantes qui bordent les plaies réagissent en fabriquant des tissus cicatriciels, l’étanchéité de la plaie est rétablie­ grâce à l’assise génératrice du cambium. Le bois est ainsi protégé des maladies grâce aux réactions biochi­miques naturelles de l’arbre ou de l’ar­buste, mais à condition que celui-ci soit en bon état physiologique et que la taille ou l’élagage soient bien réalisés.

Dans le cas contraire, on constate une rupture de l’équilibre entre l’agressivité du patho­gène et la résistance à l’infection opposée par la plante. Les maladies opportunistes dites « de faiblesse » ou « de blessure », parfois latentes au niveau de l’écorce ou du bois, deviennent alors d’autant plus infectieuses que la plante est vulnérable (variétés sensibles, conditions de culture­ difficiles, formation de chicots, coupes de branches réalisées à contre-saison­, dégâts de gel ou bien d’insectes­ ravageurs…).

Ces situations favorisent des champignons tels que Botryosphaeria dothidea, Cytospora cincta, Cytospora leucostoma, Diplodinia castanea, Nectria cinnabarina, Phomopsis mali (= Diaporthe perniciosa) ou Phomopsis salicina. Certains, comme Fusicoccum amygdali sur le pêcher et l’amandier, émettent une toxine qui altère les organes atteints. Les chancres causés par ce champignon peuvent rester actifs pendant trois ans avec une extension progressive de l’infection d’un rameau à l’autre si aucun moyen de lutte n’est mis en œuvre. Le chancre bactérien du marronnier (Pseudomonas syringae pv. aesculi), en extension en Europe de l’Ouest depuis le début des années 2000, dont la France, peut faire dépérir un arbre en deux à trois ans. Il provoque des fis­sures et des chancres suintants noirâtres à partir de blessures accidentelles, de stress physiologiques, de plaies de taille mal cicatrisées, d’intoxication aux sels de déneigement ou de contraintes éda­phiques.

D’autres agents pathogènes, très virulents, peuvent infecter les tissus blessés de plantes saines et vigoureuses, y compris pendant la période de repos végéta­tif, lorsque les conditions météorologiques leur sont favorables. C’est le cas de champignons (Neonectria galligena sur divers arbres­ fruitiers, Coniothyrium fuckelii sur le rosier, Glomerella miyabeana sur les saules­, Seiridium cardinale sur les cyprès…) ou de bactéries (Pseudomonas syringae pv. mors-prunorum sur le cerisier…) responsables de chancres. Le changement climatique actuel, se traduisant notamment­ par des hivers doux et hu­mides, constitue à cet égard un facteur de risque important.

Principales cultures concernées : arbres et arbustes d’ornement, fruitiers ou forestiers, en pépinières d’élevage, jardins et espaces verts.

Application du mastic cicatrisant : le mastic à greffer à chaud, à base d’huile végé­tale, de résine et de suif, est vendu sous la forme d’une plaque à froid. Il peut donc arriver cassé en plusieurs morceaux, ce qui n’altère en rien le produit. Une fois chauffé (53 °C environ), il prend l’aspect d’une pâte homogène, utilisable pure à la spatule ou par coulée directe, en toute saison­, pour le greffage des arbres, rosiers et autres arbustes, fruitiers…

Le mastic cicatrisant à froid permet de protéger les larges plaies ou de reboucher les galeries larvaires d’insectes xylo­phages (zeuzère, cossus gâte-bois, sésies, cryptorhynque du saule et du peuplier, capricornes…), une fois la larve délogée avec un outil tranchant ou percée à l’aide d’un fil de fer souple ou de cuivre. On l’étale­ avec une spatule ou un pinceau à poils durs, selon la formulation. Certains produits prêts à l’emploi sont conditionnés dans un tube applicateur ou badigeon, afin d’apposer une couche plus ou moins épaisse sur les coupes, plaies ou blessures, en débordant légèrement. Ensuite, le mastic sèche et forme une écorce artificielle. Si celui-ci se fendille avant la cicatrisation complète des tissus, on peut mettre une deuxième couche, afin de maintenir l’étanchéité.

Jérôme Jullien

*Le scientifique américain Alex Shigo a le premier décrit les mécanismes de compartimentation de la pourriture dans les arbres appelés Codit (Compartimentation of Decay in Trees). Ce système anti-infectieux­ à l’intérieur du bois a été mis en évidence après l’étude et l’analyse de milliers de coupes de branches et de troncs d’arbres. Il se décline en quatre types : les barrières transversales, les barrières frontales, les barrières latérales et la barrière nouvelle. Ce tissu fabriqué dans la zone du cambium, riche en substances peu putrescibles (tanins, phénols, subérine), isole le bois des micro-organismes­ pathogènes.

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