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Paris Les Champs-Élysées, laboratoire des problématiques urbaines actuelles

Un projet de transformation de la « plus belle avenue du monde », soumis à l’avis des citoyens, vise à y donner plus de place au végétal pour répondre aux enjeux de développement durable.

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Première dans cette rubrique « Pay­sage », qui présente chaque mois un aménagement remarquable, c’est un chantier potentiel, à l’état de projet seulement, qui est exposé dans cette édition. Mais un projet emblématique. Il porte en effet sur l’avenue des Champs-Élysées, à Paris, souvent qualifiée de « plus belle du monde ». Et il soulève en même temps tous les problèmes qui surgissent aujourd’hui lorsqu’il s’agit de réaménager un espace urbain : la place de la voiture, le bruit, l’imperméabilisation des sols, les îlots de chaleur, la place du végétal en ville, la biodi­versité, parmi les principaux. Autant de thèmes qui ont largement animé la campagne électorale des municipales au cours du printemps et du début d’été derniers. Et qui, au vu des résultats de ce scrutin qui a porté de nombreux écologistes à la tête de villes importantes, devraient continuer à s’imposer.

Il est d’ailleurs remarquable que ce projet, « Étude Champs-Élysées, histoire et perpectives », sur le thème « Réenchanter les Champs-Élysées », ne soit pas porté par des utopistes urbains en mal de visibilité ou par des écolos pur sucre. Il s’agit d’un travail réa­lisé par un architecte et son agence d’architecture, urbanisme et programmation, à la demande du Comité Champs-Élysées, une association fédérant 180 enseignes, lieux de culture ou pro­priétaires qui cherche à « faire rayonner l’avenue en France et dans le monde » et à « aiguillonner les décideurs ». Ses fondateurs, en 1916, ne sont autres que les fameux Gaston-Louis et Georges Vuitton, dont l’activité n’est pas précisément philanthropique !

Hélas, l’avenue mythique des Champs-Élysées fait désormais l’objet d’un constat largement partagé :elle a perdu de sa splendeur au cours des trente dernières années. Elle est délaissée par les Parisiens. Sur les 100 000 personnes à l’arpenter chaque jour, seules 5 % sont des habitants de la capitale en promenade. Les deux tiers sont des touristes, dont 85 % sont étrangers. Les autres sont des Parisiens… qui se rendent à leur travail. Les quinze hectares de jardins bordant le bas de l’avenue ont été désertés et sont proportionnellement quarante fois moins fréquentés que le parc Monceau, distant de moins d’un kilomètre.

Un dossier emblématique de l’urbanisme actuel

Pour redonner de l’attrait aux « Champs », le Comité des Champs-Élysées a missionné un architecte, Philippe Chiambaretta, et son agence, PCA-Stream, qui regroupe 90 architectes, urbanistes, designers ou ingénieurs cherchant à répondre aux enjeux du monde contemporain. PCA est le nom de l’agence d’architecture, Stream un pro­gramme de recherche transdisciplinaire auquel contribuent plus de 150 chercheurs dans le monde. Philippe Chiambaretta a dressé un parallèle entre­ la condition locale de l’avenue embléma­tique et celle, plus globale, de la planète. Et c’est là que le projet, qui ne verra peut-être jamais le jour (il n’est ni financé ni chiffré, des partenariats public-privé étant seulement suggérés), devient représentatif des problématiques posées par les aménagements urbains.

Le projet promet de faire du site « un territoire collectif d’expérimenta­tion à l’horizon 2030 pour développer une ville durable, désirable et inclu­sive, en s’appuyant sur quatre axes stratégiques : réduire les nuisances des mobilités, repenser la nature comme écosystème, inventer de nouveaux usages et utiliser la data pour mesurer et réguler­ les actions ». Et puisque l’air du temps est à la coconception, le travail a été présenté aux Parisiens­, invités à donner leur avis, à partir d’une exposition au Pavillon de l’Arsenal, près de la place­ de la Bastille, qui a dû être annulée en raison de la crise sanitaire, mais qui a été proposée en ligne (https://www.comite-champs-elysees.com/reenchanter-les-champs/). À la fin de l’année, les résultats de cette consultation seront rendus publics .

L’avenue des temps modernes

Haut lieu de promenade des Parisiens à l’origine, lorsque Le Nôtre a imaginé cette prolongation vers l’ouest du Louvre et du jardin des Tuileries il y a plus de 350 ans, puis lieu d’innovation, dès la fin du xixsiècle, avec la construction du Petit et du Grand Palais­, par exemple, pour l’Exposition universelle de 1900, les Champs sont aujourd’hui une quasi-autoroute urbaine empruntée par près de 64 000 véhicules par jour, plus polluée que le périphérique 130 jours par an, enregistrant un niveau sonore moyen de 75 décibels.

Pour pallier ce phénomène devenu insuppor­table, les concepteurs qui ont travaillé sur le réaménagement de cet axe ont proposé un début de projet qui fera forcément rêver les urbains qui ont souhaité, lors des dernières élections municipales, que les choses bougent. Mais ce projet suscitera à n’en pas douter le débat : ainsi, par exemple, éliminer la voiture d’une voie urbaine aussi fréquentée ne se fait pas encore de manière aussi naturelle et spontanée. La place de la Concorde et celle de l’Étoile, qui marquent le début et la fin des Champs-Élysées, ne sont plus sur le papier des ronds-points saturés de véhicules l’essentiel du temps, mais des lieux de transition faisant la part belle aux piétons et aux cyclistes. La première, la plus grande place de Paris, fait le lien entre les jardins des Tuileries et les Champs. La seconde devient une place où les automobiles ont la portion congrue et les piétons y sont pro­tégés par des aménagements paysagers.

L’avenue en elle-même est traitée en deux parties. La section haute, côté place de l’Étoile, fait l’objet d’un traitement des sols pour les magnifier, mais aussi pour les rendre moins pourvoyeurs de chaleur et de bruit. L’amélioration de la qualité de l’air est assurée par des végétaux et la réduction de la place de la voiture, là aussi, de deux fois quatre voies à deux fois deux voies. La section basse où se situent les jardins, actuellement peu fréquentés, reçoit le même traitement des sols, dans une volonté d’unification, mais des kiosques de restauration et autres services font leur apparition. Les jardins, pour leur part, sont retravaillés pour retrouver leur rôle de lieu de promenade­ et de divertissement, de jeu et de sport, qui était le leur au départ mais qu’ils ont perdu au fil du temps.

L’ensemble du concept est organisé autour d’objectifs globaux baptisés « Vision 2030 », comprenant quatre axes. Le premier, déjà largement évoqué, vise à réduire les nuisances des mobilités, avec la réduction drastique de la voiture et une plus large place rendue aux piétons. Le second vise à inventer de nouveaux usages : restauration, jeux pour les enfants, etc. Le troisième, en lien avec le végétal, vise à repenser la nature comme écosystème, en rendant les sols plus perméables, en créant des noues pour l’écoulement des eaux… Enfin, le quatrième axe vise à se servir de la data comme outil, notamment afin d’optimiser les transports.

Si ce projet venait à se concrétiser, le programme retenu représenterait vraiment un condensé de toutes les problématiques auxquelles les villes de plus ou moins grandes dimensions sont confrontées de nos jours !

Pascal Fayolle

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