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Quelle palette végétale produire pour demain ?

Le pôle Paysage de la FNPHP a organisé en janvier une rencontre sur les stratégies à développer pour répondre aux évolutions urbaines et climatiques. Cela implique des changements dans les choix de végétaux, des modes de culture et de relation client.

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le débat sur l’adaptation de la palette végétale aux évolutions urbaines et climatiques, organisé au siège de la SNHF*, à Paris, a réuni, le 16 janvier dernier, une soixantaine de professionnels, des pépiniéristes et horticulteurs du pôle Paysage de la FNPHP**, des gestionnaires de collectivités, des concepteurs paysagistes, des entre­preneurs du paysage, des forestiers, des botanistes et écologues, des ingénieurs de Plante & Cité.

Les écologues présents l’ont rappelé en préambule, la ville est un écosystème particulier qui se caractérise notamment par la présence d’une grande variété de bio­topes. Un atout notable pour le maintien de la biodiversité ordinaire, avec un bémol, la taille souvent restreinte de ces habitats. « À l’image des milieux insulaires, l’isolement conduit à une spéciation. Ainsi, la crépide de Nîmes (Crepis sancta), dont les akènes sont légers et plumeux dans la nature, sont plus lourds en milieu urbain », souligne Véronique Mure, botaniste. En Île-de-France, 1 700 espèces de plantes spontanées ont été recensées. Les plus « urbanophiles » sont des herbacées héliophiles et nitrophiles, des espèces à cycle court adaptées à un milieu en perpétuel remaniement. « Les espèces spontanées les plus fréquentes en ville (en Île-de-France) ne sont pas des exotiques, mais plutôt des espèces sauvages, pour la strate herbacée », précise Frédéric Hendoux, directeur du Conservatoire bota­nique national du bassin parisien.

Privilégier la palette indigène ne doit pas être un dogme

Faut-il privilégier les plantes indigènes en ville ? Le sujet interpelle un bon nombre de maîtres d’œuvre et gestionnaires qui constatent combien ces espèces  tout particulièrement les arbres  souffrent. En effet, dans beaucoup de régions, les espèces sauvages locales ne sont pas adaptées aux conditions urbaines, surtout du point de vue de la sécheresse du milieu. Il questionne aussi les producteurs, comme les pépinières Lepage, qui produisent près de 2 500 espèces et variétés de vivaces et graminées, dont une large diversité potentiellement bien adaptée à la ville, mais qui voient un fort appauvrissement de la demande, en lien avec ce « dogme » de la plante indigène. Les écologues rappellent que celle-ci remplit a priori plus de fonctions que la plante exogène et constitue de ce fait une réponse à la perte de biodiversité. Elle est très importante pour les pollinisateurs. Mais Frédéric Hendoux précise aussi qu’en dehors des milieux insulaires, la perte de biodiversité est d’abord liée à l’artificialisation des sols et aux activités humaines. En outre, les plantes horticoles et exotiques constituent une bonne porte d’entrée pour sensibiliser les gens à la nature. Frédéric Ségur, responsable du service Arbres et paysage au grand Lyon, renchérit sur la nécessité d’aborder la question de l’indigénat à long terme, car les aires naturelles de répartition des espèces évoluent, mais lentement (davantage que le changement climatique actuel). Le micocoulier ou l’érable de Montpellier ne sont pas des espèces indigènes du bassin parisien mais, aujourd’hui, elles s’y développent très bien. Il dit aussi qu’en Europe la palette végétale considérée comme locale est tout autant naturelle que culturelle. Et de citer l’exemple du pêcher (Prunus persica), originaire du Moyen-Orient. Jacques Soignon, de la ville de Nantes, rappelle l’exemple de Magnolia grandiflora, originaire de Louisiane. Autre précision, seule une espèce exotique sur mille est susceptible de devenir envahissante.

Faire évoluer la palette végétale ne suffit pas

Diversifier la palette végétale à l’échelle du territoire et au sein même des aménagements, en privilégiant les approches multistrates, est une stratégie qui fait désormais consensus. Elle permettrait de limiter les risques en cas de problème sur une espèce et de renforcer la diversité des paysages. Mais elle ne suffit pas pour répondre à la nécessité d’une végétalisation qualitative dans les villes, indispensable pour qu’elle remplisse les fonctions écosystémiques qu’on lui attribue. Dans ce but, il est impératif de connaître, projet par projet, les endroits dans lesquels les plantes seront installées, du fait de l’extrême hétérogénéité du milieu urbain. L’ingénierie doit se développer afin de mieux appréhender les potentialités présentes et créer des conditions favorables à l’installation des végétaux, sans oublier que la phase d’entretien est primordiale.

« Élaborer de nouvelles palettes demande une meilleure connaissance des plantes, de leurs besoins et de la disponibilité. Des outils tels que Floriscope ou Végéstock sont faits pour cela », explique Benjamin Pierrache, chargé de mission à Plante & Cité. Il suggère aussi le développement de partenariats entre producteurs pour tester tous types d’associations végétales (couvre-sols et arbres tiges, végétaux de toiture et plantes grimpantes…) et d’impliquer davantage les centres de formation pour mettre en place des essais. Autre piste de travail, se rapprocher des professionnels de la forêt, qui travaillent depuis plus longtemps sur le changement climatique que le secteur ornemental.

Partager les risques

La question des changements de pratiques culturales dans l’objectif de produire des plantes mieux adaptées à leur futur environnement a également été posée. Elle doit s’appuyer sur un point fondamental, trop souvent omis selon Véronique Mure, l’association du système racinaire des végétaux avec le règne fongique et l’absolue nécessité de conserver un sol vivant. Un autre point clef de la végétalisation dans la ville tient à la caractérisation des possibilités de récupération d’eau et de stockage temporaire de l’aménagement, ainsi que de la réserve utile du sol, afin de choisir une palette végétale en conséquence. Le changement climatique induit des apports d’eau en masse lors de courtes séquences et des périodes de sécheresse récurrentes­ et prolongées. Des froids intenses ne sont pas non plus à exclure, ce qui incite à privilégier des espèces hautement plastiques.

Pour François Félix, qui est le président de la FNPHP, et ses collègues producteurs, la réussite de la diversification passe par le développement de contrats de culture, pour plusieurs raisons. La première concerne la nécessité d’une prise de risque partagée quand il s’agit de mettre sur le marché des espèces nouvelles. La seconde est liée à la demande des donneurs d’ordres de réduire les délais de livraison, ce qui peut impliquer l’utilisation de tech­niques de culture plus coûteuses (micromottes, hors-sol…). À cela s’ajoute une indispensable­ prise de conscience des acheteurs qu’ils doivent consentir à investir le juste prix. C’est le cas notamment pour les plantes locales, dont la production issue de graines s’avère souvent complexe, avec des taux bas de germination. « Ces difficultés expliquent qu’à ce jour il n’existe à l’échelon mondial qu’un seul producteur de graines de vivaces, en Allemagne ! Avec à la clef une origine géné­tique souvent identique pour une espèce, par exemple la Croatie pour l’achillée millefeuille », précise l’entreprise Lepage. Du côté des pépinières spécialisées dans le grossissement, le prix des jeunes plants est globalement assez élevé, soulignent les pépinières Guillot-Bourne II, et la production n’est pas forcément facile pour toutes les espèces.

La plupart des professionnels présents à cette journée sont d’accord pour considérer la diversification végétale comme une opportunité à saisir pour renforcer la pratique de l’achat local.

Yaël Haddad

*Société nationale d’horticulture de France.

**Fédération nationale des producteurs horticulteurs­ pépiniéristes.

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