L’agriculture urbainedésormais en fleurs !
Longtemps cantonnées à la production de légumes, petits fruits ou aromatiques, les parcelles se couvrent de pétales.
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Ces dernières années, à Paris, de nouveaux projets ont fleuri : Masami-Charlotte cultive depuis 2017 des fleurs à la main et en plein champ dans le 20e arrondissement (lire « Cultiver des fleurs en pleine ville », Le Lien horticole n° 1087, p. 46-47). Depuis 2019, Félix et Tran-Phi ont commencé à investir les toits et terrasses de l’hôpital pour enfants Robert-Debré (19e arrondissement). Non loin, encore plus récemment, Sophie a investi d’anciens murs à pêches de Montreuil (93), rebaptisés murs à fleurs.
Comme pour l’agriculture urbaine en maraîchage, ces initiatives attirent des jeunes, souvent en reconversion. Masami-Charlotte Lavault avait d’abord fait des études de designer industriel, Félix Romain a été ingénieur dans les télécommunications pendant dix ans… Ils ont changé de cap, pour un métier avec davantage de sens. Mais faire de l’agriculture en ville est un vrai défi et il est difficile d’en vivre. Ces nouveaux fermiers récupèrent des terrains longtemps abandonnés, parfois pollués, avec un sol tassé… Sur les terrasses ou les toits, le sol est peu épais, compact et séché par le soleil.
« Il y a seulement 20 cm de terre parfois », souligne Félix Romain. Avec son coéquipier, Tran-Phi Vu, ils louent depuis mai 2019 à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris un espace jusqu’alors inoccupé : une partie des nombreuses terrasses de l’hôpital Robert-Debré. Des espaces de verdure et de promenade avaient été imaginés lors de sa conception, mais ils n’ont quasiment pas été entretenus depuis leur création. De hautes herbes étaient de temps en temps fauchées. Il a fallu décompacter le sol et l’enrichir avec des semis d’engrais vert (seigle, féverole…), puis apporter du compost. « On a récupéré des tontes de gazon et des feuilles mortes du parc de la Butte-du-Chapeau-Rouge [NDLR : jouxtant l’hôpital] », explique-t-il.
Une autre difficulté de la production en ville est la limite en termes d’espace : sur les 1 200 m² de terrasses louées à l’hôpital, Félix et Tran-Phi en cultivent environ 850. Masami-Charlotte exploite une surface presque identique. Sophie Jankowski, qui travaille en banlieue est, à Montreuil, a pour sa part récupéré un terrain plus grand, de 7 000 m2. Cette année, elle a cultivé près de 1 500 m². « Je ressentais le besoin d’aller plus loin, avec un espace de pleine terre », explique celle qui a fait de la permaculture sur un toit parisien pendant plusieurs années.
Des ateliers pour les citadins
Pour s’en sortir, les projets d’agriculture urbaine mélangent souvent les genres. L’« événementiel » constitue une partie des recettes : ateliers, accueil de public pour des conférences, concerts, buvette, espaces de restauration… (lire « Inventer des modèles économiques en agriculture urbaine », Le Lien horticole n° 1094, p. 36). « Depuis le confinement, il n’y a plus du tout de volet animation », regrette Félix Romain, qui proposait des ateliers aux enfants de l’hôpital et au grand public. Ils avaient envisagé de faire leur chiffre aux deux tiers avec les ventes de fleurs et le tiers restant avec des activités d’accueil. « On ne sait pas à quel moment on pourra reprendre, mais si on ne peut plus faire d’ateliers, ce n’est pas viable pour deux. » Ils réfléchissent à un deuxième terrain en complément, plus grand, et donc en périphérie de Paris, pour pouvoir augmenter leur production.
Trouver des terrains de pleine terre pour produire des fleurs n’est pas aisé. Si Sophie a pu accéder à sa surface de 7 000 m², c’est parce qu’elle était trop polluée pour y cultiver des fruits et légumes. C’était également le cas pour le terrain cultivé par Masami-Charlotte.
« Lorsque l’on a présenté le projet à la direction de l’hôpital, ils étaient un peu déçus que ce ne soit pas pour y produire des légumes », se souvient Félix. Les productions vivrières dominent encore en agriculture urbaine. Si celle-ci ne peut pas nourrir la ville, elle permet par contre aux urbains de découvrir ou redécouvrir la saisonnalité des produits. Mais ces initiatives ouvriront peut-être la porte à d’autres projets qui, de la même façon, apprendront aux citadins les fleurs pouvant être cultivées en France, et à quelle saison.
Fleurs vendues en circuit court
Tous les trois vendent en circuit court : livraison à vélo, vente sur place ou lieu plus original. « On a transformé un ancien kiosque à journaux en kiosque à fleurs place de la République, à Paris. Il est ouvert uniquement en fin de semaine, après la récolte », indique Sophie. Si elle ne fait que de la vente aux particuliers, les deux autres ont choisi, en plus, de livrer des fleuristes parisiens. « Certains veulent des fleurs françaises locales et de saison, mais c’est difficile à trouver », témoigne Félix, l’ancien ingénieur.
Ce créneau s’inscrit dans le mouvement Slow Flower, initié aux États-Unis, qui prend de l’ampleur. En effet, certains consommateurs ne veulent plus de fleurs produites à l’autre bout du monde, transportées par avion. En France, le Collectif de la fleur française propose un annuaire qui localise les fermes aux fleurs, les fleuristes et acteurs engagés de la filière.
Léna HespelPour accéder à l'ensembles nos offres :