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Exotiques envahissantes La difficile gestion des renouées asiatiques

Les responsables des espaces verts peuvent être désemparés face à la propagation de ces plantes. L’efficacité des méthodes de lutte dépend du contexte et l’éradication est souvent impossible. L’entretien dans un temps long est essentiel pour limiter leur développement.

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Les renouées asiatiques ont été introduites pour des rai­sons ornementales en Europe et en Amérique du Nord. Elles ont très rapidement colonisé de nombreux milieux mais sont surtout présentes le long des cours d’eau et des infrastructures de transport. Leur prolifé­ration pose de nombreux problèmes aux gestionnaires d’espaces verts. Il n’existe aucune méthode de gestion simple, efficace et peu coûteuse. L’éradication de ces plantes est souvent impossible. Même leur contrôle se révèle complexe.

Pour gérer les espèces invasives, la prévention est prioritaire. S’il y a une détection précoce et une réponse rapide, il est possible d’enrayer le phénomène. Dès lors que l’espèce est implantée, la gestion à long terme est plus compliquée.

Différentes méthodes de lutte

« Il existe différentes manières de gérer les renouées asiatiques, qui ont chacune des effets spécifiques. Bien se renseigner sur la biologie de ces plantes et les contraintes de ces techniques variées est indispen­sable pour ne pas disperser involontairement les renouées ou mener des actions peu efficaces », rappelle sur son site Internet le Centre de ressources espèces exotiques envahissantes (1).

En fonction des situations, les techniques de lutte sont plus ou moins pertinentes. Ainsi, le déter­rage précoce des jeunes plants – issus­ de la dispersion de propagules dans les cours d’eau et les lacs – consiste à les retirer manuellement­. Cette technique douce s’avère peu coû­teuse. Cette opération, répétée tous les ans, est très efficace pour bloquer la progression vers l’aval des renouées asia­tiques dans certaines rivières.

La fauche est le mode de gestion mené le plus fréquemment. Mais elle génère plusieurs contraintes pour ne pas disperser les tiges. Elle est à exclure en bord de plans ou de cours d’eau.

Le bâchage consiste à recouvrir le sol avec une toile pour créer un obstacle physique au développement des parties aériennes des végétaux. Cette opération doit s’accompagner d’un entretien régulier. De surcroît, l’efficacité de cette méthode reste limitée.

Les parties vivaces des renouées étant dans le sol, le traitement des terres infestées est l’opération la plus radicale pour éliminer complètement ces plantes. Différentes techniques pour y parvenir ont été mises au point : concassage puis bâchage, criblage et concassage...

Ceux qui ont en charge la gestion des es­­­paces verts peuvent expérimenter la plan­tation d’espèces végétales compétitrices. La technique est toutefois complexe à mettre en place et ne permet de limiter que la biomasse aérienne produite par les renouées, sans les faire disparaître.

Une méthode de lutte plus récente a été mise au point : l’écopâturage. Il consiste à établir dans le long terme un pacage extensif pour limiter la repousse des tiges en épuisant les réserves stockées dans les rhi­zomes. Cette méthode, expérimentée par SNCF réseaux, semble efficace pour réduire la hauteur des tiges et les bio­masses produites en fin de cycle. Elle est intéressante dans les milieux escarpés ou encore inaccessibles.

L’utilisation concomitante de plusieurs techniques peut donner de meilleurs résultats. Le Centre de ressources espèces exotiques envahissantes a fait des fiches détaillées pour plusieurs de ces méthodes (consultables sur le site Internet). Sont également mis en ligne quelques exemples de gestion.

Retours d’expériences

Reynoutria × bohemica a été implantée dans les années 1980 sur la rive gauche d’un affluent de la Rance, dans les Côtes- d’Armor, pour cacher une ancienne décharge et une zone de stockage de matériel de travaux publics. En juin 2003, la renouée était présente sur 125 mètres linéaires de berges, pour une superficie de plus de 2 000 m².

À partir de 2004, une méthode couplant arrachage et bâchage des renouées avec plantation de saules a été mise en place. Entre 2006 et 2013, l’entretien s’est poursuivi : plantation de nouvelles boutures de saules pour remplacer celles qui n’avaient pas pris et arrachage manuel des renouées poussant autour des bâches et à travers au fur et à mesure de leur dégradation. Dès 2007, la rive est colonisée par une ving­taine d’espèces différentes. La méthode est efficace pour rétablir la concurrence avec les plantes indigènes.

Autre exemple de gestion : la mise en place d’un écopâturage en Mayenne. Une ancienne peupleraie a été colonisée par Reynoutria japonica à la suite d’un débardage d’une population initiale, introduite pour raisons ornementales. En 2011 étaient recensés trois foyers de 60, 200 et 1 500 m². Le conseil général de Mayenne a mis en place un écopâturage de caprins pour réhabiliter la zone. Le suivi a été confié à Agrocampus Ouest. Une diminution des biomasses de renouées et un accroissement de celles des plantes indigènes ont été constatés. Le nombre d’espèces a également augmenté.

Ces exemples de gestion, et d’autres, sont détaillés sur le site Internet du Centre de ressources. « Mais on ne peut pas réellement reproduire les techniques de lutte mises en place car cela dépend fortement du contexte », avertit Emmanuelle Sarat, coordinatrice au sein de la structure.

Pour les gestionnaires qui auraient besoin d’une aide pour mettre au point des plans de gestion, il est possible de se tourner vers des associations spécialisées dans la régulation des plantes invasives, comme Spigest (Synergie plantes inva­sives Grand Est) ou vers des structures ayant en charge la gestion des cours d’eau ou des bords de routes.

Léna Hespel

(1) http://especes-exotiques-envahissantes.fr/

Voir aussi notre dossier « Espèces exotiques envahissantes : les enjeux derrière la lutte » paru dans Le Lien horticole n° 1087 (juillet-août 2019).

Pour aller plus loin : Revue Sciences eaux et territoires n° 27 (14 juin 2019) « Renouées envahissantes - Connaissances, gestions et perspectives », disponible gratuitement sur http://www.set-revue.fr/

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