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Phytovirus Quid des virus sur les plantes d’ornement ?

Jamais, depuis la grippe espagnole, pandémie virale n’aura autant affecté la santé humaine dans le monde que la Covid-19. Par analogie, les viroses les plus graves des plantes d’ornement atteignent aussi les fonctions vitales de l’organisme.

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Plusieurs maladies virales se révèlent potentiellement très dommageables pour les jardins et espaces verts de même que pour les filières de production horticole, mais ces pathologies sont souvent difficiles à détecter. C’est la raison pour laquelle certains virus sont réglementés et sont l’objet d’une surveil­lance biologique du territoire avec prélèvements d’échantillons, dont des asymptomatiques. Toute détection entraîne des mesures de lutte pour éradiquer les foyers. En plus des inspections officielles, producteurs et gestionnaires d’espaces verts se doivent de surveiller les plantes sen­sibles, d’identifier au plus tôt les symp­tômes et de signaler toute suspicion aux autorités phytosanitaires régionales.

Parmi les virus les plus préoccupants en Europe figurent des espèces non détectées telles que le Rose rosette virus (RRV), qui est transmis par un acarien phytopte (Phyllocoptes fructiphilus). Il est observé en Amé­rique du Nord depuis les années 1940 sur des rosiers, sauvages et cultivés, dont les plus sensibles sont Rosa banksiae, R. bracteata, R. multiflora, R. rubiginosa, R. rugosa, R. villosa, R. woodsii et R. x odorata. Au cours des dernières décennies, ce virus s’est lar­gement répandu dans le centre-nord, le centre-sud­ et le sud-est des États-Unis, et son incidence a augmenté de manière exponentielle sur les rosiers horticoles. Vu sa capacité de dissémination et la sévérité de ses dégâts, le RRV est désormais l’objet de mesures d’urgence sanitaire au sein de l’Union européenne.

D’autres virus déjà présents dans le territoire communautaire, dont la France, demeurent très néfastes. On peut ainsi citer l’INSV sur l’impatiens de Nouvelle-Guinée et le TWSV sur quelque 500 plantes hôtes ornementales, légumières et adventices, tous deux transmis par les thrips (surtout Frankliniella occidentalis), en recrudescence ces dernières années.

Agir vite en cas d’attaque

La détection précoce des viroses est très importante, car elle permet l’élimination rapide des végétaux « douteux » risquant de propager les virus via des vecteurs, surtout­ les plantes porte-graines et les pieds-mères donneurs de boutures ou de greffons, qui peuvent servir de réservoir d’inoculum. Mais les symptômes viraux­ sont difficiles à différencier des effets des carences nutritives, des phytotoxicités ou de certaines maladies vasculaires. Dans les situations confuses, seule une analyse virologique est à même de fiabi­liser le diagnostic. Pour certifier le matériel de multiplication ornemental, potager, fruitier ou forestier, les tests sont systéma­tiques, d’autant que certains végétaux infectés­ sont asymptomatiques ou présentent des signes bénins. Ce sont des porteurs sains.

Lutte préventive

La protection antivirale combine la qualité sanitaire du matériel végétal à la lutte raisonnée contre les vecteurs. Dans le cas d’une attaque­ de virus peu dommageable, dans la mesure où il n’existe pas de traitement virucide pour les végétaux, les professionnels ne peuvent que stimuler la vitalité­ des plantes pour activer leurs barrières de défense naturelle, comme on le fait pour la grippe saisonnière chez l’humain, par exemple. Pour cela, la nutrition, l’irrigation, la photopériode et les températures sous abri doivent être bien suivies.

En matière de prophylaxie, il convient de retenir les actions suivantes :

- diversité végétale : la variabilité géné­tique diminue les risques de propagation virale. Les plantes non exposées font obstacle aux contaminations de végétaux réceptifs, d’autant plus qu’elles ne sont pas réceptives aux mêmes vecteurs ;

- génétique : certains végétaux sont naturellement tolérants ou résistants aux virus, comme les porte-greffes utilisés pour lutter contre la tristeza des agrumes ;

- sélection sanitaire : les méthodes d’assainissement et de clonage permettent de reproduire du matériel végétal sain et de régénérer les clones des espèces à mul­tiplication végétative (bouturage, greffage, division de rhizomes, marcottage). Avec la culture de méristèmes, des laboratoires peuvent produire des vitroplants en principe indemnes de tout pathogène. Cependant, des contrôles sanitaires doivent être réalisés sur les plantules issues de cul­tures in vitro, car il y a de nombreux facteurs d’échec liés à l’impossibilité d’obtenir des vitroplants sains chez certains couples virus/hôte ou encore à la perte des caractéristiques phénotypiques recherchées dans les cultivars régénérés. En outre, les professionnels de l’horticulture et du paysage ont intérêt à préférer le matériel végétal certifié exempt de viroses, tel que celui issu de micropropagation (alstrœmère, chrysanthème, Cymbidium, dahlia, gerbera, narcisse, œillet…) ou estampillé « virus tested » (VT) sur certains arbustes. Le matériel certifié (framboisier, oeillet, pêcher, pélargonium, pommier, tulipe...) et/ou commercialisé avec un passeport phytosanitaire présente des garanties sanitaires majeures vis-à-vis des viroses les plus graves ;

- préimmunisation ou prémunition : ce moyen préventif est issu de protection croisée. Une première infection par une souche peu agressive d’un virus peut être effectuée au sein d’une culture. Elle pro­tège les plantes infectées contre une infection ultérieure par une souche plus agressive du même virus. Cette protection a donné satisfaction, par exemple sur les Citrus à l’égard de la tristeza et les papayers contre le virus des taches annulaires ;

- lutte contre les vecteurs : on peut la conduire avec des moyens culturaux (irrigation et fertilisation raisonnées), mécaniques (voile insect-proof au niveau des ouvrants des serres), biologiques (auxiliaires), éthologiques (pièges chromo-attractifs), biotechniques (piégeage phéromonal des thrips, par exemple) ou bien chimiques raisonnés ;

- désherbage : la suppression des adventices et des herbes spontanées aux abords des parcelles peut réduire les sources de virus et/ou de vecteurs ;

- rotation culturale, distances entre cultures : éviter d’installer côte à côte des cultures chevauchantes qui se montrent sensibles aux mêmes virus. Une vieille production risque ainsi d’être une source abondante de virus ou de vecteurs pour une jeune culture voisine ;

- prophylaxie culturale : enraciner si possible les jeunes plants à l’abri des vecteurs (désherbage, voile de culture anti-insectes). Acheter des plantes indemnes de ravageurs et bien désherbées. En cas de détection d’une grave virose, éliminer rapidement les sujets atteints. Attention, la coupe des parties malades ne peut guérir une plante virosée, car, une fois infectée, elle le reste pour toujours. Dans une culture où une maladie à virus s’exprime par foyers, intervenir en dernier sur les plantes atteintes, désinfecter les outils de coupe avec un produit biocide et isoler les nouvelles plantations des anciennes ;

- thermothérapie : la production de boutures issues de pieds-mères traités à la chaleur s’avère intéressante afin de lutter contre des virus sur chrysanthème, hortensia, œillet, pélargonium ou rosier. Ce traitement thermique élimine en même temps d’autres pathogènes et nématodes nuisibles. Il peut s’appliquer aussi aux semences, bulbes et plantes entières. Plus la différence est importante entre la température létale de l’hôte et celle du virus, meilleures sont les chances de succès. La sensibilité du matériel végétal à la thermothérapie dépend de la durée du traitement, de la teneur en eau des tissus à assainir et de l’état de dormance (la période de repos végétatif permet de mieux supporter les températures élevées) ;

- traitements virucides : certaines substances sont autorisées en tant que bio­cides pour l’assainissement des locaux et matériels de culture (serres, abris, pots, tablettes), dans le cas d’un vide sanitaire entre deux cultures sensibles ou d’une gestion de foyer.

Jérôme Jullien

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