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Dérèglement climatique À la recherche d’une gamme adaptée

En prolongement du dossier du mois dernier (Le Lien horticole n° 1098, page 28), un point sur deux expérimentations menées dans différentes régions.

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Le bureau d’études Hydrasol évalue le pouvoir rafraîchissant des arbres et leur tolé­rance à la sécheresse via deux projets­, avec la Ville de Paris et la Métropole de Lyon. L’objectif est de développer­ des méthodes ainsi que des outils de suivi et d’analyse de données climatiques et écophysiologiques des plantations urbaines pour aider au choix des essences les mieux adaptées aux épisodes de sécheresse et de chaleur et qui contribuent le plus à réduire les îlots de chaleur en ville (ombrage et pouvoir rafraîchissant élevé). « L’une des premières difficultés réside dans le choix des paramètres les plus pertinents et dans la possibilité de disposer d’outils de mesure et de transmission des données adaptés au contexte urbain, pour qu’ils ne soient pas vandalisés », souligne Abdelkader Bensaoud, dirigeant fondateur d’Hydrasol.

À Paris, l’expérimentation est menée depuis la fin de l’année 2018 au sein de la division­ Ex­pertises sol et végétal de la direction des espaces verts et de l’environnement, en collaboration avec le Service de l’arbre et des bois, l’Agence d’écologie urbaine pour le choix du protocole expérimental. Elle porte sur trente-six arbres de neuf es­pèces, représentant 45 % des essences d’alignement plantées à Paris, y compris le platane, qui reste embléma­tique dans la capitale. Les sujets sont répartis sur cinq sites équipés d’outils afin d’obtenir différentes données en continu durant trois années :

- paramètres météorologiques mesurés à l’aide du système Xylo météo (tempéra­ture et vitesse de l’air, humidité relative, température de globe noir) et permettant de calculer l’UTCI (universal thermal climate index). Cet indicateur créé par la Société internationale de biométéorologie est utilisé pour déterminer les conditions climatiques propices au confort thermique du corps humain ;

- architecture et pouvoir d’ombrage obtenus par numérisation 3D non destructive à l’aide du LiDAR terrestre pour déterminer la densité, le volume foliaire de même que la surface d’ombrage des arbres ;

- fonctionnement hydrique de l’arbre par des mesures micro-dendrométriques avec le système Xylo 3 (un procédé unique, tout comme Xylo Météo, conçu par Ab­delkader Bensaoud) pour déduire l’état de croissance et de transpiration ;

- état hydrique du sol par des sondes tensiométriques installées à trois profondeurs différentes.

Transpirer pour rafraîchir

Les premiers résultats tendent à montrer l’existence d’une variabilité interspéci­fique. En période de canicule, certaines essences maintiennent leur croissance, continuent à transpirer, contribuant ainsi au rafraîchissement de l’atmosphère. D’autres, qui ne sont pas forcément moins tolérantes à la sécheresse, vont se mettre au ralenti. Leur rôle est moins important dans la réduction des îlots de chaleur. Concernant le confort thermique, l’ana­lyse de la journée la plus chaude de l’été 2019 montre que l’UTCI moyen des témoins est supérieur à celui des arbres, de 3,2 à 4,5° selon les espèces. Celles qui permettent les plus grandes atténuations thermiques sont celles qui maintiennent leur croissance, car la transpiration est un phénomène actif, qui se révèle consommateur d’énergie.

À Lyon (69), l’étude est menée avec le service Arbres et Paysage de Lyon Métropole sur le site de la rue Garibaldi, dans le cadre du projet de réaménagement de cette ancienne autoroute urbaine en voirie apaisée accompagnée d’une promenade plantée (lire l’article de Claude Thiery dans le dossier du Lien horticole n° 1098, pages 36 et 37). Durant les épisodes de canicule de l’été 2019 (23 au 30 juin, 16 au 26 juillet, 4 au 6 août), les apports en eau dans la section S1 ont donné la possibilité aux arbres de poursuivre leur croissance et leur évapotranspiration, alors que, pour les trois sections non arrosées, leur croissance a chuté. L’étude se poursuit pour confirmer ces résultats et affiner l’algorithme de prise­ de décision de l’arrosage des arbres adultes en période de canicule.

Des arbres d’avenir pour le Sud

Quels arbres et arbustes utiliser en région méditerranéenne dans le contexte actuel des besoins et de l’évolution du climat ? Débuté en 2019, le projet « Arbres d’avenir » veut répondre à cette problématique complexe et diversifier les palettes de plantations urbaines avec des essences susceptibles de supporter le climat futur. D’autres critères sont également pris en compte, comme par exemple la perte du feuillage en hiver, afin de limiter les capacités d’ombrage à une période de l’année où les citadins ont besoin de lumière.

Un groupe de réflexion et de travail s’est constitué avec des professionnels du paysage, PaysSages, Hortis, AITF et l’Unité expérimentale Villa Thuret d’Inrae, afin de rassembler toutes les compétences. En 2020-2021, la première phase du projet consiste à mener une étude autour de plusieurs questionnements :

- quels climats vont régner dans les villes du pourtour méditerranéen ?

- quelle palette de ligneux pourra tolérer ces nouvelles conditions ?

- quelle conception des espaces végétalisés urbains en tant que « biotopes » ?

- quelle évolution des pratiques urbaines, et quelle « acceptabilité » de la structure végétale arborescente  ?

Une étudiante de master travaille actuellement sur ce projet et à l’élaboration d’une base de données qui croisera différents critères.

Catherine Ducatillion, directrice de l’unité expérimentale Inrae de la Villa Thuret, précise les notions autour de l’acclimatation des végétaux exotiques. « L’adaptation tend à sélectionner un caractère se trouvant dans le génome des plantes appartenant à une espèce donnée. Toute la descendance présentera alors la même caractéristique, dans la mesure où la reproduction sexuée le permettra. L’ac­commodation permet d’observer la ca­pacité que les plantes introduites ont à supporter les nouvelles conditions dans les­quelles elles sont implantées, sans les caractériser génétiquement et sans préjuger de ce que pourraient faire les autres plantes de la même espèce dans des conditions analogues. Dans ce cas, l’objectif n’est pas de sélectionner un caractère, mais de mettre en évidence les capacités des individus considérés comme indicateurs de la plasticité de l’espèce. Les objectifs scientifiques des essais réalisés à la Villa Thuret ont varié suivant les époques, mais ils utilisent un protocole commun : introduire et mettre en culture de petits échantillons de plantes sauvages issues de leur milieu naturel pour les étudier. L’acclimatation est un processus complexe allant de l’introduction de plantes à la sélection de génotypes adaptés. À la Villa Thuret, seules l’introduction de graines et l’accommodation de plantes issues d’espèces exotiques sont testées. »

L’entretien des plantes y est réalisé de ma­nière­ aussi naturelle que possible, afin d’observer l’expression de leur croissance dans des conditions contraignantes et connues. Le site dispose d’une station météorologique et de capteurs pour collecter diverses données sur la survie, la croissance et le développement, les stratégies d’adaptation à la sécheresse et aux aléas climatiques, la phénologie, la sensibilité ou la tolérance de ces plantes aux ravageurs et aux maladies locales.

Un suivi du rythme de croissance est réalisé depuis 2011 à l’aide de capteurs pépiPIAF (Inrae de Clermont-Ferrand), qui me­surent les microvariations de diamètre des organes d’un arbre, un indicateur de l’activité des végétaux. Il a ainsi été pos­sible de constater que certains eucalyptus se mettaient au ralenti durant les périodes de canicule, reprenant une activité dès le lendemain d’un orage !

Yaël Haddad

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