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Paysage : les plantations parmi les priorités

La reprise sera progressive pour le secteur. Une enquête sur les collectivités qui en dresse les priorités laisse penser que planter et fleurir restent des activités essentielles.

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Comme dans les autres métiers de la filière, la situation a été très contrastée pour le paysage pendant la période de confinement, allant de l’interruption totale au travail quasi normal. Mais les entreprises et collectivités importantes ont souvent connu les arrêts les plus marqués et, globalement, le secteur aura connu un coup de frein très brutal en 2020. Son ampleur sera peut-être mesurable dans le prochain baromètre que l’Unep publie chaque semestre (elle l’a estimée à 600 millions d’euros en avril).

Reprise progressive

Avec le BTP, les entreprises du paysage ont été incitées vers la mi-avril à reprendre le travail, en particulier en instaurant de bonnes pratiques à respecter sur le terrain (en ligne sur notre site www.lienhorticole.fr dès le 14 avril). Des mesures qui ont été jugées souvent insuffisantes, en particulier par l’Unep, qui a écrit fin avril au Premier ministre pour demander toute une série de mesures d’aide à la profession, pour compenser les surcoûts liés à la mise en place des mesures de protection des agents de terrain, faciliter le quotidien des entreprises (prolongement de validité de certains documents administratifs…), etc. (sur notre site le 30 avril).

La sortie progressive du confinement à partir du 11 mai ne marque­ra pas, loin s’en faut, un retour à la normale. Revenir à un niveau habituel d’activité prendra du temps et dépendra de plusieurs inconnues : la disponibilité des agents pour reprendre le chemin des chantiers ou la prédisposition des clients à les accueillir, par exemple. Cette dernière est difficile à mesurer, mais une enquête nationale menée par Plante & Cité permet de savoir où se situent les collectivités à ce sujet. Elles représentent un peu moins du tiers de l’activité des entreprises du paysage et ont souvent limité leurs accès sur leurs chantiers. Elles sont donc l’un des leviers de la reprise.

Les résultats de cette enquête, qui sont disponibles sur le site Internet de Plante­ & Cité, ont été dévoilés lors d’un « webinaire », une conférence vidéo en ligne, le 6 mai dernier.

800 collectivités au rapport

829 collectivités, dont 94 % de communes, y ont répondu, rendant le panel représentatif. Mais il faut garder à l’esprit que l’enquête a été menée­ entre le 14 et le 21 avril : on savait que le déconfinement commencerait le 11 mai, mais on avait alors peu de recul sur ses modalités­ et sur l’évolution de la crise. À noter cependant que les commentaires des très nombreux gestionnaires de collectivités qui ont « assisté » au webinaire de restitution traduisaient une bonne cohérence entre ce qu’ils ressentaient sur le terrain et les chiffres qui leur étaient dévoilés.

L’enquête comportait trois parties : la situation lors du confinement, la façon dont était envisagée la sortie­ et les projections des consé­quences de la crise à moyen terme.

Pendant le confinement, le maintien des agents sur le terrain a été très hétérogène. 22 % des collectivités ont maintenu moins de 10 % de leurs agents en activité. Le quart seulement des répondants à l’enquête ont fait travailler plus de la moitié des effectifs. La proportion d’agents maintenus semble plus forte dans les petites communes.

Les travaux qui ont été privilégiés sont le ramassage des déchets, l’arrosage, les achats et marchés (qui pouvaient être maintenus en télétravail, plutôt une bonne nouvelle pour la rapidité de la reprise de l’activité). Ils ont été menés prioritairement dans les cimetières, les abords de voiries et ronds-points et enfin les terrains de sport. La production horticole a globalement été poursuivie, mais réduite. Les activités maintenues ont été surtout réalisées en régie, plus de la moitié des collectivités ayant répondu à l’enquête ayant limité les interventions des entreprises au minimum (14 % des répondants n’ont laissé œuvrer aucun prestataire et 54 %, une mi­norité d’entre eux).

Les plantations reportées

Près de la moitié des collectivités n’avaient pas réceptionné les végétaux qu’elles avaient commandés au moment du confinement, 16 % les avaient reçus partiellement. La moitié d’entre elles ont entièrement reporté ces chantiers, l’autre moitié combineront report et annulations. Les annulations totales concernent moins de 2 % des répondants.

L’autre bonne nouvelle est que plus de 60 % des collectivités imaginent planter entre la mi-mai et fin juin. 16 % envisagent une prise en charge, même partielle, des surcoûts de remise en culture, 25 % en étudient la possibilité. Le tiers des répondants sont prêts à renégocier les contrats avec les producteurs. Les engazonnements sont majoritairement reportés à l’automne­. Enfin, pour les contrats en cours, près des trois quarts des répondants ont prolongé la durée de mise en concurrence des entreprises.

Le fleurissement préservé

À l’heure du déconfinement, la priorité a été donnée au désherbage, à la gestion des strates herbacées et aux plantations. L’arrosage, le ra­mas­sage des déchets, les tailles devraient suivre. Les ronds-points et abords des voiries, puis les cime­tières, les parcs et squares ont été investis­ en premier… À la mi-avril, les principales difficultés que les gestionnaires pensaient rencontrer concernaient le désherbage, la reprogrammation des travaux puis le management des agents de service pour la reprise. Pour tous, celle-ci est envisagée progressivement.

Pour 2020, les collectivités sont partagées quant à l’évolution de leurs pratiques d’entretien. Plus de 40 % vont les faire évoluer au moins partiellement, près du quart s’inter­rogent. En revanche, de manière assez­ surprenante par rapport aux témoignages recueillis début avril, 68 % des collectivités ne vont rien changer à leur fleurissement, seules 11 % vont le supprimer ou l’alléger. 15 % d’entre elles prévoient des restrictions d’achats de végétaux, mais 6 % envisagent­ au contraire d’effectuer des acquisitions complémentaires. Quant aux évolutions futures des budgets, les incertitudes sont importantes, mais la moitié des collectivités pensent reporter certains projets et études.

Le made in France en force

Une majorité de collectivités estiment que le manque d’entretien de ce printemps a favorisé la biodiversité, les trois quarts veulent faire évoluer leurs pratiques pour pérenniser ce bénéfice. Pour ce qui concerne le rapport aux producteurs de végétaux, le tiers des collectivités escomptent de favoriser dans leurs achats les productions françaises et celles qui sont labellisées. Il faut y ajouter celles qui envi­sagent l’une ou l’autre des dispositions, portant le total à près de la moitié des répondants : la crise fait bouger les lignes en faveur du made in France. Par contre, seul un quart des collectivités connaissent une charte d’achat locale des végétaux. Plante Bleue et Fleurs de France sont connus de 61 % d’entre elles.

Globalement, il est encore tôt pour tirer des bilans définitifs, mais la gestion différenciée devrait monter d’un cran à moyen terme. Les entretiens plus extensifs et les fauches tardives devraient progresser. À con­dition de résoudre certaines contradictions. Lorsque les tondeuses ont repris leur activité, fin avril, dans une ville de l’ouest de la France, le service des espaces verts a reçu deux lettres. L’une émanait d’un habitant mécontent : la tonte reprenait enfin, ce n’était pourtant pas difficile de le faire, l’agent, seul sur sa tondeuse, ne prenant aucun risque sanitaire. La seconde venait d’un autre administré fâché : le service n’avait rien compris, il y avait enfin davantage de fleurs et d’abeilles, il ne fallait surtout pas reprendre les tontes !

Le débat n’est pas nouveau, il existait avant l’apparition de la gestion différenciée au milieu des années 1990. Mais pour faire évoluer les pratiques, il faudra gérer des contradictions et des changements d’habitudes. Pour le secteur du paysage, les questionnements iront bon train dans les prochaines années !

Pascal Fayolle

© L. HESPEL - 68 % des collectivités ne vont rien changer à leur fleurissement. Seules 11 % vont le supprimer ou l’alléger. Ici, l’arrachage des bisannuelles à Roubaix (59). L. HESPEL

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