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Des bonnes pratiques encore plus essentielles

Pour des villes résilientes face au changement climatique, avant de se précipiter sur une palette végétale adaptée aux aléas météorologiques, le point primordial est de veiller au respect des méthodes de production et de plantation.

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Trop souvent encore, le choix d’une espèce végétale s’appuie d’abord sur des critères esthé­tiques alors qu’ils devraient représenter la dernière étape d’une démarche raisonnée tenant compte de multiples paramètres, comme l’expliquent bien les fiches conseils « Arbre en questions » élaborées sous la direction d’Augustin Bonnardot, forestier arboriste au Con­seil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement de Seine-et-Marne (CAUE77).

Le volume disponible pour l’arbre, en tenant compte de son dévelop­pement­ maximal à l’âge adulte, la qualité du sol, le potentiel d’ali­mentation en eau du site, le climat, l’usage des lieux, les moyens disponibles pour l’entretien sont autant de critères à intégrer.

Pour la plupart des professionnels, la question du sol et de l’accès à l’eau, tout en limitant le risque d’engorgement­ (un facteur aussi dom­mageable que le manque d’eau), cons­titue un élément clé pour des projets de plantation adaptés. Cette ap­proche nécessite de renforcer les connexions entre les équipes de maîtrise d’œuvre (des hydrologues, de spé­cialistes de l’assainissement, des VRD…) et d’imposer aux aménageurs une obligation de résultats.

Elle implique aussi pour François Freytet, responsable du service arbre en ville, direction jardins es­paces verts de la Ville de Toulouse (31), de repenser les modes de production : « À l’interface entre l’arbre­ et le sol, il y a les racines. Grâce­ aux travaux de Claire Atger, docteure en botanique, formatrice Pousse Conseil, spécialiste du système ra­­­ci­naire, on sait que la structure de l’enracinement­ de l’arbre est conditionnée par l’espèce, mais aussi par le facteur matériel­ de plantation. Ceux dont les racines­ ont été cou­pées lors des transplantations successives lors de la production en pépinière­ perdent peu à peu la ca­pacité de fabriquer un enracinement similaire à celui produit par un arbre non touché et issu de la germination d’une graine. »

Les enjeux pour une ville résiliente et fonctionnelle

« Pour les grands projets urbains, on attend de l’ingénierie du paysage qu’elle réponde à trois enjeux pour une ville résiliente et fonc­tionnelle sur le plan écologique », indique Xavier Marié, fondateur du bureau d’études Sol Paysage.

Les sols urbains doivent désormais permettre de réguler les épisodes pluvieux exceptionnels en infiltrant l’eau au plus près de son point d’impact. Les arbres vont jouer un rôle déterminant car leur « volume de vie » peut servir à stocker temporairement de l’eau juste après un tel épisode. C’est sur ce principe qu’a été développé le système de Stockholm. La partie supérieure des massifs granulaires sert à réguler les excès d’eau (principe présenté dans le dossier arbres du n° 1025 du Lien horticole, du 30 août 2017).

La plupart des arbres supportent la pollution apportée par les eaux de ruissellement, d’autant que dans le cadre d’une infiltration à la parcelle, elle reste limitée. Le choix de l’essence n’a qu’une incidence faible sur la fonction de régulation hy­drique de la ville. En revanche, dans les zones tempérées, les plantes s’adaptent à leur environnement en régulant leurs flux et notamment leur transpiration. Les plus résistantes au stress hydrique sont celles qui évaporent le plus. Le choix de l’espèce est plus déterminant pour ce volet car les capacités fonctionnelles sont variables. Attention, seul un arbre planté dans de bonnes conditions et ayant accès à suffisamment d’eau pourra rendre des services de rafraîchissement de l’air (lire pages 36 et 37).

Concernant la résilience liée à l’écologie (contribution à l’écosystème urbain), on se heurte à un paradoxe : au prétexte de vouloir protéger la biodiversité, certains écologues imposent une palette végétale pour les arbres urbains strictement dans la continuité écologique du milieu forestier­. Cela peut s’entendre pour une forêt urbaine ou périurbaine disposant d’une résilience écolo­gique propre, mais ce dogme ne peut conduire à un projet d’aménagement urbain viable dans le contexte actuel du changement clima­tique (lire éga­lement pages 32 et 33). La faible « épaisseur » de l’arbre urbain ne lui permet pas de générer un environnement propre suffisant pour remplir une fonction écologique pleine et entière, équivalente à celle d’un sujet forestier !

« À la ZAC du plateau de Saclay (91), un arrêté préfectoral impose l’in­digénat strict pour les arbres. Même les essences considérées comme naturalisées ne sont pas autorisées. Il n’est possible d’utiliser que des chênes, des charmes et des hêtres. Pourtant, au regard des conditions urbaines actuelles et à venir, ces essences­ ne sont pas adaptées et ne vont pas remplir les fonctions écosystémiques pour lesquelles elles ont été plantées… Le constat sur les milliers d’arbres implantés depuis cinq ans est alarmant », explique Xavier­ Marié.

Comment construire des sols pour répondre à ces enjeux ?

Il est impératif de disposer de sols vivants, condition nécessaire pour que les systèmes racinaires développent toutes leurs fonctionnalités. Cela demande de les reconstituer dès leur surface pour favoriser une dynamique biologique (microfaune, lombriciens) propre permettant l’accomplissement du cycle du carbone et de l’azote. En ville, du fait de la présence de revêtements minéraux imperméables, la matière organique (feuilles notamment) a du mal à revenir au sol.

En période de sécheresse, le mé­lange Terre Pierres (TP) n’est pas une solution idéale, mais elle reste préférable à un sol compacté et recouvert d’un revêtement imperméable. Ce choix technique réduit la fonctionnalité écologique des sols, mais il répond à d’autres besoins.

L’adaptation de la palette végétale ne doit pas être appréhendée au regard du sol reconstitué que l’on met en place lors du projet d’aménagement, mais plutôt du sol « encaissant ». Le génie pédologique aide à la caractérisation des sols et permet de s’appuyer plus ou moins largement sur l’existant, de choisir le cas échéant la solution la plus adaptée en matière de reconstitution (mélange TP ou non) et de sélectionner une palette végétale adéquate.

Planter dans 50 cm de granulats à proximité d’un sol naturel est plus favorable que planter dans un vo­lume important de « terre végétale » avec un encaissant peu qualitatif (remblais par exemple). Dans les cahiers­ des clauses techniques particulières (CCTP), il serait judicieux d’imposer l’ana­lyse de l’encaissant pour adapter le volume des fosses de plantation à ce résultat plutôt que d’imposer un volume/arbre quel que soit le site.

Pour qu’une plus grande quantité d’eau « bleue » devienne de l’eau « verte », le choix de la palette vé­gétale s’appuie non seulement sur la biomasse produite mais aussi sur l’accès à cette eau. La porosité du sol dépend du développement du système racinaire des arbres : en l’as­séchant, les racines génèrent des macroporosités­ favorables à l’infiltration des précipitations­. C’est l’un des atouts des mélanges TP : ils permettent un stockage temporaire de l’eau plus important (de l’ordre de 30 à 40 %) qu’une fosse de plantation « clas­sique ». La terre végétale utilisée dans la cons­titution d’un mélange TP est foi­sonnée et libérera par la suite des vides, surtout dans la zone superficielle de la fosse.

« Assurer la pérennité du patrimoine arboré, en préservant les arbres existants, en préparant et en planifiant un renouvellement régulier, n’est plus une simple mesure de bon sens. Il s’agit d’une action nécessaire pour que nous puissions continuer à habiter les villes et les villages », conclut François Freytet.

Yaël Haddad

- Les racines sont coupées lors des transplantations successives.

- Le bon développement racinaire des arbres nécessite un sol vivant, donc non minéralisé.

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