Diversifier pour mieux pérenniser les plantations
Face au changement climatique et à la hausse des températures, il n’y a pas de palette végétale miracle. La solution passe par une diversification entre les espèces, voire au sein même de ces espèces, et des structures de plantation.
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A la faveur du changement climatique, la hausse des températures va s’amplifier, accompagnée d’épisodes de sécheresse. Certains ravageurs devraient remonter plus au nord, avec ces conditions qui leur sont plus propices, et par le truchement des échanges commerciaux. De nouvelles maladies pourraient également faire leur apparition.
Si, au sein d’un alignement d’arbres, n’est planté qu’un seul et même clone, lorsqu’un ravageur ou une maladie se déclare, tous les sujets vont être touchés et potentiellement dépérir. De la même manière, ce clone aura une résistance identique aux températures et aux accidents climatiques (tels que sécheresse, inondations, tempêtes). D’où l’intérêt de diversifier la palette. Mélanger feuillus et conifères peut par exemple avoir un effet protecteur contre des insectes prédateurs et agir comme une barrière.
Diversifier les espèces
Plusieurs études sur les milieux forestiers ont mis en avant les avantages à diversifier les espèces pour faire face aux changements climatiques. En associant des plantes aux sensibilités différentes, la forêt augmente sa résilience face à des événements extrêmes.
En ville, cette diversification devrait également permettre d’augmenter la résistance des végétaux des parcs, aménagements paysagers et alignements d’arbres. L’exemple du canal du Midi est éloquent. Un des plus anciens canaux d’Europe encore en activité, il était bordé à l’origine par des alignements monospécifiques de platanes (42 000 au départ). Mais, depuis 2006, le chancre coloré du platane a gagné ses berges, une maladie incurable qui est véhiculée par un champignon. « 25 000 arbres ont dû être abattus », relevait Évelyne Sanchis, chef de l’arrondissement patrimoine environnement chez Voies navigables de France, en novembre dernier, lors du colloque international Histoire d’arbres à Mons (Belgique). Jusqu’à présent, 11 000 spécimens ont été replantés. Le choix a été fait de diversifier les espèces le long du canal. Le chêne chevelu (Quercus cerris) sera l’essence « jalon », plantée sur 40 % du linéaire. Elle a été choisie pour recréer l’effet de monumentalité du platane. Entre deux sections de chêne chevelu, des essences « intercalaires » apportent la diversité souhaitée : érable plane (Acer platanoides), tilleul à grandes feuilles (Tilia platyphyllos), peuplier blanc (Populus alba), tilleul à petites feuilles (Tilia cordata), charme-houblon (Ostrya carpinifolia), micocoulier du Midi (Celtis australis), pin parasol (Pinus pinea) et une végétation mixte adaptée aux sols salés de type tamaris, pin d’Alep (Pinus halepensis) ou mûrier blanc (Morus alba) dans les zones de lagunes méditerranéennes.
Cependant, la diversification employée à l’échelle de l’alignement peine à convaincre, soulignait Aurélien Puiseux, auteur du mémoire Mise au point d’une méthodologie de choix d’essences par le SAB pour les projets de plantation, lors d’une conférence consacrée à l’adaptation des plantations au changement climatique, le 4 décembre 2019 à Paysalia, à Chassieu (69). « Beaucoup sont contre, mais il est possible de choisir des arbres qui se ressemblent pour contourner cette difficulté », a-t-il souligné.
Diversification génétique au sein d’une espèce
La diversification génétique est un autre levier d’action. L’hypothèse est qu’une grande diversité génétique correspond à un potentiel d’adaptation élevé (certains individus sont mieux adaptés à un environnement donné). Elle constitue un « réservoir de gènes » au sein duquel l’espèce peut s’approvisionner pour croître dans des conditions écologiques nouvelles.
Depuis l’avènement des techniques moléculaires permettant de mesurer la diversité génétique, des données ont été accumulées sur les espèces cultivées et sauvages. Si peu d’études existent au sujet de la diversité des arbres en ville face au changement climatique, il y en a un certain nombre qui sont consacrées aux essences forestières.
Au sein du monde vivant, les arbres forestiers figurent parmi les plantes ayant la diversité génétique la plus considérable. Les différences entre espèces sont grandes, mais la plupart d’entre eux ont une grande diversité génétique intraspécifique, entre populations mais aussi entre individus à l’intérieur de chaque population. Et cela même pour des caractères adaptatifs très contraints localement comme la phénologie du débourrement ou de la formation des bourgeons. Cette diversité confère aux arbres forestiers un potentiel de réponse à la question de la végétalisation urbaine.
Planter en ville des arbres issus de semis, et donc avec une diversité génétique plus grande, permettrait d’augmenter leur potentiel d’adaptation. « Ne pas planter le même cultivar donne la possibilité de varier la résistance aux pathogènes, aux maladies, abonde Aurélien Puiseux. Mais il faut des pépinières motivées pour cultiver ça. »
Multiplier par semis et cultiver les arbres obtenus pour qu’ils soient ensuite plantés par des collectivités, c’est un mode de production à long terme, gourmand en espace et qui demande de prendre des risques.
Les pépinières Drappier, à Lecelles (59), ont par exemple mis en place un petit espace de multiplication (boutures et semis), en marge du reste de leur production. « On veut faire appel, de manière très limitée, au semis pour avoir davantage de diversité génétique et de solidité au niveau des collets chez certains taxons, afin d’obtenir des lots de plantes plus capables de s’adapter aux changements à venir », expliquait ainsi Michel Le Borgne, gérant de la pépinière, l’automne dernier (Le Lien horticole n° 1091, p.42-43). Mais cette partie reste très marginale. La pépinière s’est plutôt lancée dans une production en temps court, au moyen d’Air Pot. Quelques semis, particulièrement de chênes verts et de chênes d’Espagne, sont la seule exception à l’orientation stratégique vers des cultures plus courtes.
Léna Hespel
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