Quel est votre diagnostic ? Le tigre du chêne
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DÉTECTION
Les symptômes ne concernent que les chênes. Cette affection monospécifique oriente donc les investigations vers un agent parasitaire inféodé au genre Quercus. Le jaunissement des limbes résulte de multiples petites zones décolorées qui se rejoignent. Ce signe est caractéristique de prélèvements occasionnés par un arthropode piqueur-suceur opophage. Il ponctionne et se nourrit des liquides intracellulaires. La feuille conserve sa structure mais perd sa coloration. La présence, au revers du feuillage, d’insectes entourés de leurs déjections graisseuses, de larves et d’œufs oriente le praticien vers les punaises de la famille des Tingidae : les tigres. Il s’agit ici du tigre du chêne, encore appelé la punaise réticulée du chêne : Corythucha arcuata (Say, 1832).
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE
Le tigre du chêne est une punaise connue de longue date sur le continent nord-américain dont il est originaire. Il se rencontre plutôt dans les régions de l’Est, allant du Québec, au nord, à la Caroline du Sud. Il a été ensuite introduit en Europe. Identifié en 2000 en Italie, il a gagné la Suisse (2002), la Turquie (2003), l’Iran (2011), la Bulgarie et la Croatie (2012), la Hongrie (2013), la Russie (2015), la Slovénie et la Roumanie (2017), l’Autriche et la Grèce (2019). C’est en 2017 que cet insecte a été repéré en France, à Toulouse (31), sur le site présenté dans cet article. Mais vu les niveaux d’infestation constatés, il est probable qu’il était déjà installé depuis quelques années. Actuellement, il est présent dans tout le Sud-Ouest.
DESCRIPTION DE L’INSECTE
La punaise réticulée du chêne mesure de 3 à 3,5 mm de long. Son thorax et ses élytres sont recouverts de plaques et de bulbes foliacés transparents évoquant de la dentelle. Cet insecte bicolore, blanc-crème avec plusieurs taches marron à noires, est morphologiquement très proche du tigre du platane (Corythucha ciliata), qui, lui, est plus clair et ne présente pas de taches sombres sur le bord des élytres. Ses œufs noirs de forme oblongue sont groupés au revers des feuilles. Ses larves de couleur grise à noire ont un corps orné à sa périphérie d’épines claires.
ÉLÉMENTS DE BIOLOGIE
Ce tigre passe l’hiver dans les anfractuosités de l’écorce des chênes au stade adulte. Une hibernation est également envisagée dans la litière de feuilles mortes. À partir du débourrement des arbres, une migration ascendante entraîne les insectes vers les jeunes feuilles situées dans la partie basse du houppier. Vers la mi-mai, les femelles pondent leurs œufs sur la face inférieure des feuilles. Ils sont groupés (de quinze à plusieurs centaines d’unités),disposés régulièrement et verticalement. Les larves restent grégaires jusqu’au stade adulte. Cinq stades se succèdent. Elles laissent sur place à chaque mue leurs exuvies. À la fin juin, la première génération d’adultes apparaît et il y en aura trois au total. En fin de saison, les générations se superposent et tous les stades s’observent simultanément. Dans le nord de l’Italie, le cycle de développement complet de la punaise réticulée dure de quatre à six semaines. Les adultes et les larves rejettent un excrément liquide dense et noir qui forme cette « moucheture » caractéristique au revers des feuilles.
HÔTES POSSIBLES
Cet insecte est essentiellement inféodé aux arbres de la famille des Fagaceae et tout particulièrement aux chênes. Il s’est bien adapté aux espèces européennes et colonise le chêne pubescent (Quercus pubescens), le chêne pédonculé (Q. robur), le chêne à glands sessiles (Q. petraea), le chêne chevelu (Q. cerris) ou encore le chêne de Hongrie (Q. frainetto). Les observations réalisées à Toulouse montrent une sensibilité toute particulière de ce dernier. En revanche, ce tigre épargne les chênes rouges d’Amérique (Quercus rubra) ainsi que les chênes européens à feuillage persistant.
CONFUSIONS POSSIBLES
Plusieurs arthropodes opophages peuvent générer une décoloration foliaire sur les chênes. Parmi eux, le phylloxera du chêne (Phylloxera glabra). Mais la décoloration qu’il induit est ponctiforme et donc assez différente de celle provoquée par le tigre du chêne, qui est uniforme. En revanche, l’acarien du charme (Eotetranychus carpini) est à l’origine d’un jaunissement régulier des épidermes et proche de celui qu’occasionne ce tigre. Mais l’absence de déjections noires au revers des feuilles permet d’écarter cette piste.
CONSÉQUENCES POUR LES ARBRES
En ponctionnant les feuilles, la punaise réticulée du chêne endommage les tissus chlorophylliens. Il s’ensuit une diminution du rendement photosynthétique et des échanges gazeux : des baisses respectivesde 58 % et de 28 % ont été mesurées sur chêne pédonculé. Lors d’une sévère attaque, les feuilles se nécrosent et chutent prématurément. Un affaiblissement de l’arbre est alors envisagé. Mais compte tenu des faibles dommages occasionnés par ce tigre dans son aire d’origine, il est possible de penser qu’il en sera de même dans nos régions et que le dépérissement du chêne visité ne pourrait survenir que si d’autres agressions biotiques ou abiotiques étaient cumulées… Les sujets en milieu ouvert et au houppier lumineux semblent plus vulnérables à l’insecte. Ainsi, les chênes de parcs ou de bords de routes pourraient être plus touchés que les arbres forestiers. Mais ce sont essentiellement des nuisances d’ordre esthétique liées à la décoloration foliaire et à une chute précoce de feuilles qui s’expriment et préoccupent.
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