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Phéromones sexuelles pour monitoring

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Spectre d’efficacité et cultures envisagées

Propriétés : la phéromone sexuelle est une substance chimique de communication produite par un organisme pour détecter et localiser un partenaire apte à la reproduction. Chez les insectes, il s’agit d’un composé (ou d’un mélange de composés) sécrété par des glandes exocrines, déclenchant des réactions physiologiquesou comportementales entre des individusd’une même espèce. Ce sont généralement les femelles qui produisent les phéromones sexuelles à partir d’une glande située à l’extrémité de l’abdomen. L’invagination de cette glande, typique du comportement d’appel, permet la libération passive de la phéromone dans l’air par simple évaporation. L’émission du signal chimique odorant oriente le vol, l’ap­proche et le contact des mâles pour assurer l’accouplement. Il agit à dose moléculaire sur plusieurs centaines de mètres et est réceptionné par des chimiorécepteurs, surtout au niveau des an­tennes, garnies d’organessensoriels ou sensilles. Les molécules odo­rantes­ dé­tectées sont alors prises en charge par des transporteurs protéiques, à l’ori­gine d’une chaîne­ de transduction du signal conduisant à des réactions chez le congénère percevant le message. Après l’accouplement, les femelles cessent de produire leur phéromone sexuelle et deviennent généralement réfractaires aux mâles.

Législation : les phéromones sexuelles commercialisées pour le piégeage de certains insectes ravageurs sont des produits classés parmi les médiateurs chimiques. Issues de la chimie de synthèse, elles reproduisent les subs­tances naturelles de façon analogue. Celles qui sont destinées à la surveillance, ou monitoring, sont distribuées sans besoin d’autorisation préa­lable de mise sur le marché (AMM), mais celles utilisables en biocontrôle pour le pié­geage de masse ou la confusion sexuellesont obligatoirement assorties d’une AMM garantissant leur évaluation officielle.

Phéromones disponibles et cultures concernées : la mise au point de phéromones sexuelles par les biochimistes permet de :

- connaître la date d’apparition des pre­miers­ imagos de l’espèce nuisible et donc raisonner l’intervention afin de réguler si be­soin­­ le niveau de population. Les ob­ser­vations de terrain (notation visuelle des pontes, puis des stades larvaires, calcul des sommes thermiques) complètent le piégeage pour déterminer la date opti­male d’intervention ;

- détecter la présence ou constater l’absence d’un insecte dans un milieu donné. C’est le dépistage. Ainsi, le piégeage phéromonal favorise la surveillance des points d’entrée communautaires (les ports, les aéroports ou encore les marchés d’intérêt national) et d’autres­ lieux sensibles vis-à-vis des organismes de quarantaine dans l’Union européenne ;

- cartographier l’extension d’un insecte ravageur sur le territoire et déterminer la distribution géographique d’une espèce.

Plusieurs firmes proposent une gamme de capsules attractives pour différents insectes ravageurs des cultures, dont les plantes d’ornement (lire le tableau). On les utilise principalement sur les lépidoptères en raison du grand nombre de chenilles nuisibles aux végétaux rencontrés dans cet ordre d’insectes (cheimatobies, cossus, hyponomeutes, mineuses, noctuelles, orgyies, processionnaires, pyrales,sésies, teignes, tordeuses, zeuzères...).Cer­­tains diptères (cécidomyies, mouches…), thy­sanoptères­ (thrips) et hémiptères (cochenilles farineuses, à bouclier…) sont éga­lement concernés.

Mode d’action et cibles : parmi les différents procédés servant à capturer les insectes ravageurs, l’utilisation des phéromones sexuelles est importante dans les pépinières, en horticulture florale et espaces verts. L’absence de capture dans les pièges ou un nombre de prises inférieur au seuil indicatif de risque préalablement établi évite des interventions inutiles. En outre, le recueil de données précises sur le début et le pic de vol, ainsi que sur la dynamique de population d’un bioagresseur, sert à raisonner le traitement au plus juste. Par exemple, l’application d’un larvi­cide contre­ les lépidoptères, comme Bacillus thuringiensis, est appliqué aux premiers stades larvaires pour assurer un maximum d’efficacité, le plus souvent entre dix et quinze jours après le pic de vol.

Types de pièges : piège delta (petite boîte triangulaire en carton imperméabilisé qui contient une plaque de glu sur laquelle on dépose la capsule de phéromones sexuelles). Piège à cossus gâte-bois (différents matériels peuvent être utilisés, soit un modèle du commerce à entonnoir ou à ailette du type Mastrap L, soit un modèle préparé artisanalement avec un tube en PVC gris, de 12 cm de diamètre et 40 cm de long, enduit à l’intérieur de glu sur la­quelle on place­ la capsule de phéromone au milieu du tube, sans la toucher avec les doigts). Piège à entonnoir (seau et entonnoir), au-dessus duquel se trouve un couvercle en forme de parapluie muni d’un distributeur central de phéromones : les insectes volent autour du diffuseur jusqu’à épuisement, puis tombent dans le piège sans pouvoir en ressortir (cas du piège à pyrale du buis Buxatrap) ou fi­nissent par se noyer dans la solution d’eau savonneuse contenue au fond du seau. Piège à eau (bac circulaire rempli d’eau avec quelques gouttes de mouillant, surmonté d’un panier porte-phéromones fixé sur un support au centre du piège). Respecter une distance minimale d’une dizaine de mètres entre chaque piège dans le but d’éviter les problèmes d’interférence entre­ les phéromones (pour une même espèce, il y aurait alors non pas piégeage­, mais confusion, ce qui ne permettrait pas d’observer avec précision la dynamique de population). Pour bien distancer les pièges entre eux, suivre les recommandations des fournisseurs.

Utilisation et efficacité : chaque capsule de phéromone sexuelle est spécifique d’une espèce d’insecte et doit être utilisée dès l’ouverture du sachet. Certaines sont changées toutes les quatre semaines, tandis que d’autres plus persistantes (long life) couvrent l’ensemble des périodes de vol. La capsule doit être conservée au réfrigérateur ou au congélateur. Effectuer les relevés de captures chaque jour de façon optimale ou au moins trois fois par semaine. Ôter régulièrement les insectes capturés et les comptabiliser, sans jamais toucher la capsule avec les doigts, ce qui inhiberait son pouvoir attractif. Pour cela, utiliser une paire de pinces à épiler ou une fine baguette en bois. Noter chaque jour les captures, sinon trois fois par semaine au minimum, pour pouvoir observer la dynamique de population. La lecture des relevés indique le pic du vol, soit la pé­riode d’activité maximale et son importance, de même que le nombre total d’individus­ capturés. Toutefois, il n’y a généralement pas de correspondance entre­ le nombre de captures en piège et le niveau de population établi dans un lieu donné. Pour la processionnaire du pin, par exemple, l’équivalence entre la cap­ture dans les pièges et le niveau d’infestation réelle (quantité de papillons, puis de chenilles défoliatrices) est aléatoire. Le taux d’attaque d’un arbre ou d’un massif arboré se mesure par le recensement des nids communautaires au cours du dernier hiver. Ces endroits identiques d’une année à l’autre sont appelés « placettes d’observation ». Les constatations réalisées mettent en évidence le niveau d’infestation réel et la gradation de population de façon pluriannuelle. Celle-ci, chez la processionnaire du pin, culmine tous les cinq à six ans environ, pendant une durée de deux à trois ans.

Jérôme Jullien

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