Chrysoperla carnea, prédatrice généraliste
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Spectre d’efficacité et cultures envisagables
Proies : la famille des Chrysopidés comprend 85 genres et entre 1 300 et 2 000 espèces, dont le genre Chrysoperla renfermant cinq espèces en France, dont trois sont des hôtes habituels des milieux cultivés : C. carnea, C. lucasina, C. affinis. Bien difficiles à identifier, ces dernières sont souvent rassemblées sous l’appellation Chrysoperla du groupe carnea. Très voraces au stade larvaire, elles peuvent jouer un rôle important de régulation des ravageurs en horticulture ornementale et en espaces verts. Tandis que les adultes se nourrissent du miellat sécrété par les insectes piqueurs-suceurs de sève, ainsi que du nectar et de pollen des fleurs, les larves dévorent des pucerons, mais s’attaquent aussi à des acariens, thrips, aleurodes, cochenilles, psylles, tigres, œufs de papillons et jeunes chenilles.
Principales cultures concernées : les pratiques agricoles comme la monoculture ou la rotation des cultures n’ont pas d’influence significative sur la diversité des névroptères. C. carnea colonise les arbres, arbustes et plantes herbacées, de préférence aux feuilles non poilues. Au crépuscule ou la nuit, elle fréquente surtout les strates basses de végétation en quête de nourriture. La journée, elle est en repos dans les haies et bosquets.
Comportement et efficacité : C. carnea est spontanée dans les cultures et peut être lâchée si nécessaire pour le biocontrôle d’arthropodes ravageurs peu mobiles, même en cas de grande variation thermique et/ou hygrométrique, car son activité n’est quasi pas affectée par la température et elle ne l’est pas du tout par l’humidité relative de l’air. C’est l’un des principaux atouts de cet auxiliaire généraliste. Lorsque les hyménoptères parasitoïdes de pucerons ou les coccinelles prédatrices de cochenilles farineuses ne sont plus en mesure d’agir efficacement, notamment en automne-hiver ou au début du printemps en conditions climatiques défavorables, C. carnea assure encore un bon niveau de prédation. On l’utilise ainsi avec succès lors des hivers doux, désormais fréquents avec le changement climatique. Durant son développement de quinze à vingt jours, une larve de chrysope peut consommer 300 à 500 pucerons ou 10 000 acariens tétranyques, dont 75 % au dernier stade. Elle permet de réduire l’utilisation d’acaricides et d’insecticides sur de nombreuses plantes. Mais cette efficience dépend en partie des infrastructures agroécologiques dont elle dispose dans l’environnement immédiat des cultures. On veillera donc à implanter des haies composées de végétaux attractifs (amandier, althéa, aulne glutineux, bouleau verruqueux, charme, châtaignier, chêne vert, chêne pédonculé, chêne pubescent, clérodendron, coronille, cytise, févier d’Amérique, figuier, fusain d’Europe, laurier-tin, merisier, ostryer, nerprun alaterne, noisetier, pin, potentille frutescente, prunellier, robinier faux-acacia, rosier, saule marsault, sureau noir, tilleul de Hollande, tilleul des bois, viorne lantane…) afin que les adultes floricoles aient de quoi subsister et puissent se reproduire, mais aussi pour offrir des proies aux larves. Il est possible également de placer des boîtes d’hivernage dans les milieux pauvres en refuges. Les chrysopes adultes possèdent des organes sensitifs à la base des ailes antérieures grâce auxquels elles captent les sons. Durant les parades nuptiales, elles communiquent par vibration de leur abdomen contre le substrat et ce signal est capté par des organes spécifiques dans le tibia des pattes de leurs partenaires potentiels.
Toxicité de substances actives : la larve est généralement plus sensible aux traitements phytosanitaires que l’adulte. Il est donc important de n’utiliser que des produits non toxiques, surtout de mai à septembre où se succèdent les deux ou trois principales générations annuelles de l’insecte. Les œufs sont très sensibles aux huiles minérales paraffiniques, les œufs et larves sont exposés au diflubenzuron et la plupart des stades aux esters phosphoriques et aux produits chlorés. Le pyriproxyfène est très toxique à court terme. La dangerosité du glyphosate a également été mise en évidence sur l’insecte. À noter que les nématodes entomopathogènes Steinernema feltiae utilisés en horticulture ornementale pour le biocontrôle des mouches noires des terreaux (Sciaridés), chenilles, thrips et taupins, sont mortels pour les larves de C. carnea. En revanche, la chrysope verte tolère relativement bien la plupart des fongicides.
Cycle, conditions de développement
Morphologie
- Adulte : corps vert pâle à jaunâtre de 7 à 12 mm, deux paires d’ailes transparentes réticulées d’une envergure de 22 à 32 mm, disposées en toit au repos, bleu-vert ou vert clair (elles rosissent en automne-hiver avec le froid), thorax et abdomen parcourus d’une bande jaune médio-dorsale, tête marquée de rouge et parfois de noir sur les joues, antennes longues et fines, gros yeux dorés.
- Œuf : forme elliptique, blanc puis verdâtre, porté par un filament ou pédicelle de 10 mm fixé au végétal, lui permettant d’éviter les prédateurs et les moisissures.
- Larve : corps de forme allongée de 8 à 10 mm, jaune grisâtre, ocre ou brun, avec deux bandes longitudinales rouges, mandibules transformées en pinces crochues percées d’un canal alimentaire pour saisir les proies et en aspirer le contenu. Sur les flancs, des verrues et de longs poils.
- Nymphes : cocon soyeux légèrement ovale, de 3 mm de diamètre, blanchâtre à beige clair.
Observation : on trouve cet insecte à l’état spontané dans les pépinières, parcs et jardins, presque toute l’année sur les rameaux et les branches d’une multitude de végétaux cultivés sous abri comme en plein air. Pour l’observer sur les arbres et arbustes, la technique du frappage dans un cadre toilé convient. Sinon, la détection des foyers d’insectes et d’acariens phytophages par l’observation visuelle est un bon moyen de localiser les larves, même si leur activité est surtout nocturne, se réfugiant sous les plantes le jour.
Cycle biologique : C. carnea effectue sa métamorphose complète en quatre stades : œuf, larve, nymphe, adulte. L’imago hiverne dans un bâtiment ou à l’intérieur d’une feuille enroulée. Il fréquente les haies, bois, pépinières, jardins et vergers. La femelle commence à pondre dès la fin de l’hiver. Elle dépose jusqu’à 500 œufs, isolément ou en bouquets, à la surface de feuilles, d’aiguilles ou de brindilles, à proximité des futures proies, en appliquant l’extrémité de son abdomen sur le support, puis en étirant une sécrétion qui se durcit immédiatement pour fixer son œuf au bout de ce pédoncule d’une longueur toujours identique. Après une incubation de trois à six jours conduisant à l’éclosion, trois stades larvaires et un stade prénymphal se succèdent durant dix à quinze jours, puis la nymphose se fait dans un cocon tissé. Un adulte en émerge après une à deux semaines, en fonction de la température. Le développement de l’œuf à l’adulte prend généralement 69 jours à 16 °C, 35 jours à 21 °C et 25 jours à 28 °C. À une température constante de 10 °C, il est incomplet. La femelle vit un mois, tandis que le mâle meurt au bout d’une à deux semaines.
Conditions d’utilisation : d’élevage facile, C. carnea est diffusée pour le biocontrôle en flacon de 500 millilitres (1 000 larves) ou en seau de six litres (10 000 larves), mélangées à du sarrasin. On agite légèrement le flacon avant utilisation, puis on peut appliquer le mélange sur les feuilles infestées. Conserver un à deux jours maximum après réception à une température de 8 à 10 °C et à l’obscurité (bouteille à l’horizontale).
Jérôme JullienPour accéder à l'ensembles nos offres :