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Transeius montdorensis, acarien prédateur généraliste

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Spectre d’efficacité et cultures envisageables

Proies : récemment arrivé sur le marché français du biocontrôle, Transeius montdorensis (Schicha, 1979) est un acarien phytoseiide utilisé pour réguler d’importants ravageurs des cultures sous abri. Ce prédateur généraliste se nourrit d’œufs et de larves d’aleurodes (Bemisia tabaci­, Trialeurodes­ vaporariorum), des premiers et deuxièmes stades larvaires de thrips (Frankliniella occidentalis, Thrips fuscipennis, Thrips tabaci), d’acariens phytophages (phytopte Aculops lycopersici, tarsonème Polyphagotarsonemus latus, tétranyque tisserand Tetranychus urticae), ainsi que de pollen lorsque ses proies viennent à se raréfier. Cannibale, il peut consommer éga­lement les stades immatures d’autres espèces de prédateurs, comme quasiment tous les phytoseiides.

Principales cultures concernées : T. montdorensis est d’origine subtropicale, spontané dans des îles du Pacifique (Vanuatu, Fidji, Nouvelle-Calédonie, Polynésie fran­çaise) et identifié depuis 1994 dans des régions­ occidentales de l’Australie continentale (les zones côtières non boisées du Queensland). C’est une espèce exotique pour l’Europe, pouvant s’adapter en extérieur dans le bassin méditerranéen et se développant très bien en serre sur plusieurs cultures ornementales, comme le poinsettia, le gerbera, le chrysanthème et le rosier en production de fleurs coupées. On l’utilise aussi avec succès en exploitations maraîchères sur l’aubergine, le concombre, la courgette, le poivron, la tomate ou encore sur des plantes à petits fruits, telles que le fraisier et le framboisier.

Comportement et efficacité : les adultes et larves de T. montdorensis sont très mobiles. Ils recherchent très activement leurs proies, qu’ils percent pour en aspirer le contenu, dévorant ainsi une dizaine d’arthropodes par jour.Afin de les maintenir en activité en l’absence de ravageurs, il est préférable d’effectuer des apports de com­plément alimentaire à base de pollen. Bien adapté à la chaleur et à la sécheresse (optimum thermique à 27 °C), T. montdorensis peut se maintenir à des tempéra­tures fraîches (12 °C minimum) ou à une faible luminosité, mais il supporte moins le froid que Neoseiulus californicus, autre acarien phytoseiide. Un pourcentage élevé de T. montdorensis adultes meurent après avoir été exposés à des températures trop basses : 90 % à 5 °C pendant 28 jours ; 100 % (femelles adultes et larves) à l’extérieur en hiver pendant 7 jours à 0,2 et 2 °C ou 14 jours à 3 °C environ. Avant de commercialiser T. montdorensis pour le biocontrôle, les biologistes ont mesuré son efficacité potentielle dans différentes situations. Ainsi, des expérimentations de lutte en cultures hors sol sous serre ont comparé T. montdorensis à d’autres acariens phytoseiides prédateurs de thrips, notamment en hiver et au dé­but du printemps, où la régulation de ces insectes­ nuisibles par les acariens auxiliaires peut largement varier­ selon les espèces. Pour certains taxons, des photo­périodes plus courtes, avec des températures fraîches, se traduisent par une moindre prédation, ainsi qu’une diminution de la ponte et de la survie. C’est pourquoi les espèces d’acariens prédateurs ont tout intérêt à être évaluées simultanément pour identifier celles qui conviennent le mieux aux pé­riodes de jours courts. Les évaluations d’efficacité vis-à-vis de thrips ravageurs, à l’exemple de Frankliniella occidentalis, ont d’abord été réalisées en laboratoire dans des conditions simulées d’été et d’hiver, ensuite dans des enceintes d’expérimentation sous abri, puis sur le terrain en situations réelles de production végétale. Au cours de plusieurs essais comparatifs, l’abondance et le niveau de ponte de T. montdorensis étaient au moins aussi élevés que ceux d’Amblyseius swirskii, Amblydromalus limonicus et Neoseiulus cucumeris. De plus, T. montdorensis a consommé une quantité identique de thrips de premier stade larvaire, en jours courts comme en jours longs. Dans un dispositif expérimental canadien (2014-2016), mis en place dans des enceintes (milieu tempéré, lumière naturelle, 70 % d’humidité rela­tive dans l’air) sur des plants de poivron au début du printemps durant quatre à cinq semaines, le niveau de population de T. montdorensis était égal à celui d’A. swirskii, mais supérieur à celui de N. cucumeris au cours des deux années et à celui d’A. limonicus en 2014. D’autres essais d’efficacité visant les thrips et aleurodes sur des fraisiers remontants en culture hors sol, avec un objectif de réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires en lutte intégrée, ont permis de vérifier la régulation optimale des deux bioagresseurs durant toute la période de production de fraises. Ces évaluations ont ainsi démontré que T. montdorensis était un bon prédateur de thrips et d’aleurodes, ce qui justifiait son développement en tant que nouvel agent de lutte biologique sous abri en zones tempérées. En France, avant sa mise sur le marché pour le biocontrôle par lâcher inon­datif, a été précédée d’une évaluation offi­cielle­ du risque phytosanitaire et environnemental* réalisée par l’Anses (avis du 15 février 2018), dans la mesure où ce macro-organisme auxiliaire est non indigène du territoire métropolitain.

Toxicité de substances actives : l’insecticide pirimicarbe et le fongicide chlorothalonil ont une faible toxicité, le soufre révèle une toxicité moyenne, tandis que l’abamectine et les pyréthrines sont très toxiques pour cet acarien auxiliaire.

Cycle, condition de développement

Morphologie :

- adulte : huit pattes, corps plat allongé blanc translucide, jaune ou rosâtre, de 0,4 mm de long (le mâle est plus petit que la femelle ;

- œuf : ovale, de teinte claire ;

- larve : six pattes, corps translucide ;

- nymphes (protonymphe, deutonymphe) : huit pattes, blanchâtres ou jaunâtres.

Cycle biologique : le cycle de développement complet comprend cinq stades : œuf, larve, protonymphe, deutonymphe, mâle et femelle adultes. En moyenne, sa durée est de 6,3 jours à 27 °C, de 7 jours à 25 °C et de 22,1 jours à 15 °C, permettant la constitution rapide d’une population active pour le biocontrôle. Mais à 30 °C, le développement prend 8 jours et, à 35 °C comme à 10 °C, les acariens cessent de se croître, tandis qu’à 45 °C maximum, seuls les adultes subsistent. La femelle peut pondre jusqu’à 50 œufs au cours de sa vie (30 jours) sur les poils de la face inférieure des feuilles, sous les sépales des fleurs ou le calice des fruits. Après un ou deux jours, les œufs éclosent et les larves émergent. L’acarien connaît deux stades larvaires avant de devenir adulte. Des études réalisées sur le terrain au Royaume-Uni in­diquent qu’aucune reproduction ne se produit de novembre à mars et que la mortalité à 100 % des œufs, des larves et des adultes a lieu dans les deux semaines suivant la libération durant cette période. Cela pourrait être lié au fait que l’espèce est incapable d’entrer en diapause.

Conditions d’utilisation : T. montdorensis est livré dans une bouteille de 1 litre contenant 50 000 acariens (larves et adultes) ou un seau de 5 litres pour 250 000 formes mobiles. La durée de conservation est de un à deux jours si les bouteilles sont stoc­kées allongées dans l’obscurité, à une température de 10-15 °C et avec une ven­tilation adéquate pour éviter l’accumulation de CO2. Cet auxiliaire est aussi con­ditionné en sachets (boîte de 250, avec au moins 350 acariens par sachet). La dose d’épandage dépend du type de culture et de la gravité du ravageur. En prévention, compter 20 à 50 individus/m² en plusieurs apports, mais en cas d’infestation de ravageurs, augmenter à 50-150 individus/m².

Jérôme Jullien

*Conformément à l’article L 258-1 et 2 du Code rural­ et de la pêche maritime, et au décret n° 2012-140 du 30 janvier 2012.

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