Beauveria bassiana,champignon entomopathogène
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Spectre d’efficacité et cultures envisageables
Bioagresseurs et cultures ciblés : Beauveria bassiana est un champignon cosmopolite qui croît naturellement dans les sols et provoque une maladie, la muscardine blanche, chez divers arthropodes, dont des ravageurs des plantes (insectes, acariens). Il existe différentes souches de cet entomopathogène sur le marché des produits de biocontrôle. Chacune a un spectre d’efficacité et une virulence particuliers estimés lors d’études biologiques et d’essais. On trouve actuellement en France les suivantes :
- souche 147 (Ostrinil) d’Arysta LifeScience, autorisée contre le papillon palmivore argentin (Paysandisia archon) en traitement des parties aériennes ;
- souche NPP 111B005 (Permasect, ARY-0711-B-01) d’Arysta LifeScience, autorisée contre le charançon rouge des palmiers (Rhynchophorus ferrugineus) en traitement des parties aériennes et le charançon noir du bananier (Cosmopolites sordidus) en application directe sur les plants, suivant la méthode de traitement des pseudo-troncs coupés en V ;
- souche 203 (Phoemyc +) de Glenn Biotech autorisée par dérogation AMM 120 jours en 2018, 2019 et 2020 contre le charançon rouge des palmiers en traitement des parties aériennes. Produit à base de grains de riz à appliquer aux insertions des feuilles et des rejets durant la période d’activité des adultes, avant la ponte ;
- souche ATCC 74040 (Naturalis) de De Sangosse, autorisée en traitement des parties aériennes contre les acariens, aleurodes et thrips des cultures florales, plantes vertes, solanacées légumières, cucurbitacées à peau comestibles et fraisier, tétranyques, phytoptes, psylles et mouches des fruits à pépins et à noyau, mouche de l’olive ;
- souche GHA (Botanigard 22 WP, Botanigard OD) de Certis Europe, autorisée en traitements généraux contre les aleurodes des arbres et arbustes, framboisier, vigne de table, ronce à mûres, cucurbitacées et solanacées sous abris, les thrips et aleurodes des cultures florales, plantes vertes, rosier, cultures porte-graines sous abris.
Sur notre territoire, on peut observer des développements naturels de B. bassiana sur plusieurs insectes, tels que des hannetons, charançons, doryphore de la pomme de terre, pucerons, cicadelles ou tordeuses de la vigne et des arbres fruitiers. On utilise aussi ce champignon auxiliaire pour le biocontrôle de la pyrale du maïs (Ostrinia nubilalis) et dans certains pays pour maîtriser les populations de termites ou de criquets. Des études récentes visent par ailleurs à éliminer les taupins ou encore les moustiques vecteurs de la malaria.
Modes d’action : B. bassiana est un agent de lutte microbiologique très intéressant, car il peut infecter l’hôte par ingestion ou simple contact, contrairement à d’autres organismes entomopathogènes. De plus, il parasite tous les stades d’un insecte (œuf, larve, nymphe, adulte). Lorsque les spores atteignent la cuticule de l’hôte, elles se développent jusqu’à sa mort, après trois à cinq jours pour les petits insectes (acariens, aleurodes, thrips, mouches…) et de cinq à dix jours pour les gros spécimens (hannetons, charançons…).
Facteurs d’efficacité : la virulence maximale s’obtient en général avec des températures de 18 à 29 °C et une humidité minimale de 60 %. Au-dessous de 15 °C, le développement des spores est ralenti et, au-delà de 33 °C, il est inhibé. Chaque insecte mort par infection permet au mycélium de se développer sur son corps et de former une enveloppe blanche filamenteuse. Si un insecte sain y touche, il sera infecté et va en mourir à son tour. En revanche, les situations de faible humidité, de chaleur insuffisante ou trop élevée et d’exposition aux UV, peuvent limiter ou empêcher la croissance mycélienne.
Mode d’emploi : on utilise B. bassiana de manière préventive et curative selon les souches et les bioagresseurs ciblés. Tributaire d’un temps d’infection, ce champignon demande quelques jours avant d’entraîner la mort des ravageurs. Il est donc important de raisonner les traitements selon la biologie de l’insecte et les données d’épidémiosurveillance disponibles. Au plus tôt, l’intervention a lieu dès la réception des plants ou après le repiquage de boutures pour lesquelles un trempage est possible pour les préparations liquides.
Compatibilités : B. bassiana est compatible avec une majorité d’agents de biocontrôle et avec certains insecticides ou acaricides chimiques de synthèse. Des études ont même démontré que son utilisation avec d’autres auxiliaires permettait d’avoir un contrôle renforcé, et ce plus longtemps. Des travaux de recherche réalisés en 2011, par exemple, ont démontré que l’utilisation du champignon et de l’hyménoptère Aphidius matricariae, parasitoïde du puceron vert du pêcher (Myzus persicae), avait donné une efficacité supérieure en combinaison que l’utilisation simple de l’un ou l’autre.
Cycle, conditions de développement
Éléments de biologie : B. bassiana a été décrit pour la première fois en 1835 par Agostino Bassi, d’où son nom, après avoir reconnu en lui l’agent du « mal del segno » (la muscardine du ver à soie). Dès 1906, à l’occasion de son congrès de Lyon, l’Association française pour l’avancement des sciences a formé le vœu que des recherches soient entreprises à partir de la muscardine à des fins phytosanitaires. Beauveria sp. a été décrit ensuite par Jean Beauverie en 1911 sous le nom de Botrytis bassiana, avant que le genre ne soit établi par Vuillemin en 1912. B. bassiana représente la forme reproductrice asexuée (anamorphe) du champignon, tandis que la forme reproductrice sexuée Cordyceps bassiana (téléomorphe) a été mise en évidence plus récemment, en 2001. Les spores (les conidies) du champignon germent dans l’insecte et entraînent sa mort. Le mycélium se développe à l’extérieur du cadavre, le momifie et sporule. Puis les hyphes traversent le tégument, préférentiellement au niveau intersegmentaire, le recouvrent d’un feutrage mycélien blanc cotonneux qui va amorcer la formation des conidiospores. Les spores persistent assez longtemps et sont susceptibles de provoquer des enzooties ou épizooties chez les arthropodes sensibles. Si le champignon produit des conidiospores en présence d’air, il génère en milieu anaérobie des blastospores, aussi infectieuses que les conidies. Le mode d’infection est divisé en quatre étapes : 1-l’adhésion (mécanisme de reconnaissance et de compatibilité des conidies avec les cellules tégumentaires de l’insecte) ; 2-la germination (l’humidité et la température, ainsi que la physiologie de l’hôte, la favorisent ou l’inhibent) ; 3-la différentiation (production d’appressorium, servant de point d’ancrage et de ramollissement de la cuticule de l’insecte) ; 4-la pénétration (combinaison de pression mécanique et enzymatique – protéases, lipases et chitinases – qui dégradent les lipides, les protéines et la chitine dans la cuticule de l’insecte ; certaines souches produisent des toxines non enzymatiques qui accentuent et accélèrent le processus d’infection). Après la mort de l’insecte, afin de lui permettre de surmonter la compétition des bactéries du tube intestinal, le champignon produit un antibiotique oosporin .
Conditions d’utilisation : les spores de B. bassiana sont des organismes vivants très sensibles à la température, à l’humidité et aux mauvaises conditions de conservation. Il est important de bien regarder la date de fabrication mentionnée sur l’emballage avant d’entreprendre un traitement, car les spores mortes sont inactives contre les ravageurs. Après préparation, B. bassiana doit être utilisé dès que possible. Une exposition trop longue à la lumière directe ou à une source de chaleur peut altérer les spores avant même de réaliser le traitement. La préparation microbiologique doit entrer en contact avec le ravageur ciblé, d’où l’importance d’avoir une couverture foliaire complète et homogène.
Jérôme Jullien
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