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Huiles minérales : une efficacité polyvalente

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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES

- Propriétés : d’origine naturelle, l’huile minérale de paraffine ou de vaseline est un distillat issu d’une fraction de pétrole brut. Elle est pulvérisée sur les parties aériennes des végétaux après avoir été diluée, en respectant le dosage propre à chaque­ usage autorisé. La période de traitement est notamment conditionnée par le stade phénologique des végétaux cul­tivés, le stade dominant du bioagresseur ciblé, la température ambiante et l’indice de sulfonation du produit. Cette propriété correspond à un niveau de raffinage qui détermine la proportion d’huile non at­taquée par l’acide sulfurique. Selon l’Agence française de normalisation (Afnor), les huiles d’été (appelées également « huiles horticoles ») ont un indice de sulfonation de 92 % minimum, tandis que celui des huiles d’hiver est supérieur ou égal à 70 %. La valeur élevée du résidu non sulfoné­ (USR parfois égal à 98 %), associée à une acidité très basse­, indiquent que l’huile a une très haute pureté. Dans ce cas, le processus de fabrication exige des conditions sévères basées sur l’élimination de toutes les molécules indésirables (composés de soufre, composés aroma­tiques polycycliques...) pour protéger la plante et l’environnement. Ainsi, l’huile minérale d’hiver est réservée à des interventions au stade dormant des arbres et arbustes. L’huile d’été est applicable également pendant la période végétative.

- Mode d’action et cibles : l’huile blanche de pétrole a un mode d’action physique, agit par contact et possède un large spectre d’efficacité. Elle crée un film huileux sur les arthropodes ravageurs qui empêche les échanges gazeux essentiels à leur respiration et provoque leur mort par asphyxie. Les espèces exposées sont surtout des acariens phytophages (phytoptes, tarsonèmes, tétranyques) et des insectes piqueurs­-suceurs de sève (homoptères), surtout au stade « œuf » et « jeune larve ». Toutes les huiles minérales agissent sur les stades hivernants des ravageurs des arbres et arbustes d’ornement (soit de novembre à mars pour les es­pèces caducifoliées), la vigne, les fruitiers à pépins (pommier, poirier) ou à noyau (cerisier, pêcher, prunier). Mais l’huile d’été peut être utilisée lors d’une période plus étendue dans l’année. L’huile blanche de pétrole a par ailleurs un effet fongicide préventif reconnu. Elle forme une pellicule sur les tissus­ végétaux qui fait barrière aux contaminations, perturbe la germination des spores et va ralentir le développement de la maladie en augmentant la période d’incubation­.
Actuellement, il n’y a aucun cas identifié de résistance d’un bioagresseur à l’huile de paraffine ou de vaseline et cette perspective est considérée comme peu probable. Enfin, l’huile blanche de pétrole est autorisée pour certains produits commerciaux comme adjuvant fongicide, insecticide ou herbi­cide. Les objectifs sont d’améliorer le dépôt, d’homogénéiser la répartition et de renforcer l’adhérence de la bouillie de traitement sur les feuilles (cas des aiguilles de pin à cuticule cireuse et faible mouillabilité vis-à-vis de la chenille processionnaire).
Quand il s’agit d’optimiser l’application d’un produit phy­tosanitaire systémique, l’adjonction d’huile améliore la pénétration au niveau de la cuticule foliaire et des stomates. Sur un insecte ravageur, une huile à faible viscosité aide la substance active à traverser la cuticule, mais aussi à pénétrer dans la trachée.

- Principales cultures concernées : en productions horticoles, ainsi qu’en jardins et espaces verts, l’huile minérale est utilisable en traitement des parties aériennes sur les arbres et arbustes (acariens, aleurodes, cercopes, cicadelles, cochenilles, larves de tenthrèdes, psylles, pucerons, thrips, punaises et tigres), les rosiers (acariens), le pommier (acariens, puceron lanigère, stades hivernants des ravageurs) ou encore les agrumes, le figuier et l’ac­tinidia (cochenilles).
Plus récemment, l’huile de paraffine a été autorisée par dérogation pour 120 jours par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour le traitement des gazons de graminées à vocation sportive (greens de golfs notamment) contre la fusariose hivernale ou fusariose froide (Microdochium nivale var. nivale et M. nivale var. majus). Dans ce cas, le produit réduit l’inoculum primaire du champignon, limite les contaminations de façon préventive ou l’infection en traitement curatif pré­coce (sur premiers symptômes déclarés) et l’empêche de se développer.

- Efficacité : pour bénéficier d’une bonne sélectivité et de la plus grande efficacité, la pulvérisation ne doit être réalisée ni par grand vent, gel ou canicule, ni à l’annonce de pluie. Les expérimentations phytosanitaires réalisées avant la mise sur le marché­ de produits commerciaux à base d’huile de paraffine ou de vaseline, ainsi que les essais de mise au point de mé­thodes de lutte, fournissent des informations intéressantes sur les niveaux d’efficacité constatés. En voici cinq exemples probants :

- cochenille pulvinaire de l’hortensia  : l’huile de paraffine agit par asphyxie sur les femelles adultes fixées (stade hivernant) avec un niveau d’efficacité avoisinant les 60 %. Mais lorsque son utilisation est jugée pertinente et réalisable en végétation, et si tout risque de phytotoxicité a été écarté, il est intéressant de privilégier l’application d’une huile d’été hautement raffinée sur les jeunes larves (stade baladeur) avant leur essaimage pour obtenir une effica­cité supérieure à 90 % ;

- pucerons du fraisier : en conditions de production sous abri, l’huile paraffinique s’est montrée plus efficace que le produit de référence à base de pirimicarbe sur les pucerons des feuilles. En revanche, elle n’a pas permis de contrôler idéalement la population dans le cœur des plants, en comparaison avec un produit chimique de synthèse systémique ;

- psylles du poirier : le traitement des plants en pépinière fruitière avec une huile d’été cible les œufs et larves de premier stade avant qu’elles ne se recouvrent de miellat. Après cette intervention raisonnée, sans risque pour les principaux auxiliaires naturels (notamment la punaise prédatrice Anthocoris nemoralis), on voit un faible taux d’éclosion des œufs avec une efficacité ovicide de 80 % (seules 1/5e des pontes sont viables et évoluent vers la forme larvaire) et une mortalité des jeunes larves 24 à 72 heures après le traitement.

Fusariose hivernale des gazons sportifs : les résultats d’essai de l’huile paraffinique sur le terrain montrent en général une efficacité supérieure à 80 % et une sélecti­vi­­té avérée sur les graminées à gazon en conditions­ météorologiques ad hoc. Elles permettent­ de prévenir le développement de la maladie, tout en réduisant l’utili­sation des fongicides chimiques de synthèse dans le cadre d’une stratégie de protection intégrée.

Oïdium et tétranyque sur rosier  : en Australie, dans des cultures de roses, la pulvérisation hebdomadaire d’une huile paraf­finique hautement raffinée assure une lutte efficace contre le tétranyque tisserand si le niveau de population n’est pas trop élevé. Attention, cet usage fongicide n’est pas autorisé en France.

- Risques de phytotoxicité : les propriétés physico-chimiques de l’huile paraffinique lui confèrent en général efficacité et sélectivité aux stades d’application autorisés. Cependant, même si l’huile est de très haute pureté, elle peut altérer les tissus de certaines plantes d’ornement (arrêt de croissance, brûlures, lésions ou chute des feuilles, dépérissement de rameaux) : Alnus glutinosa, Calathea zebrina, Callicarpa bodinieri, Cryptomeria japonica, Ginkgo biloba, Koelreuteria paniculata, Salix purpurea, Sequoiadendron giganteum et Weigela florida. Il en va de même pour diverses cultures sous abri, à cause de la chaleur élevée (températures supérieures à 25 °C) et de la sen­sibilité des végétaux à certains stades (jeunes plants, floraison…). Dans le doute, il est conseillé de réaliser un test sur un échantillon représentatif avant de généraliser la pulvérisation à l’ensemble de la culture.

- Toxicologie sur les auxiliaires : des ana­lyses réalisées sur certains auxiliaires ont montré des effets non intentionnels de niveau variable : Chrysoperla spp. (toxique sur les œufs, peu toxique sur les formes mobiles), Coccinella septempunctata (0 % d’effets sur la mortalité ; 58 % de fécon­dité), Neoseiulus californicus (toxique), Phytoseidus permisilis (69 % de mortalité), les né­ma­todes Heterorhabditis spp. (peu toxique). Pour les insectes pollinisateurs, les huiles sont souvent neutres et autorisées pendant la floraison et au cours des périodes de production d’exsudats, mais en dehors de la présence d’abeilles.

Jérôme Jullien

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