Les Carabidés, des prédateurs-nés
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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES
- Proies : les carabidés regroupent plus de 1 800 genres pour environ 50 000 espèces dans le monde (plus de 1 500 sont recensées en France), réparties dans 31 sous-familles, dont les Cicindelinae (cicindèles) et les Carabinae (carabes, calosomes…). La plupart sont des prédateurs généralistes et opportunistes. La taille des proies est corrélée avec celle des individus. Dotés de longues pattes, ils courent vite et les saisissent le plus souvent au niveau du sol ou au bas des plantes. Les carabidés ne sont pas commercialisés pour le biocontrôle, mais ils colonisent naturellement les cultures et leurs abords pour y trouver des invertébrés, régulant ainsi les populations de gastéropodes (œufs et adultes d’escargots et de limaces), vers, millipèdes, collemboles et insectes (larves de taupins, asticots, chenilles, pucerons, aleurodes, cicadelles, altises, chrysomèles, charançons, hannetons…). Les adultes sont surtout carnivores (80 %). Assez peu sont phytophages (Zabrus tenebrioides va ronger les graminées fourragères et céréalières), quelques espèces sont granivores (Amara sp.), certaines ne dédaignent pas les fruits tombés au sol, tandis que d’autres sont omnivores (Harpalus affinis se nourrit de graines, de graminées et périodiquement de larves d’insectes). Les larves de carabidés présentes dans le sol sont encore plus carnassières (90 %), consommant œufs, jeunes mollusques et insectes. Certaines sont cannibales.
- Principales cultures concernées : les carabidés vivent de préférence dans les milieux cultivés diversifiés (en termes de variétés de plantes et de strates de végétation : herbacée, arbustive, arborescente), non perturbés par un travail du sol régulier et profond, ainsi que par des traitements non sélectifs. On peut compter jusqu’à 800 000 individus par hectare. Certains taxons s’accommodent des cultures intensives et les fréquentent parfois en abondance, mais, dans ce cas, la richesse spécifique est moindre, ne permettant pas une régulation optimale des ravageurs à tous les stades de leur développement (par exemple, la prédation des œufs et des adultes de limaces nécessite une complémentarité d’espèces de carabidés dans le même milieu). Des inventaires réalisés au cours des années 2005-2008 par les services régionaux chargés de la protection des végétaux, grâce à l’utilisation de pièges Barber dans les bandes enherbées fleuries des régions Centre-Val de Loire et Champagne-Ardenne, ont démontré que les espèces les plus répandues en zones agricoles étaient, en proportions variables selon les systèmes et les pratiques de culture : Poecilus cupreus (insectes, limaces adultes, graines au stade adulte), Pterostichus melanarius (90 % carnivore : limaces adultes, insectes), Pseudoophonus rufipes (mollusques, vers, pucerons, cicadelles), Anchomenus dorsalis (petit 6-8 mm, prédateur des œufs de limaces et d’insectes de petite taille comme les pucerons).
- Comportement et efficacité : tous les carabidés ne sont pas carnivores, mais c’est le cas d’une grande majorité d’espèces, parmi les plus rencontrées dans les milieux cultivés. Ces insectes sont le plus souvent nocturnes (60 %). Certains taxons sont actifs de jour (25 %), comme le carabe doré (Carabus auratus), les autres sont à la fois diurnes et nocturnes (15 %). La plupart vivent longtemps (un à cinq ans) et l’imago traverse l’année en hivernant pendant les mois les plus froids. Globalement, les carabidés sont de précieux auxiliaires en productions horticoles, jardins, espaces verts et autres cultures, très actifs en lutte biologique par conservation. Chacun a la possibilité de les favoriser ou de les préserver grâce à des infrastructures agroécologiques (zones herbeuses, talus, haies vives, bosquets, pierres, tas de bois…) et à de bonnes pratiques (amendements et paillages organiques – mulch, bois raméal fragmenté… –, travail superficiel du sol, traitements phytosanitaires compatibles…). Ces insectes peuvent être aussi utilisés comme des indicateurs de la biodiversité des écosystèmes et de la structure des paysages dans le cadre de la recherche, mais également pour des suivis annuels ou pluriannuels au sein des parcelles cultivées et de leur environnement.
CYCLE, CONDITIONS DE DÉVELOPPEMENT
- Morphologie : chez les carabidés, les carabiques sont moins élancés que les cicindèles et leurs pattes plus fortes.
- Adulte : 15-40 mm, corps assez allongé avec de fines soies sensorielles, coloris irisés métalliques ou noirs. Tête robuste, antennes filiformes avec onze articles attachées sur les côtés, entre les yeux et les mandibules. Prothorax s’élargissant au-dessus (pronotum) et mésothorax correspondant à l’écusson (scutellum). Beaucoup d’espèces ne volent pas, les ailes membraneuses sont alors réduites ou absentes, mais les élytres durs et striés sont rarement soudés. Pattes longues, fines et agiles, dont les tarses ont cinq articles. Chez les mâles, les antérieurs sont dilatés.
- Œuf : la fécondité des femelles peut varier de cinq à dix œufs chez les espèces qui ont des comportements de gardiennage parentaux à plusieurs centaines d’œufs pour des espèces n’apportant aucun soin à leur progéniture. La ponte a lieu habituellement au niveau du sol, dans un endroit humide, parfois sous de petits morceaux d’écorce. La profondeur varie selon les espèces. Chez certains taxons, la femelle creuse une petite cavité pour y pondre. Quelques espèces de la tribu des Pterostichinae préparent un cocon destiné à recevoir les œufs. L’incubation dure en moyenne une dizaine de jours.
- Larve : habituellement très mobile, avec deux mues. La larve de troisième stade cesse de s’alimenter au bout de quelques jours et prépare une loge nymphale. Les trois stades larvaires durent chacun une dizaine de jours, mais les larves des carabes d’été entrent en diapause entre la deuxième et la troisième mue.
- Nymphe : faiblement sclérifiée, jaunâtre à blanchâtre, généralement sur le dos et soutenue par des soies dorsales. La nymphose dure de quinze à vingt jours selon les conditions du milieu. Chez certaines espèces, la nymphe peut être cachée à l’intérieur d’une cavité naturelle.
- Observation : on rencontre les carabidés presque toute l’année, mais surtout pendant la période végétative au niveau du sol et parfois sur les parties aériennes des plantes (Calosoma inquisitor cherche des chenilles de tordeuses sur les branches et rameaux). Le meilleur moyen pour les observer est de les piéger avec un ou plusieurs pots Barber espacés de quelques mètres. Ce piège est composé d’un gobelet en plastique enterré au ras du sol, contenant un tiers d’eau, du sel (pour éviter un développement microbien) et quelques gouttes de mouillant (liquide vaisselle sans parfum) pour noyer les individus capturés. Celui-ci est surmonté d’une petite plaque en Plexiglas jouant le rôle de parapluie. Le lieu de piégeage est piqueté. On relève les prises chaque semaine à une fréquence régulière (pendant au moins huit semaines, afin d’obtenir une information intéressante). Les insectes piégés sont prélevés et le contenu du gobelet est renouvelé. On peut également effectuer une chasse à vue diurne en soulevant les pierres et les objets sous lesquels ils sont susceptibles de se trouver.
- Cycle biologique : les carabidés sont des insectes à métamorphose complète en quatre stades : œuf, larve, nymphe, adulte (imago). Chez la plupart des espèces, le développement dure une année entière. Il existe deux types de reproduction selon les taxons : printanière pour la majorité des espèces : les adultes émergent au printemps et les divers stades larvaires se développent dans le sol en été ; automnale pour une minorité d’espèces : les adultes sortent et s’accouplent en été, pondent en automne, tandis que les stades larvaires sont présents dans le sol en hiver et au printemps suivant.
Jérôme JullienPour accéder à l'ensembles nos offres :