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Arbres de la ville de demain Repenser la fosse de plantation

Daniel Soupe, pépiniériste dans l’Ain, propose de réfléchir à la palette végétale utilisable malgré les changements du climat, mais aussi aux techniques de plantation. Attention aux fosses trop riches intégrées dans un milieu pauvre, qui deviennent des pots dont l’arbre ne sort pas.

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Daniel Soupe a créé sa pépinière en 1975 en basant son activité sur « l’innovation, en termes de production, de plantation et de commercialisation » (voir en Repères ci-contre). Basé à Châtillon-sur-Chalaronne (01), il s’est lancé dans les cultures de cépées bien avant qu’elles ne soient à la mode et a toujours proposé à son cata­logue des espèces et des formes végétales le distinguant des autres producteurs d’arbres. Il est intervenu l’an passé aux journées d’Astredhor à Hyères (83) (voir le dossier du Lien horticole n° 1102 du mois de janvier-février) dans le cadre d’un atelier consacré aux « Plantes au service de la ville » sur le thème des « Arbres de la ville de demain ».

Préférant parler de « dérèglement » plutôt que de « réchauffement » climatique, il estime que la principale conséquence des modifications météorologiques est la limitation de la disponibilité en eau, qui va imposer de moins arroser en période de sécheresse, voire plus du tout.

Les espèces d’arbres d’avenir, dans ce contexte, doivent être recherchées dans des contrées présentant de fortes amplitudes thermiques, aux étés chauds et secs et aux hivers froids. Les plantes adaptées au climat méditerranéen ne correspondent pas forcément à ce qui est recherché : les températures restent clémentes dans ces pays en fin d’année, alors que les vagues de froid intense constitueront une menace pour de nombreuses villes. Mais des pays comme ceux du Maghreb, la Turquie, l’Azerbaïdjan, la Chine, la Bulgarie, les États-Unis ou le Mexique ont des régions peuplées d’espèces pouvant s’avérer intéressantes pour l’avenir de nos cités.

L’arbre… et les micro-organismes qui l'accompagnent

Fort de ses voyages et de son expérience, Daniel Soupe propose une liste non exhaustive de taxons qui, dans l’état actuel du climat et du contexte phytosanitaire, peuvent donner de bons résultats (lire l’encadré ci-dessus). Mais si ces espèces sont capables pour certaines de résister à des conditions extrêmes, c’est avant tout en raison du cortège de micro-organismes qui les accompagnent. « En milieu urbain, elles peuvent avoir une mauvaise résistance, car elles ont besoin d’autant d’humidité que les autres. Simplement, elles résistent mieux dans leur milieu naturel grâce aux mycorhizes et bactéries inféodées à leur système racinaire. Ce cor­tège de micro-organismes augmente de 50 à 500 fois la capacité d’extraction de l’eau comparée aux racines seules. » Le pépiniériste effectue un parallèle avec les arbres du désert : comment un arganier peut-il résister à ce climat extrême ? C’est là aussi, surtout, grâce aux mycorhizes.

Selon lui, il faut aujourd’hui se poser la question des fosses de plantation. « Ne sont-elles pas trop riches ? N’ont-elles pas tendance à constituer des oasis au milieu d’un désert ? Avec une conséquence, les racines restent dans ce substrat qui finit par s’appauvrir. Les arbres vont exploiter pendant quelques années les ressources de cette fosse puis dépérir. »

Daniel Soupe préconise d’éviter d’enrichir les fosses de plantation afin de limiter la différence entre le substrat et le milieu extérieur, le sol urbain. Néanmoins, au moment de la plantation, il faut apporter des micro-organismes dans la fosse, du carbone pour les nourrir sous forme de copeaux de bois, moins rapides à se dégrader que le bois raméal fragmenté (BRF) ou encore sous forme de broyat ou de compost… « Certaines analyses de sol réalisées au pied de plantations d’arbres ont mis en évidence l’absence totale de bactéries fixatrices de phosphore », insiste-t-il. Les micro-organismes peuvent être introduits dans le sol avec le Pal injecteur. Un engrais organique riche en azote devra aussi être apporté pour compenser la carence qui risque de se produire à la reprise des arbres. Grâce à cette technique, le système racinaire va pouvoir se développer dans la fosse de plantation, mais aussi en dehors. Les sujets pourront ainsi mieux résister aux sécheresses.

Planter « les racines au soleil » pour une reprise plus rapide

Mais le pépiniériste préconise aussi une autre technique de plantation très surprenante : les racines au soleil. « L’idée est que les arbres soient plantés à 20 cm au-dessus du sol, en faisant une butte. Il ne faut pas trop mulcher, au risque d’enfermer le froid, car l’objectif est de profiter qu’en surface le sol se réchauffe plus vite pour que l’arbre prenne un mois d’avance. Ainsi, sa reprise sera plus avancée quand surviendra une période de sécheresse. »

Reste à choisir les bons micro-organismes, les bonnes mycorhizes – endo- ou ecto- – en fonction des espèces. Seuls quelques arbres tels que le bouleau se développent avec les deux, mais il s’agit d’exceptions. La bonne recette pour réussir chaque plantation reste un secret bien gardé, mais la méthode devrait être, selon Daniel Soupe, bien plus utilisée.

Pascal Fayolle

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