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Métiers en transition : entre agroécologie et high-tech

« Agriculteurs urbains » : en cœur de résidence, les jardins potagers participatifs illustrent le travail des animateurs agropaysagistes. Bien conçus et réalisés de manière partagée entre les habitants et les professionnels, ils ont une meilleure chance de perdurer. Ici à Toulouse (31), au parc Monlong. TERREAUCIEL

Producteurs, jardiniers, paysagistes doivent devenir toujours plus polyvalents, spécialisés et animateurs à la fois, mixant nouvelles technologies et communication.

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Lors de la biennale Hor­­tipay­sages, qui a eu lieu mi-octobre à l’école du Breuil, à Paris, les discussions avaient mis en avant plusieurs métiers – pour certains existant déjà  – en regain d’attractivité, d’autres plutôt récents mais en défaut de re­connaissance. Et cela aussi bien pour les producteurs en agriculture biologique (les diplômes ne mentionnent pas encore le sigle AB) que pour les métiers de jardinier-formateur ou de jardinier-botaniste. Si les formations existent, les statuts ou les di plômes ne les officialisent pas toujours.

Des agropaysagistes et des producteurs-animateurs en devenir

Guillaume Morel-Chevillet, qui est chercheur et responsable végétal urbain pour Astredhor, auteur d’un livre sur les métiers en agriculture urbaine (1), a illustré une grande diversité – multiforme – des approches et réalisations dans le domaine.

Il a noté l’importance des métiers de créateurs de liens sociaux et d’animation ainsi que de concepteurs de services aux exploitants et aux entreprises. Entre autres s’installent les métiers de concepteur-animateur et de producteur-animateur en agriculture urbaine. Dans les projets qu’il référence en « paysages comestibles » interviennent des animateurs-agropaysagistes. Des capitaux importants sont investis dans les fermes et microfermes urbaines spé­cialisées, verticales, au sol ou sur les toitures, fermées ou bien ouvertes à l’économie circulaire.

Ainsi, à Philadelphie ou New York (États-Unis), à Singapour, à Tokyo (Japon), à Montréal (Canada), à La Haye (Pays-Bas), en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg, à Paris ou Marseille (13), à Romainville (93) ou Nîmes (30)… ces écosystèmes nourriciers, potagers expérimentaux et autres potagers partagés ou jardins pédagogiques mêlent des besoins en connaissances et compétences à la fois en low-tech et en high-tech. Les fonctions de producteur, d’animateur, de paysagiste et d’agriculteur n’ont plus de frontières.

Tandis que des « paysans urbains » élèvent des micropousses comme des fleurs comestibles, des « bergers urbains » investissent les nouveaux espaces en ville (écopâturages). Cer­tains autres fermiers associent – en productions circulaires – des végétaux et de l’élevage (aquaponie).

Guillaume Morel-Chevillet avance également les notions de « food urbanisme », d’agriculture « métropolitaine » ou même de « villes agri­coles » (ainsi Amsterdam, aux Pays-Bas). Autant de nouvelles pratiques autour desquelles s’invente et se greffe toute une chaîne logistique urbaine, donc un panel de métiers devenus indispensables (à l’instar de la livraison rapide, un producteur vendant via des distributeurs automatiques, des exploitants organisés pour la vente collective...).

Pour continuer dans les approches agroécologiques, le métier d’entomologiste, autrefois plus cantonné dans des études scientifiques, va prendre de l’importance dans les démarches de protection biologique intégrée (PBI), et en particulier dans l’utilisation des plantes de services en lien avec les insectes auxiliaires « sauvages ». Johanna Villenave-Chasset (laboratoire Flor’Insectes) illustre concrètement comment, en association avec un producteur, elle intègre son métier en productions horticoles telles que chrysanthèmes et rosiers… Lire aussi dans cette édition en page 24, puis dans les numéros à suivre jusqu’en septembre.

Vertical farmers, capteurs de carbone, intelligence artificielle

Au Salon international de l’agriculture (SIA), à Paris, les trois dernières éditions ont vu fleurir une multi­tude de services au sein de l’écosystème La Ferme digitale (2). L’es­pace, lancé en 2016 avec moins de dix entreprises, présentait pas moins de 46 start-up exposantes au SIA 2022, et dorénavant seize exposants au Sival­ d’Angers. L’association bouil­lonne d’entrepre­neurs inventifs, qui transforment l’agriculture et qui pré­parent les nouveaux services et métiers, dans huit univers dont les noms illustrent bien les évolutions : le « vertical farming », la « woodtech » (bois et forêts), les biotechnologies, la captation du carbone, la robotique et le numérique, le « gaming »

Cette fourmilière dynamique juxtapose sans complexes des solutions « AgTech » et l’agriculture durable et citoyenne. Elle se base sur les besoins du terrain pour offrir des solutions modernes mais néanmoins simples et performantes. Les métiers s’y inventent et évoluent, aussi bien contre les aléas climatiques, pour la collecte et l’analyse des données que le pilotage des exploitations, les process de certification, l’intelligence artificielle (IA), les objets connectés (pour les ruches également !) et/ou au moyen d’innombrables applis très spécialisées…

Au SIA toujours, La Ferme digitale a mis à l’honneur un nouveau type d’agriculteur, Antoine Hubert, fondateur d’Ÿnsect, qui dédicaçait son livre Pour une écologie positive, manifeste d’un producteur d’insectes, métier qui « combine une innovation à la fois sociale, financière, technologique et économique ».

La Ferme digitale invitait également Thierry Bailliet, agriculteur à Loos-en-Gohelle (62), énervé par l’agribashing, très virulent encore quelques jours avant le premier confinement, en mars 2020. Cet agriculteur des réseaux sociaux avait saisi sa caméra pour expliquer son métier et défendre son image. Il est devenu un agriculteur médiatique, une référence très suivie sur YouTube. Il témoigne dans le livre Dans les bottes de ceux qui nous nourrissent : l’agriculture mérite d’être expliquée , aux éditions France agricole, pour défendre tous ses collègues.

Reste à voir si certains de nos lecteurs horticulteurs ou paysagistes ajouteront à leur CV la compétence de Youtubeur ou de communicant pour défendre l’image des métiers du végétal et donner plus de notoriété à leurs filières.

Odile Maillard

(1) Agriculteurs urbains : Du balcon à la profession - Découverte des pionniers de la production agricole en ville, 2017, éditions France­ agricole, collection TerrAgora.

(2) https://www.lafermedigitale.fr/ « La Ferme digitale et ses projets pour le futur : une structure à surveiller de près » est à écouter via une série de podscats « Futur­Agri - 100  % innovation agricole et alimentaire ». Série de podcasts sur https://tinyurl.com/mth5zsbr

© François ARNOULD - Tandis que des « paysans urbains » élèvent aussi bien des micropousses que des fleurs comestibles, des « bergers urbains » investissent les espaces citadins (écopâturages), comme ici à Montpellier (34).François ARNOULD

© OMBREA - Les producteurs auront de plus en plus besoin de nouveaux métiers et de compétences pour développer et moderniser leurs activités, comme ici avec des techniciens dans les technologies alternatives, avec la firme Ombrea, à Aix-en-Provence (13), membre de La Ferme digitale.OMBREA

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