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Changement climatique Des arbres génétiquement modifiés pour capturer plus de CO2

Peupleraie en Dordogne, à Saint-Médard-de-Mussidan.

Des premières plantations d’arbres améliorés ont eu lieu en ce début d’année aux États-Unis. Mais des incertitudes demeurent sur les réelles répercussions de cette démarche.

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Dans un contexte de changement climatique, la start-up américaine Living Carbon propose une solution étonnante pour diminuer le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère. Basée à San Francisco (Californie), elle a mis au point des peupliers génétiquement modifiés capables d'en capturer davantage. D’après leurs premiers résultats, ces arbres pousseraient plus rapidement, produisant 50 % de biomasse en plus que leurs homologues standards et absorbant presque 30 % de dioxyde de carbone en plus.

Les fondateurs de la start-up se sont inspirés des travaux du chercheur Donald Ort et de son équipe à l’Université de l’Illinois. Ces derniers avaient annoncé en 2019 avoir modifié génétiquement des plants de tabac. Les scientifiques avaient ajouté des gènes de citrouilles et d’algues vertes pour améliorer la photosynthèse de la plante.

Premières plantations aux États-Unis

Cette démarche a été transférée chez des peupliers, dans l’idée d’utiliser ces arbres pour combattre le dérèglement climatique. La société a levé plusieurs millions de dollars auprès d’investisseurs : environ 15 M$ d’après leur site Internet, voir plus selon certains médias anglophones : le New York Times fait état de 36 M$.

Des premières plantations ont eu lieu en ce début d’année 2023. Environ 600 arbres ont été plantés dans l’Oregon, dans le cadre d’un partenariat de quatre ans avec l’université d'État de l'Oregon (OSU). L’entreprise a également des contrats avec des propriétaires privés dans le sud-est des États-Unis et dans les Appalaches sur environ 1 200 hectares. Leur objectif est de réduire de 2 % les émissions mondiales d’ici 2050 en plantant environ cinq millions d’hectares. La start-up se focalise plutôt sur les forêts privées. Les gestionnaires des forêts publiques du pays sont plus intéressés par la diversité génétique des arbres plantés que par leur potentiel de capture du carbone.

Pour rendre ses arbres attractifs, la société Living Carbon parie sur les crédits carbone. Mais cette démarche est critiquée, et son avenir reste incertain.

Des arbres non testés en conditions réelles

Si les résultats annoncés par la start-up semblent a priori séduisants, ce sont des données obtenues en serre, en situation non limitante. Il est fort à parier qu’en situation réelle, les gains seront beaucoup moins impressionnants.

De plus, la législation autour des organismes génétiquement modifiés (OGM) va restreindre les possibilités de plantation. Certains pays les interdisent. Et même s’ils sont validés, cela demandera des autorisations de mise sur le marché souvent contraignantes. En outre, les principales organisations qui certifient les forêts durables refusent les arbres modifiés. Et c’est sans compter les critiques et oppositions civiles aux OGM. Le seul pays à avoir planté des arbres génétiquement modifiés à grand échelle à ce jour est la Chine.

Le processus d’autorisation particulièrement rapide dont ont bénéficié ces peupliers modifiés aux États-Unis interroge. Le New York Times fait savoir que la start-up a évité un ensemble de réglementations fédérales sur les organismes génétiquement modifiés qui peuvent bloquer les projets de biotechnologie pendant des années. Celles-ci auraient été révisées depuis. Le média américain compare cette situation avec celle d’une équipe de scientifiques qui a génétiquement modifié un châtaignier résistant au mildiou en utilisant la même méthode employée par Living Carbon, et qui attendrait une décision depuis 2020. Autre exemple, une variété de pommier modifié aurait mis plusieurs années à être approuvée.

Des incertitudes

En mettant de côté ces limites, de nombreuses questions demeurent sur ces peupliers. Les arbres plantés sont des clones, sans variabilité génétique. On peut donc supposer une résilience moins importante que les populations naturelles. Les plantations survivront-elles aux différents aléas climatiques auxquelles elles feront face ces prochaines années ? Les gains affichés – davantage de biomasse à vendre dans le cadre d’une exploitation du bois ou plus de CO2 capturé dans le cadre de crédits carbone – compenseront-ils le prix de ces arbres ?

L’entreprise semble déjà réfléchir à un élargissement de sa gamme. Sur son site Internet, la start-up évoque la sphaigne. « Nous avons la capacité d'augmenter le taux de croissance de la mousse de sphaigne, ce qui augmentera la capture de carbone et favorisera une restauration plus rapide des zones humides dégradées par l'extraction de la tourbe », peut-on lire dans une rubrique consacrée aux questions/réponses. Sans pour autant étayer ces affirmations.

Si la démarche de Living Carbon peut participer à la réduction des émissions de CO2, il ne s’agit au mieux que d’une solution parmi d’autres. Il semble utopique de penser que la technologie suffira à résoudre le problème climatique actuel.

L’article du New York Times

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