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Chaumont-sur-Loire (41) Au-delà de l’éphémère, un paradis vert respectueux de l’environnement

Alors que l’édition 2022 du Festival international des jardins vient d’ouvrir ses portes, le domaine est devenu un Centre d’art et de nature affichant une triple identité. Le site est voué au partage d’expériences, à la transmission de l’art du paysage et du métier de jardinier.

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Si Chaumont-sur-Loire s’est fait connaître – il y a trente ans, déjà ! – par son festival des jardins, les frontières entre l’éphémère et le permanent se sont effacées au fur et à mesure que certains des jardins conceptuels du Festival international se pérennisaient dans les prés du Goualoup, un agrandissement du parc domanial initié en 2012 et accompagné par le paysagiste Louis Benech. Il est devenu un parc contemporain accueillant des cartes vertes de personnalités invitées du festival, des œuvres d’art et des collections végétales.

Cette évolution s’est opérée simultanément à l’appropriation, par les jardiniers du domaine, encadrés par le chef jardinier Daniel Briancourt, des innovations du festival et leur transposition soit dans le parc historique et les prés du Goualoup, soit dans les jardins dits interstitiels entre les parcelles annuelles. À leur tour, les équipes permanentes ont réalisé des jardins éphémères pour le festival sous la houlette de Chantal Colleu-Dumond, la directrice du site, bouclant ainsi la boucle de la transmission.

Le domaine affirme une vocation forte à dialoguer avec les visiteurs aussi bien professionnels qu’amateurs, plus ou moins chevronnés, et à assurer le transfert de son savoir paysager par des formations et au travers de partenariats avec les structures de filière. Les différentes missions s’ar­ticulent avec une saison événementielle mêlant artistique et végétal.

Un catalogue grandeur nature

Les « inventions  » du festival dans les prototypes des jardins de demain se sont installées chez les paysagistes – et chez des particuliers – à l’instar des fers à béton, de l’acier Corten, des murs végétaux, des graminées, etc. en contribuant au nouveau fleurissement. Chaumont a par ailleurs remis au goût du jour le plessage (tressage de saule).

Une autre dynamique essaime grâce à ce domaine du Loir-et-Cher. Car ce « paradis vert respectueux de l’environnement », pour reprendre le titre de sa brochure de communication, coche toutes les cases de la gestion différenciée et d’une démarche écoresponsable.

En accord avec la stratégie nationale de protection de la biodiversité, l’utilisation de produits phytosanitaires est proscrite dans les 32 hectares du site. Apports de matière organique avec un paillage systématique, semis d’engrais verts pour la préparation des futures plantations, limitation du travail mécanique du sol, gestion raisonnée de l’arrosage (par exemple nocturne en été pour éviter une évaporation trop rapide et le développement de maladies), acceptation du jaunissement de la strate herbacée sur 27 ha constituent autant de bonnes pratiques. La biodiversité floris­tique et faunistique fait tout autant l’objet d’attentions, la prairie permanente de 8 ha des prés du Goualoup constituant une zone de régulation écologique idéale. Côté entretien, la taille et l’élagage des nombreux arbres remarquables du domaine se pratiquent de manière raisonnée.

L’origine locale est privilégiée pour les collections de végétaux botaniques et horticoles, avec des achats auprès de pépiniéristes producteurs comme Travers, à Saint-Cyr-en-Val (45), pour les plantes grimpantes, Cayeux, à Poilly-lez-Gien (45), pour les iris et les pivoines, Les Roses anciennes André Eve, à Chilleurs-aux-Bois (45), pour les rosiers, Crosnier, à Nazelles-Négron (37), pour les arbres fruitiers.

Sensibilisés à l’intérêt des plantes locales, les concepteurs des jardins du festival peuvent choisir des origines diverses, toutefois non invasives et adaptées à l’environnement pédoclimatique. À l’issue de l’événement, les végétaux ayant été utilisés dans leurs créations partent au compost, pour les annuelles, tandis que les vivaces sont réemployées sur place l’année suivante, de même que les arbres et arbustes afin de développer des chemins d’ombre et des voûtes vertes. Tout le bois des jardins éphémères est stocké et recyclé pour de la décoration ou des réparations.

Pour les autres aménagements paysagers du domaine, les achats de plants et semences visent à favoriser l’offre française. Des entreprises sont valorisées à travers Les Botaniques de Chaumont-sur-Loire, une exposition-vente en partenariat avec l’association Plantes et cultures.

Un centre-ressource de formation

La formation continue à Chaumont est mise en place depuis 1994 avec le Conservatoire international des parcs et jardins et du paysage (CIPJP) lancé par Jean-Paul Pigeat, créateur-directeur du Festival international des jardins en 1992 et administrateur du domaine de 2002 à son décès, en 2005. Désormais sous la responsabilité d’Hervé Bertrix, l’activité s’articule autour de deux cata­logues étoffés. L’assortiment « espaces verts et paysage » accompagne l’évolution des pratiques (plantes vivaces, paysage nourricier, permaculture, écopâturage…). Depuis 2012, une édition « Le jardin de soin et de santé » existe pour un public plus large. Des formations restent possibles sur le site pour les collectivités et les entreprises.

Pour le jeune public, outre l’accueil de classes et des ateliers pendant les vacances scolaires, le service pédagogique du domaine imagine des brochures comme, en 2021, le jeu de piste « Pars à la découverte du biomimétisme ».

Un dialogue permanent

L’introduction de l’art contemporain en extérieur (du land art, mais pas seulement) signe la contribution de Chantal Colleu-Dumond, directrice du domaine de Chaumont-sur-Loire, au lancement d’une tendance, exploitée depuis dans des es­paces verts municipaux comme à Nantes (44). Le land art traduit bien les trois dimensions du site. Les murs végétaux conçus par Patrick Blanc, ces installations de plantes dans des poches de feutre à la notoriété desquelles Chaumont-sur-Loire a largement contribué, étaient conçus au départ pour des aménagements paysagers et architec­turaux. Aujourd’hui, ils peuvent se décliner en œuvre végétale. Les « cartes vertes » des invités conduisent davantage à des utopies artistiques qu’à des créations transposables.

L’enclos appelé le potager a été au départ le lieu d’accueil d’innovations pertinentes comme les murs végétaux. Il cohabite désormais avec le jardin des enfants et le jardin de soin et de santé. Des espaces séduisants que les visiteurs oublient trop souvent de parcourir.

Une tête de réseau

Des partenariats existent de longue date avec des structures professionnelles telles qu’Hortis et l’Unep (Union nationale des entreprises du paysage). En 2022, en collaboration avec la seconde, le domaine de Chaumont-sur-Loire invite à découvrir tous les métiers du paysage via Facebook et donne rendez-vous chaque mois autour d’un portrait à partir du 11 avril.

La collaboration avec l’enseignement est inhérente à Chaumont. Les portes sont ouvertes à des établissements horticoles de tout niveau de formation pour des ateliers projets, des stages, des réalisations de chantiers, et bien sûr pour concourir au festival. Jean-Paul Pigeat serait fier de l’évolution de son Conservatoire international des parcs et jardins et du paysage. L’esprit de Chaumont existe bel et bien.

Linda Kaluzny-Pinon

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