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Aménagements urbains Les sols, trop oubliés dans les projets paysagers

Dans le cadre de projets paysagers, le sol est encore trop peu souvent pris en compte. Pourtant, il a une grande influence sur les végétaux qu’il accueille.

En ville, ils sont souvent déstructurés, parfois pollués. Il est possible de les restaurer ou de les régénérer pour des projets d'aménagement.

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Dans le cadre de projets paysagers, le sol est encore trop peu souvent pris en compte. Pourtant, il a une grande influence sur les végétaux qu’il porte. Sa capacité de rétention en eau détermine en partie la palette végétale, alors que les arrêtés sécheresse sont de plus en plus fréquents et réduisent les arrosages. Ses propriétés physico-chimiques (pH, terre argileuse, calcaire…) jouent aussi sur la palette.

En ville, les sols sont souvent très dégradés, parfois inexistants. Alors que la demande de nature y est forte, des projets cherchent à reconquérir de nouveaux espaces. L’apport extérieur de terre végétale n’est aujourd’hui plus une solution. Trois alternatives s’offrent aux concepteurs, selon ce qu'ils trouvent sur place : sa régénération, sa restauration ou la création d’un nouveau sol. C’est ce qu’a détaillé Jean-Louis Ducreux, géologue et directeur de l’atelier d’écologie urbaine (AEU) Paris, lors d’un webinaire sur la renaturation mi-mars*.

Connaître pour agir

La première étape est de connaître le sol. Il est nécessaire de faire un état des lieux grâce à des prélèvements pédologiques et des analyses. Ces dernières permettront de connaître les paramètres physico-chimiques ou encore la diversité des micro-organismes et des animaux présents. Sa qualité, une donnée majeure pour les aménagements, se mesure autour de trois composantes : la fertilité chimique (teneur en matière organique, pH, biodisponibilité…), la fertilité physique (profondeur du sol, porosité, capacité rétention en eau) et la fertilité biologique (richesse en bactéries et champignons, mais également faune). Il est également important de déceler d’éventuels inhibiteurs de croissance, par exemple liés à la pollution, grâce aux analyses.

La deuxième étape est de prendre en compte les besoins et les contraintes, afin de répondre ensuite à la question : le sol est-il compatible avec le projet ? Il est nécessaire d’identifier dans un premier temps les exigences du projet (récréatif, nourricier, biodiversité, topographie…), puis de cerner les restrictions sanitaires et écotoxiques et, enfin, de définir les solutions techniques en fonction de la palette végétale. Par exemple, l’épaisseur d’un sol va rendre possible ou non certains aménagements. Plus il est épais, plus on peut implanter une diversité de strates et combiner des végétaux. Pour un accompagnement de voirie ou une toiture-terrasse extensive, 25 à 40 cm suffisent. Pour un square ou un parc, un accompagnement de bâtiment, une toiture-terrasse intensive, des jardins vivriers ou de l’agriculture urbaine, il faut entre 40 cm et 1 m. Pour installer des arbres, par exemple d’alignement, il est préférable d’avoir au moins 1,50 m.  Autre exemple, les paramètres physico-chimiques conditionnent parfois la palette végétale : les sols calcicoles et acidophiles n’accueillent pas les mêmes plantes. De même pour les sols xériques et hydrophiles.

La réponse à la question « le projet est-il compatible avec le sol en place ? » va donc s'avérer déterminante sur sa faisabilité. Si elle s'avère positive, le concepteur pourra régénérer le sol existant grâce à des techniques diverses. Cette solution correspond à des travaux agricoles et va coûter entre 5 et 25 euros le mètre carré. Si elle est négative, il faut aller chercher de nouveaux substrats, c’est la création de technosols**. Dans ce cas de figure, c’est l’équivalent de travaux de terrassement à mettre en place, et le coût est d’environ 100 euros le mètre carré. Entre les deux, il est possible d'effectuer une restauration, grâce à différentes techniques, pour des coûts intermédiaires.

Améliorer un sol grâce à la régénération

Les analyses permettent de savoir quelles sont les caractéristiques du sol, et notamment ses carences, qui sont donc à corriger. La plupart des sols en ville ont un taux trop faible de micro-organismes pour qu’ils soient capables d'accueillir et de nourrir des végétaux. Une régénération biologique peut être mise en place. « La technique habituelle est d’ajouter de la matière organique (BFR, compost, algues…) pour favoriser les champignons et autres micro-organismes », commente Jean-Louis Ducreux. Par exemple, 50 tonnes de BRF par hectare multiplient par dix la présence des champignons. Mais l’effet sur les autres micro-organismes est plus faible. Les apports sont donc à moduler selon les résultats d’analyse. Il est également possible d’ajouter des micro-organismes par inoculation directe.

Les sols sont aussi souvent très tassés. Des travaux permettent de les décompacter, par exemple à la sous-soleuse ou à la défonceuse. Une technique un peu plus rare est l’amendement granulométrique. Il s’agit d’y incorporer un amendement sableux. C’est notamment réalisé pour des sols trop argileux, présentant des problèmes de perméabilité.

© P. Fayolle - 50 tonnes de BRF par hectare multiplient par dix la présence des champignons. Mais l’effet sur les autres micro-organismes est plus faible.

Restaurer des sols contaminés ou pollués

La restauration du sol consiste à le dépolluer (nappe de confinement ou phytoremédiation), à inverser des strates (dans le cas d’un sol ancien, plus fertile en profondeur que la partie anthropisée en surface), ou à le traiter (dans le cas d’implantation d’espèces exotiques envahissantes).

« La gestion des sols pollués est une grosse problématique, c’est très fréquent, précise Jean-Louis Ducreux. Souvent, le bureau d’études demande de tout décaper sur 1,50 m et l’écologue signale qu’il y a des zones recelant des espèces protégées. » Il n’y a pas de règle générale, c’est très souvent au cas par cas. Le plus fréquemment, quand il y a des sources vraiment concentrées et dommageables, la terre est excavée. Mais dans des zones non concentrées, lorsque la pollution est diffuse, il est possible de la laisser sur place. Elle peut éventuellement être confinée. Si c’est possible, de la phytoremédiation peut être mise en place.

Les sols anthropisés sont également souvent contaminés par des espèces exotiques envahissantes agressives, comme la renouée du Japon. Plusieurs techniques peuvent être testées. Dans le cas de la renouée : un géotextile antiracinaire, une gestion très poussée (douze fauches par an ou du pâturage), un bâchage, un recouvrement par une couche peu épaisse de technosol et une replantation… L’approche dépend de la densité de l’envahissante. La stratégie de l’étouffement consiste par exemple à planter très serré autour de l'envahissante, seulement possible si celle-ci ne s'est pas trop répandue.

Au lieu de tout excaver et de reprendre à zéro lors de projets paysagers, s’intéresser au sol existant permet parfois de mettre en place des solutions simples et peu onéreuses. Une connaissance qui apporte parfois des opportunités, lorsque les sols existants sont particuliers et susceptibles d’accueillir une gamme végétale originale.

*Ce webinaire fait partie d’un cycle de neuf webinaires autour de la renaturation proposé par la région Île-de-France. Les informations concernant les webinaires du cycle, ainsi que les replays, sont disponibles ici.

**La thématique des technosols a été abordée dans plusieurs numéros du Lien horticole : « Pas de terre végétale ? Adopter un technosol » dans le numéro 1121, pages 26 et 27, aborde le recyclage de matériaux et déchets verts pour la création de sols ; « Quand les déblais deviennent des sols fertiles », n° 1123, pages 28 et 29, aborde quant à lui la réutilisation des terres excavées.

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