La Saline royale, à Arc-et-Senans (25) Un immense cercle végétal autour d’un immense cercle historique !

Le projet du Cercle immense a pris place au sein de la Saline royale d’Arc-et-Senans à l’été 2022. Imaginé à l’origine par l’architecte urbaniste Claude-Nicolas Ledoux, ce site est considéré comme un joyau de l’architecture industrielle du xviii^e siècle. L’ensemble des bâtiments, construits en arc de cercle – usine de production de sel, bâtiments administratifs, logements et services communs pour les ouvriers – ont été parfaitement conservés, ce qui a permis le classement au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1982.

Du fait de la présence de nombreuses espèces protégées (batraciens, oiseaux, chauves-souris…), l’endroit est également classé ENS (espace naturel sensible) et refuge LPO (Ligue de protection des oiseaux). Dès les premières esquisses, Ledoux avait prévu de conserver des espaces à l’arrière des constructions pour permettre aux ouvriers de disposer d’un petit potager.

« Son souhait était de refermer ce demi-cercle pour créer une “cité idéale” autour de la manufacture, conciliant l’homme et la nature, la ville et la campagne, le végétal et le minéral, le beau avec l’utile », explique Nicolas Combes, directeur adjoint de la Saline. Ce projet n’a jamais vu le jour… Mais, en 2019, le Département, qui est propriétaire du site, et l’EPCC (établissement public de coopération culturelle) Saline royale ont con­jointement lancé un concours international afin de mettre en œuvre un projet d’aménagement inspiré de l’utopie de Ledoux et s’inscrivant dans la continuité des actions menées par l’établissement dans le domaine du paysage et de la biodiversité.

Renforcer les connaissances sur les dynamiques végétales

« Pour conserver un lien fort avec le site patrimonial, nous avons choisi de travailler en cercles concentriques et autour des axes historiques de la Saline. Afin d’ancrer le projet dans les préoccupations actuelles tout en s’appuyant sur la pensée de Ledoux, nous avons fait appel à un philosophe, Sébastien Appert. Ses réflexions nous ont conduits à mettre en avant notre richesse d’aujourd’hui, l’ “or vert”, le végétal et la biodiversité, en écho à la richesse constituée par l’ “or blanc” (le sel) du temps de Ledoux », explique Vincent Mayot, paysagiste concepteur, le mandataire du projet. L’ambition du Cercle immense est de renforcer les con­naissances sur les dynamiques végétales et la préservation de la biodiversité, à destination du grand public, des professionnels de la filière paysage, ainsi que pour les apprenants, régulièrement présents dans le cadre de stages ou pour le Festival des jardins, créations éphémères.

Le projet a pris place dans une ancienne prairie agricole de 5 ha jouxtant le mur d’enceinte rectiligne de l’actuel site. Une large porte y a été aménagée pour accéder au Cercle immense par une agora pouvant accueillir des manifestations, adossée à une prairie fleurie, composée de fleurs sauvages et spontanées.

L’arc de cercle qui suit ce premier plan abrite des jardins pédagogiques illustrant la diversité de la palette végétale et des compétences nécessaires à l’exercice du métier de jardinier paysagiste : jardin des couleurs et des odeurs ; de plantes médicinales et aromatiques ; des saules, en partenariat avec l’école nationale de vannerie de Fayl-Billot (52) toute proche ; des céréales anciennes ; maraîcher sur sol vivant.

Le cercle suivant accueille désormais les superficies dévolues au Festival des jardins, auparavant à l’emplacement des parcelles de jardins vivriers de la Saline. Ces dernières ont été transformées en neuf jardins en mouvement, illustrant le concept développé par Gilles Clément. L’aménagement du Cercle immense se termine par une allée de 140 variétés anciennes et locales de fruitiers dont la plantation a été organisée en fonction des périodes de fructification.

Un nouvel alignement pour accéder au site

Pour renforcer la cohérence du projet à l’échelon du territoire, le département du Doubs a engagé dans le même temps une réflexion sur l’avenue menant à l’entrée monumentale de la Saline. « L’analyse du patrimoine arboré existant a fait ressortir un état fortement dégradé et la nécessité de reconstituer un nouvel alignement de part et d’autre de la route, répondant aux enjeux paysagers, patrimoniaux, réglementaires et environnementaux, sans oublier la sécurité des usagers et l’optimisation des futurs coûts de gestion », précise Tristan Kraft, du bureau d’études Acer-Arboristes conseils, chargé du projet sous la conduite de l’agence Mayot & Toussaint.

La prise en compte du contexte et des enjeux a conduit à une plantation plurispécifique (Acer campestre, Zelkova serrata ‘Flekova’ Green Vase, Corylus colurna), un rythme de plantation en accord avec les contraintes existantes et le développement attendu et une gestion en port libre. Un traitement extensif des pieds d’arbre et des accotements permet de protéger les collets (semis d’espèces herbacées indigènes et de microtrèfle, vivaces). Le suivi de l’arrosage des arbres est assuré par des sondes tensiométriques (société Urbasense). Neuf gîtes à chiroptères et dix nichoirs ont été installés et des tas de bois morts ont été conservés sur l’accotement pour la petite faune.

En 2022, l’association Sites et monuments a salué le travail de restauration de cette « allée royale », lui octroyant le prix d’honneur du concours des allées d’arbres. Une récompense de plus pour un site remarquable, à ne surtout pas manquer !