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Congrès Hortis 2025 Le jardinier au cœur de la transition écologique

Parmi les trois visites proposées le 23 octobre à l’occasion du congrès Hortis, celle du parc historique Longchamp, à Marseille.

La 67e édition du congrès Hortis, les 23 et 24 octobre, a réuni plus 250 professionnels à Marseille autour de « l'écologisation des pratiques jardinières ». L'événement a mis en lumière une mutation du métier, du technicien maîtrisant le végétal au « médiateur du vivant ».

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Durant deux jours, les congressistes ont pu échanger au sein du palais du Pharo, à Marseille, découvrir les actualités des 31 exposants partenaires et réaliser une des trois visites de site proposée. Le congrès des responsables d’espaces nature en ville s’interrogeait cette année sur les évolutions du métier de jardinier dans un contexte en mouvement.

En introduction, l'agro-climatologue Serge Zaka a illustré l'urgence de l'adaptation : à Marseille, les journées dépassant 35 °C passeront de 3 (entre 1960 et 1980) à 40 d'ici 2100 ; dans la partie centrale de la France, la température maximale annuelle pourrait atteindre 48 à 50 °C d'ici 2050-2100. Le marronnier d'Inde ne pourra plus s'implanter durablement qu'en altitude ou en Bretagne Nord, le bouleau verruqueux, le hêtre et le tilleul risquent de disparaître, tandis que le pin d'Alep, l’olivier ou le chêne vert verront leur aire de répartition s'étendre considérablement. Des ressources comme climessences.fr ou github.com modélisent ces changements.

Un temps d’échanges autour de la question « Quels (pré)visions pour nos jardins et paysages et quels outils pour le futur ? ». De G à D : Anne Marchand (présidente d’Hortis), Pierre Sicard (chercheur « Air et forêts »), Elena Magliaro (Paris Mines PSL), Jérôme Lemoine (pôle arbres en ville, Marseille), Julie Kmiekoviac (pôle Nature en ville, Marseille) et Serge Zaka (agro-climatologue). (© V. Vidril)

La pollution : un nouveau critère plantation ?

Face aux évolutions climatiques désormais bien connues, les professionnels savent qu’ils doivent réfléchir sur leurs choix de plantation, en se reposant sur la diversité génétique et la migration assistée.

Le chercheur Pierre Sicard, spécialisé sur l’impact de la pollution de l’air sur les écosystèmes forestiers, a ajouté un niveau de complexité en ajoutant la qualité de l'air dans l’équation. Si les plantations contribuent à une purification en absorbant les polluants gazeux ou séquestrant du CO2, certaines essences émettent des composés organiques volatiles biogéniques (COV). Cent eucalyptus adultes peuvent ainsi libérer 16 tonnes d'ozone par an contre 6 tonnes pour des chênes verts.

Un point crucial et préalable à toute stratégie de végétalisation est la connaissance de l’existant. Plusieurs témoignages ont mis en lumière l’apport des nouvelles technologies, en particulier le Lidar (Light detection and ranging) pour recenser les arbres du domaine public et surtout du domaine privé. Ce dernier, alors qu’il constitue 70 à 80 % du végétal en ville, ne peut plus être ignoré, notamment dans des stratégies de gestion de l’eau, de biodiversité ou de corridor écologique. Un projet* fusionnant Lidar (HD IGN et embarqué Greehill), images satellites, signatures spectrales et deep-learning démontre la possibilité de détailler ce domaine privé jusqu’au genre de l’arbre !

Une identité professionnelle en mutation

Dans ce contexte en mouvement, Anne Marchand, présidente d’Hortis (réélue pour 3 ans), a invité à « réconcilier nos métiers avec les limites du vivant », à accepter que ce vivant « ne se commande pas, qu’il s’accompagne ». L’ attention du jardinier s’étend aujourd’hui à tous les vivants, dans une « éthique du soin » qui englobe aussi bien les plantes que les humains, comme l’a mentionné le géographe, écologue et enseignant-chercheur (Versailles) Pierre Donnadieu, grand témoin de ce congrès.

Quatre membres d’Hortis – Pauline Lambrey (Montpellier) et Patrick Laforgue, Brice Dachaux-Auzière (Marseille) et Jean-Marie Rogel (métropole de Lyon) – ont mis en scène, avec humour mais aussi une grande acuité, la trajectoire historique retraçant cette évolution : de l'ère de la maîtrise des années 1950-1990 où la chimie était plébiscitée, à l'éveil écologique des années 1990-2000 avec l'émergence de la gestion différenciée, jusqu'à l'ère actuelle structurée par les lois Labbé et Biodiversité mais aussi les restrictions budgétaires, la mutualisation et la métropolisation.

Du contrôle à la co-création

Avec le concept d'« altération paysagère » et la transformation d'un aménagement par ses usagers, le paysagiste et enseignant Denis Delbare a également illustré la notion d’accompagnement du vivant : les dynamiques naturelles (végétales, animales, abiotiques) transforment l’espace sans que cette transformation ait pu être anticipée par son créateur. Il faut accepter cette « forme de démocratie directe », où l’usager devient co-concepteur de l’espace public.

Même la restauration des jardins historiques peut intégrer les formes naturelles, comme l’a montré le paysagiste Christopher Peignart à travers plusieurs exemples, dont celui du domaine de Marly, où des habitats rares ont pu être qualifiés et préservés, tout en redessinant les contours historiques. Il vaut mieux « savoir ne pas faire plutôt que faire bêtement », a conclu le spécialiste.

Le défi de la banalisation

Adaptation climatique, gestion différenciée, solutions fondées sur la nature… : une table-ronde a identifié le risque d'uniformisation des aménagements. Plutôt que de chercher à tout prix à « ganivelliser », « gauraifier » ou « graminéifier », comme l’a exprimé Thierry Duteuil avec humour, il faut s’appuyer sur l’identité du territoire. Les leviers évoqués consistent à : valoriser les ressources locales, évoluer vers une « gestion accompagnée » s'appuyant sur la connaissance des lieux par les agents, et renforcer la médiation pédagogique auprès des citoyens.

Vers une gouvernance du soin

Pierre Donnadieu a conclu en appelant à une « gouvernance du soin » regroupant élus, techniciens, concepteurs, entreprises et citoyens autour de la santé, du bien-être et de l'habitabilité des territoires. Ce basculement « du décor au milieu de vie » impose de passer « d'une éthique du court terme à une éthique du long terme ».

Le prochain congrès Hortis se tiendra à Grenoble en 2026 et marquera les 90 ans de l’association avec d’autres événements programmés dans l’année.

Visite du parc historique Longchamp, à Marseille. (© V. Vidril)

*Le projet présenté par Elena Magliaro (Mines Paris PSL), en partenariat avec la Ville de Marseille, s'inscrit dans l'initiative européenne Destination Earth, qui vise à créer un jumeau numérique de la Terre (Digital Twin) à haute résolution pour anticiper les impacts du changement climatique. Marseille a été choisie comme site pilote pour cartographier le patrimoine arboré public et surtout privé.

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