PARC DES ATELIERS À ARLES (13) Un jardin qui brave le soleil de plomb et le mistral
À Arles, le paysagiste belge Bas Smets a décroché le grand prix des Victoires du paysage 2024 avec le parc des Ateliers, un jardin réalisé dans des conditions très difficiles de climat comme de sol.
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« Jamais auparavant je n’avais fait de jardin à partir de rien. Souvent, on nous appelle pour améliorer la situation, là il fallait créer quelque chose à partir du néant. » Cette phrase du paysagiste belge Bas Smets traduit bien la portée de l’aménagement qu’il a réalisé à Arles (13), qui a remporté le grand prix des Victoires du paysage 2024 (voir dans Le Lien horticole n° 1142, pages 46 à 49).
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On pourrait même dire que partir de vraiment rien aurait été plus facile : ce parc attenant au Luma, à Arles, a dû être réalisé au cœur d’un complexe de bâtiments auparavant utilisés par la SNCF pour entretenir les trains. Il a donc fallu jongler entre les constructions en dur, conservées pour accueillir les expositions, composer avec la dalle en béton continue sur l’ensemble de la surface, qui en certains endroits ne pouvait être cassée car une partie du site a été bâtie sur une nécropole antique et pourrait recouvrir des tombes… Le tout corsé par le climat local, marqué par une chaleur torride en été et des vents forts, en particulier le mistral, capable de dessécher tout ce qui se trouve sur son passage ou de rendre l’atmosphère totalement glaciale en hiver ! « Ici, le climat est agréable au printemps et à l’automne, l’été et l’hiver sont des saisons rudes », résume le paysagiste.
Hommage à Van Gogh et aux Romains
Mais il faut reprendre l’histoire dès son début. Luma Arles est un complexe artistique et culturel conçu en 2013 par la fondation du même nom dirigée par la collectionneuse d’art et mécène suisse Maja Hoffmann. Au cœur du parc, la tour imaginée par l’architecte Frank Gehry a largement fait parler d’elle à l’époque de son inauguration, en 2021. Ses murs tapissés de 11 000 briques d’acier inoxydable dont l’inspiration est venue d’un célèbre tableau de Van Gogh, La Nuit étoilée, surmontant une rotonde inspirée des arènes romaines, deux des emblèmes de la ville d’Arles, n’ont laissé personne indifférent. La tour n’est aujourd’hui qu’une des composantes du complexe accueillant des expositions et autres animations culturelles. Certaines en effet se tiennent dans les halles industrielles qui, dès le milieu du xixe siècle, ont permis l’entretien des trains de la ligne PLM (Paris-Lyon-Marseille), qui traversait alors l’ancienne ville romaine.
Aux confins de trois territoires différents mais forts
C’est donc dans ce complexe que Bas Smets est venu travailler. Cherchant à mieux s’imprégner du paysage environnant, il a découvert la Camargue, qui s’étend au sud de la ville et dont l’essentiel est situé sur le territoire communal, faisant d’Arles la plus grande ville de France en superficie. Il a également visité les Alpilles toutes proches, petit territoire de collines qui culmine à 500 m d’altitude, particulièrement prisé des touristes ainsi que des propriétaires aisés de résidences secondaires. Il a enfin pu apprécier la tout aussi peu éloignée plaine de la Crau, une vaste étendue balayée par le vent, parsemée de pierres, mais dont la terre aride produit un foin d’une grande richesse.
Il va s’inspirer de ces trois éléments naturels pour composer son parc, « un paysage hybride des paysages alentour », résume-t-il. Lors de ses premières visites au milieu des bâtiments industriels désaffectés, il remarque qu’une végétation timide et pionnière tente de s’implanter, des coquelicots, par exemple. « J’en ai gardé à l’esprit que le végétal peut conquérir le béton », explique Bas Smets.
Néanmoins, s’il avance que « les écologistes affirment qu’un paysage se crée à partir de rien en 200 ans », lui n’a pas ce laps de temps devant lui. Son idée est donc de créer des espaces et des volumes qui pourront vite accueillir la vie. Comment ces premiers végétaux se sont-ils installés ? Le mistral a dû disperser les graines de plantes vivant dans des milieux moins hostiles. Il réalise donc des reliefs en installant un substrat fertile partout où la dalle de béton ne peut être cassée, afin de recréer des endroits où le vent pourrait déposer plus facilement les richesses qu’il transporte.
Mais surtout, son idée est de créer des masses végétales, dont la composition est inspirée des plantes méditerranéennes qu’il a vues en Camargue, dans la plaine de la Crau ou dans les Alpilles. Mais s’il dit « avoir un peu refait la planète », il sait qu’il n’a pas le temps de la Genèse et qu’il doit tout réaliser rapidement, quasiment du jour au lendemain ! Afin que la végétation puisse jouer son rôle d’agrément dans cet environnement difficile, il fait le choix de « montrer que l’homme peut aider la nature » et choisit de planter vite.
Le premier arbre, un pin parasol, est planté en 2020. Suivront dans la foulée les micocouliers, chênes-verts et lièges, érables... ainsi que la panoplie d’arbustes et plantes basses associées, myrtes ou pistachiers, par exemple. Les ligneux sont installés pour procurer de la fraîcheur, mais également pour « donner de la hauteur et changer la perception de l’espace », explique le paysagiste.
De l’eau venue de la Durance
Pour que toute cette flore puisse s’installer correctement, mais également pour alimenter un lac de 2 500 m2 autour duquel est organisé le parc, il faut cependant de l’eau. La denrée est rare dans la région, mais, là aussi, les solutions issues du travail de l’homme existent : l’idée sera d’utiliser le canal de Craponne, qui passe non loin de là. Initialement creusé pour acheminer l’eau de la Durance jusqu’à Salon-de-Provence, l’ouvrage a été achevé en 1559.
Il a ensuite été prolongé jusqu’à Arles. Encore aujourd’hui, grâce à ses martellières, ces constructions de pierre accueillant une vanne métallique afin de gérer les hauteurs d’eau, ce réseau permet de répondre à des besoins locaux. Conçu pour rafraîchir le parc et l’ensemble des aménagements, l’étang fait partie intégrante des animations culturelles du site : il a cette année vu fleurir des nénuphars réalisés par une artiste plasticienne américaine, Judy Chicago, en hommage à Claude Monet.
Un concepteur en pleine expansion
Bas Smets est en train de se faire un nom incontournable parmi les paysagistes. Il est ainsi intervenu en 2023 au Festival international des jardins de Chaumont-sur-Loire et a été sélectionné pour l’aménagement des abords de la cathédrale Notre-Dame de Paris, par exemple.
Il désirait, avec son parc des Ateliers, réunir la flore et la faune des paysages environnants, voir attirer près de son étang tant les oiseaux de mer que ceux qui volent dans les Alpilles. Il est encore un peu trop tôt pour déterminer si son pari est réussi. Il est toutefois certain que l’objectif de créer un parc verdoyant à partir d’un espace stérile est atteint et qu’il rend la visite du Luma infiniment plus agréable !
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