Rencontre…
Le Lien horticole : Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Damien Butin : La maison Berger-Levrault est venue à moi pour me proposer ce projet. Passionné par le paysage et intéressé pour participer à le faire rayonner et résonner comme une ressource pouvant participer à la transition écologique des territoires, en réponse au réchauffement climatique et à la chute de la biodiversité, notamment, je me suis donc lancé dans cette aventure.
J’en engagé ce travail avec la volonté de proposer un ouvrage didactique qui vise à apporter des réflexions, des outils méthodologiques et opérationnels à destination des élus, des professionnels de l’aménagement et des étudiants.
LLH : Une ville verte et durable, pour vous, comment ça se présente et comment ça s’obtient ?
D.B. : Le concept de ville durable désigne une ville qui cherche, en application des principes du développement durable, à prendre en compte dans ses aménagements et son fonctionnement les enjeux économiques, sociaux et environnementaux : « économiquement viable, socialement vivable et respectueuse de l’environnement, cette version urbaine du développement durable reprend les trois piliers de ce dernier en y ajoutant la participation citoyenne » (Boyer et Tommasi, 2018).
La notion de ville durable permet alors de prendre en compte des problèmes globaux que sont notamment l’artificialisation des sols, les nuisances environnementales ou encore la pollution et d’agir à l’échelle locale.
Une ville verte est donc une cité qui se veut respirable et résiliente et où le paysage et la biodiversité sont des données d’entrée à la fabrique de la ville et/ou sa « recyclerie ».
Longtemps les notions de paysage et d’écologie ont été dissociées alors que ce sont des systèmes dynamiques et vivants, qui sont donc intrinsèquement liés. Ils peuvent être considérés comme le point de départ d’une méthode singulière d’accompagnement des transformations territoriales, que l’on appelle démarche paysagère et qui se décline par un outil : le plan paysage, comme le précise la Convention européenne du paysage.
Il permet d’appréhender l’évolution et la transformation des paysages et de la biodiversité de manière prospective, transversalement aux différentes politiques à l’œuvre dans un territoire, et de définir le cadre de cette évolution sous l’angle d’un projet de territoire. C’est pourquoi le plan Paysage et Écologie, concept élargi que je présente au sein de mon ouvrage, a vocation à être transversal et réalisé en amont des documents sectoriels d’aménagement et de planification.
LLH : Quels sont les exemples réussis selon vous aujourd’hui en France et ailleurs dans le monde ?
D.B. : Les processus de mutation des territoires en des œkoumènes (espaces de vie humains, NDLR) verts et durables sont engagés dans de nombreux pays du monde, notamment en Europe, et se distinguent notamment au travers du label « Europea Green Capital ». Il y a également, ailleurs dans le monde, d’autres exemples parfois atypiques notamment à Detroit, aux États-Unis, où la résilience passe par les potagers permettant de valoriser et de se réapproprier la cité abandonnée, à la suite du déclin industriel.
De Stockholm (Suède) à Lisbonne (Portugal), plusieurs grands territoires ont engagé des transformations parfois profondes. C’est par exemple le cas de Victoria-Gastez, en Espagne. En France, Nantes (44) a obtenu le label « Europea Green Capital » en 2013, avec le projet de « l’Étoile verte » où se sont déclinées des stratégies plus ciblées relatives aux chartes de l’arbre, par exemple. Ces démarches se déploient de façon progressive dans de nombreux territoires nationaux, dont à Bordeaux (33).
LLH : Quel regard portez-vous sur les nouveaux emblèmes de la ville durable, l’agriculture urbaine, la forêt Miyawaki, les opérations de désimperméabilisation ?
D.B. : Ces emblèmes sont parfois symboliques. En effet, ces actions ne suivent pas systématiquement de stratégie de planification définie en amont, ce qui peut constituer une limite dans les objectifs recherchés.
En effet, certains territoires mènent des actions de court terme de façon opportuniste. Ces démarches immédiates sont intéressantes pour agir vite en réponse à l’urgence climatique et aux enjeux de santé publique. Elles ne sont cependant pas toujours articulées avec des projets de territoire plus structurants, organisés et hiérarchisés, permettant in fine de mailler le territoire et ainsi d'avoir un véritable impact. Actions de court et long terme ne sont pas antinomiques mais complémentaires dès lors qu’un projet global est envisagé et planifié dans le temps.
LLH : Les villes ne possèdent souvent qu’un tiers de leur territoire, l’essentiel appartient à des opérateurs privés. Comment entraîner ces opérateurs dans une démarche de ville durable ?
D.B. : Le plan Paysage et Écologie, qui entend répondre aux enjeux de la ville durable, définit des actions relevant du champ de différentes politiques sectorielles qui façonnent le territoire, contribuant ainsi à l’atteinte des objectifs de qualité paysagère et écologique définis.
En ce sens, ce plan, comme document d’aménagement du territoire, constitue le point de départ d’une démarche concertée entre différents acteurs (élus, habitants, aménageurs...), qu’il s’agit ensuite de mettre en œuvre, de suivre, d’animer et de faire vivre dans le temps. Il permet ainsi de faire dialoguer les acteurs au sein d'un territoire pour qu’ils dessinent ensemble les contours du paysage de demain.

*Politique paysagère, pour une ville verte et durable.
Éditions Berger-Levrault, 310 pages, format 16 x 24 cm.
Prix : 55 euros.