Dossier énergie Limiter le chauffage en serre

Un capteur de température permet de mesurer les besoins en chauffage au plus près de la plante, et donc au plus juste.
Un capteur de température permet de mesurer les besoins en chauffage au plus près de la plante, et donc au plus juste. ©ASTREDHOR

Les serristes sont frappés de plein fouet par l’augmentation des prix de l’énergie. Alors que les premières vagues de froid touchent le pays, focus sur les solutions permettant de baisser la température.

« Le sujet de l’énergie est, malheureusement, revenu en force ces derniers mois », constate Ariane Grisey, responsable de l’unité Environnement-Énergie au CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes), en charge de la thématique énergie et équipements des serres depuis une vingtaine d’années. Avec la hausse des prix, les serristes cherchent à limiter au maximum le chauffage. À court terme, les producteurs peuvent compartimenter leurs serres, avec des films plastique par exemple, pour n’en chauffer qu’une partie. « Il faut aussi bien vérifier l’étalonnage des sondes, un degré de plus ou de moins peut changer la donne. Et les mettre au plus près des plantes », conseille David Vuillermet, responsable d’expérimentation à la station Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes de Brindas (69).

Mais, « faire des économies d’énergie dans le très court terme, ce n’est quand même pas facile », reconnaît Ariane Grisey. Ces dernières années, elle a mené des études, de même que certaines stations Astredhor, pour réduire la facture énergétique des serres. Des pistes auxquelles réfléchir dès maintenant, pour les mettre en place le plus rapidement possible. La crise de l’énergie risque de ne pas se résoudre en un an.

Isoler les serres

Le premier levier sur lequel travailler est l’isolation. « Si les serres sont un peu hautes, on peut ajouter un ou plusieurs écrans thermiques », fait remarquer l’ingénieure. Celui-ci a un double avantage : il permet d’ombrager l’été et de garder les rayonnements infrarouges dans la serre l’hiver. Un premier écran génère une économie d’énergie d’environ 20à 25 %, un second en ajoute 12 % de plus. Mais ces économies dépendent de la température à laquelle est chauffée la serre. Les valeurs les plus élevées, en particulier pour un second écran, sont obtenues pour ceux qui chauffent beaucoup, comme dans le cas de la culture de tomates, avec un minimum de 15 °C la nuit. Avant la crise, un mètre carré d’écran coûtait entre 7 et 10 euros, pose comprise. Un prix un peu moins élevé si deux écrans sont mis au même moment. « À part les écrans, isoler de l’existant, c’est compliqué », estime la spécialiste.

Parmi les autres solutions d’isolation : la double paroi plastique gonflable. Le CTIFL a expérimenté une serre en double paroi plastique longue durée, en la comparant à une serre verre. L’économie d’énergie réalisée est d’environ 20 %, pour un prix équivalent entre les deux. Un chiffre à relativiser puisqu’il est obtenu ici aussi pour un chauffage de 15 °C minimum la nuit.

Chauffer de manière localisée permet également de gagner en efficacité, comme avec le chauffage sur tablettes, avec une circulation d’eau chaude en production ornementale, ou les tubes installés dans la végétation et au sol, dans lesquels de l’eau circule, souvent privilégiés en maraîchage.

© ASTREDHOR - L’écran thermique a un double avantage : il permet d’ombrager l’été et de garder les rayonnements infra-rouges dans la serre l’hiver.

Passer à la serre bioclimatique

Pour les serres peu chauffées (maximum 14 °C la nuit) et bien isolées, il est possible d’augmenter encore les économies. Un dispositif permet de récupérer l’énergie solaire de la journée – grâce à des réserves d’eau ou une utilisation de matériaux équivalents – pour la restituer la nuit : on parle de serre bioclimatique. La station Astredhor Auvergne-Rhône Alpes travaille depuis des années sur ce concept. Le CTIFL a également fait l’expérience en fraise. « Je n’aurais jamais pensé que ça fonctionnerait aussi bien », révèle Ariane Grisey. Son efficacité dépend toutefois des régions, les plus ensoleillées étant évidemment favorisées. Le coût de ce type d’installation varie entre 15 €/m² pour un système low-tech à 75 €/m² pour des modèles plus techniques. Comme la plupart des équipements cités précédemment, il peut être en partie financé par des certificats d’économies d’énergie (lire l’encadré correspondant).

© ASTREDHOR - Les essais de serre bioclimatique à la station Auvergne-Rhône-Alpes d'Astredhor. La chaleur captée par la serre la journée est stockée dans des bidons d'eau pour être restituée la nuit.

Gérer l’humidité dans des serres bien isolées

L’isolation des serres amène toutefois un sujet. « Plus on isole, plus il y a un risque de condensation. Trop baisser le chauffage peut déclencher des problèmes sanitaires », rappelle David Vuillermet. Pour contourner ce problème, des déshumidificateurs peuvent être installés. Il en existe différents types. Plusieurs stations d’expérimentation comme le Caté et Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes ont testé le déshumidificateur thermodynamique. L’appareil permet de limiter l’aération de la serre et d’utiliser plus intensivement l’écran thermique. Il en résulte une économie d’énergie de plus de 30 % (consommation électrique comprise) par rapport à une serre témoin conduite également de façon économique. « Ça n’a pas été trop transféré en entreprise au moment où l’on a fait les essais. Peut-être qu’aujourd’hui ça aurait plus de succès », avance le responsable d’expérimentation.

Pour éviter les problèmes, « il faut aussi suivre précisément les taux d’humidité grâce aux capteurs dans la serre. Les systèmes existants fonctionnent bien », estime Ariane Grisey. En maraîchage, plutôt que des déshumidificateurs, des systèmes très perfectionnés intégrés aux serres sont utilisés pour éviter la condensation : systèmes d’échangeur air/air double flux par exemple. Il faut dire que leurs cultures y sont bien plus sensibles, comme pour la tomate.

La station Astredhor de Brindas réalise en ce moment un test avec un déstratificateur, pour observer si son usage limite les risques de condensation sur les plantes. Ce système, simple à mettre en place, est utilisé en maraîchage. Reste à confirmer son efficacité pour les plantes en pot.

© ASTREDHOR - Les écrans thermiques latéraux font également réaliser des économies.

Adapter les itinéraires de culture

Lorsque les serres disposent déjà de l’ensemble des équipements cités, il est possible de poursuivre les économies d’énergie en adaptant les itinéraires. Nommée culture froide, l’abaissement de la température de consigne de quelques degrés est une solution en développement. Cela nécessite de décaler les calendriers de production. Des stations Astredhor ont fait des essais sur quelques plantes. Parmi les espèces « résistantes » testées, on peut citer : Antirrhinum, Argyranthemum, Asclepias, Brachyscome, Bidens, Calceolaria, Calibrachoa, Dianthus, Diasca, Fuchsia, Gazania, Lobelia, Nemesia, Osteospermum, Pelargonium, Petunia, Verbena qui supportent de passer de 12 à 8 °C de température de consigne, et Ageratum, Calibrachoa, Gaillardia et Sutera qui supportent de passer de 18 à 13 °C. L’usage de déshumidificateurs est également conseillé dans le cadre d’une diminution de la température. Les économies de chauffage réalisées peuvent atteindre 30 à 50 % selon les espèces et les conditions de culture.

© ASTREDHOR - Des cultures testées dans la serre bioclimatique de la station Auvergne-Rhône-Alpes de Brindas (69).

Les plantes cultivées à plus basse température ont d’autres avantages. Par exemple l’effet du froid sur la croissance joue le rôle de régulateur sur la longueur des bractées et permet d’obtenir des spécimens plus compacts, à moindre coût.

D’autres essais pour adapter les itinéraires de culture sont en cours. À la station Astredhor Auvergne-Rhône-Alpes, un test est en cours sur des dipladénias. Les plantes sont éclairées en septembre et octobre, afin de profiter des températures plus importantes qu’en plein hiver et favoriser la croissance, mais moins chauffées pendant l’hiver. « Dans notre serre bioclimatique, cet itinéraire permettrait de limiter les émissions de gaz à effet de serre de l’ordre de 30 à 40 % par plante produite », estime David Vuillermet.

Un programme de recherche porté par Astredhor sur l’amélioration de la gestion climatique et sanitaire sous abris froids (APAF) a débuté. « L’idée est de ramener du high-tech vers abris froids et faire un transfert technologique », explique le responsable d’expérimentation.

Le plus pertinent pour réaliser des économies reste de combiner le plus de solutions possible. De nombreux équipements peuvent bénéficier d’aides (voir l’encadré sur les certificats d’économies d’énergie) et les stations d’expérimentation sont aussi là pour renseigner les professionnels sur le sujet.

En savoir plus :

- Voir le bulletin de veille technique d’Astredhor sur l’énergie daté de novembre 2022. De nombreuses références à des essais et des articles de presse sur les économies d’énergie y sont recensées.

- Astredhor et le CTIFL animeront une conférence conjointe sur l’énergie lors du Sival le jeudi 19 janvier 2023 au matin : « Optimiser la consommation énergétique en cultures sous serres ».

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La flambée qui met les serristes en péril

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