Pépinière La pépinière dispose de capacités à répondre
En plantes ligneuses, la demande est forte. Les producteurs de jeunes plants privilégient leurs clients. Ils recommandent d’anticiper et préviennent : les prix sont en hausse !
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Ala fin d’une année qui a vu les carrés de culture être vidés, une demande accrue de jeunes plants de pépinière est-elle étonnante ? Évidemment non. Sauf que des producteurs de matériel végétal de base ont cessé leur activité ces dernières années et que l’on ne s’improvise pas multiplicateur du jour au lendemain. Comment, dans ce contexte, vont se dérouler les prochaines remises en culture ? Plusieurs producteurs de jeunes plants ont témoigné, afin de dresser un état des lieux aussi complet que possible.
Une demande soutenue
Globalement, ceux-ci s’accordent pour estimer qu’il y a une tension pour ce marché. « Nous faisons face à un renforcement de la demande depuis plusieurs mois, relate Gilles Colinet, qui dirige André Briant Jeunes Plants, à Saint-Barthélemy-d’Anjou (49), l’un des plus gros producteurs de l’Hexagone. Déjà, l’an dernier, elle était soutenue. S’il n’y avait pas eu d’annulations de commandes en mars et avril, au moment du premier confinement, nous aurions connu une forte croissance des ventes. »
Thierry Browaeys, qui a créé les pépinières Laforêt, aux Sorinières (44), dans les années 1980, estime, lui, que le sujet était déjà présent avant la crise de la Covid-19, qui n’a fait que l’amplifier. Ceci s’expliquerait par « la disparition de certains producteurs, les baisses de quantités produites par d’autres ». Le boom de consommation a fait le reste.
Solène Maucourt assure la commercialisation chez JPVL (Jeunes Plants du Val de Loire), à Saint-Denis-en-Val (45), qui réunit l’offre de deux pépinières de la région d’Orléans. Elle pense que le manque de disponibilité de plants est réel en France, mais également à l’étranger, surtout pour les racines nues. Une conséquence vraisemblable du plan de relance du gouvernement qui finance des replantations de haies et de forêts (lire l’encadré).
Directrice commerciale de Robin pépinières, à Saint-Laurent-du-Cros (05), Christine Robin assure que le secteur forestier est très porteur : « Habituellement, au cours de l’été, nous avons 30 % de nos productions qui sont réservées quand tout va bien. Cette année, nous en sommes à 85 % ! Cela se ressent sur nos plants à destination du marché de l’ornement, mais surtout pour le plant forestier. Ces dernières années, nous étions à l’équilibre entre activité forestière et ornementale. Nous investissons depuis quelque temps dans la première afin de mieux répondre à l’offre, sans toutefois diminuer la partie horticole, où la demande est également forte. Le souci, c’est qu’il faut qu’en amont tout le monde puisse suivre, surtout les producteurs de graines, qui doivent travailler en se conformant à un cahier des charges très précis. »
Des prix à la hausse
Seulement quelques producteurs réfutent le fait que l’offre de jeunes plants soit insuffisante, préférant évoquer un retour à la normale. « Certains ont surfé sur la surproduction et occulté le fait que la fourniture de matériel végétal de base relève d’un partenariat entre les producteurs de jeunes plants et ceux de plantes finies, explique ainsi Pierre Chaussard, le directeur commercial de Minier Professional Solutions, à Beaufort-en-Anjou (49). En définitive, nous voilà revenus à une situation plus logique à terme. »
Il faut entendre par là que les prix des plants connaissent une hausse assez sensible, offrant aux producteurs une position plus confortable par rapport à l’aval de leur métier. L’augmentation est plus ou moins forte selon les produits et les fournisseurs. Il est compliqué d’en établir une estimation, mais elle est bien réelle.
« Avant, les prix avaient stagné », relativise Gilles Colinet. « La hausse n’est pas aussi élevée que ce que l’on peut constater aux Pays-Bas, où elle se monterait à + 20 ou 30 % », estime Pierre Chaussard. « Elle est également imputable à la hausse du coût des intrants, pots, substrats, etc. », complète Thierry Browaeys.
Pas sûr que ça dure !
Quoi qu’il en soit, le contexte incite les fournisseurs à privilégier leurs clients habituels. Chez André Briant Jeunes Plants, les demandes d’augmentations de commandes sont évaluées en fonction des volumes précédemment réservés. En revanche, pour Minier Professional Solutions, qui ne travaille ni pour le marché du paysage ni pour celui de la forêt, on prévient : il ne sera pas possible de fournir des commandes en hausse de 20 ou 30 % !
Personne ne se risque à anticiper comment le marché va se tenir au cours des prochaines saisons, mais beaucoup pensent que la consommation exceptionnelle connue en 2020-2021, liée à la crise sanitaire, ne durera pas. La demande devrait rester soutenue, en raison de la prise de conscience, dans la société actuelle, de la nécessité de planter pour améliorer le cadre de vie. Cependant, l’année pourrait bien se présenter comme un pic de consommation bienvenu mais isolé.
« Le problème est en partie structurel. Il faudrait peut-être augmenter un peu les quantités produites, mais il faut également surveiller le conjoncturel. Il s’agit d’une année exceptionnelle dont une partie des effets ne dureront pas », résume Gilles Colinet. De son côté, Thierry Browaeys note que la consommation a déjà commencé à se tasser cet été. « L’engouement de la part des consommateurs devrait se poursuivre l’an prochain, mais on devrait revenir ensuite dans un cycle qui se rapproche davantage de la normale, avec des phases où l’on a un peu de surproduction et d’autres avec un peu de sous-production. »
Anticiper les commandes
Vu le contexte, les multiplicateurs prévoient en général de renforcer leurs mises en culture. Mais il faut pour cela des surfaces, des moyens et… des hommes ! « Le facteur limitant pour répondre à la demande pourrait bien être la disponibilité en personnel », poursuit Gilles Colinet.
Les fournisseurs se veulent globalement rassurants. Chez André Briant Jeunes Plants, on prépare la suite avec une gamme « Pépi Express » qui devrait proposer un bon tiers du catalogue mis à disposition au printemps à partir d’une commande au mois de septembre précédent. Cela ne se fera pas en godets mais en grosses alvéoles, à partir de cultures sous abris. Pierre Chaussard, lui, souligne que la plupart des plantes se multiplient à partir de semis ou de boutures, dans un cycle d’un an, et qu’il est donc possible de réagir vite. Et tous rappellent que la France exporte une bonne part de sa production de jeunes plants, la pénurie ne guette donc pas vraiment.
Reste que tous en appellent à mieux anticiper les commandes. L’année 2021 pourrait à ce niveau marquer un tournant. « Au minimum un an à l’avance, ce serait parfait », estime Solène Maucourt. Christine Robin, dont la pépinière a reçu des commandes pour dans trois ou quatre ans, ne dit pas le contraire : malgré de gros investissements d’avenir, il ne faudra pas tarder pour être servi.
« La situation modifie les comportements, analyse Thierry Browaeys. Travailler en flux tendu était la logique de beaucoup. Actuellement, mieux vaut se faire livrer pour six mois ! Et là où la plupart massifiaient leurs approvisionnements, ils négocient maintenant avec plusieurs fournisseurs. »
Une bonne dynamique
Si la demande reste soutenue, si la distribution joue vraiment le jeu – sur lequel elle communique – de privilégier le made in France dans ses rayons et si les collectivités françaises respectent leurs engagements de plantations, une ère de fort dynamisme s’annonce pour la pépinière hexagonale, voire européenne. La demande de jeunes plants ne peut qu’en sortir renforcée et il est rassurant de savoir que les producteurs sont plutôt confiants !
Pascal Fayolle
Pour accéder à l'ensembles nos offres :