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Jeunes plants horticoles : des inquiétudes à l’import-export

Chantier de repiquage de cyclamens, cet été, aux Ets horticoles Ottenwaelder, à Fréjus (83).Photos OTTENWAELDER

Les fournitures vont-elles manquer pour la saison 2021-2022 ? Afin de mieux comprendre comment fonctionne l’ensemble de la chaîne de livraison des semences et jeunes plants, obtenteurs, producteurs, distributeurs livrent leurs témoignages sur la situation.

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Les difficultés transversales rencontrées par l’ensemble de la filière du végétal depuis une année, depuis la mise en place des mesures sanitaires afin d’endiguer la pandémie de Covid-19, concernent surtout les à-coups dans les commandes, en particulier à l’international.

Afin de couper court aux rumeurs récurrentes en floriculture et aux reproches­ que produc­teurs et fournisseurs peuvent parfois s’adresser mutuellement, il était temps de demander à plusieurs acteurs de la chaîne de production, de l’amont à l’aval, des obtenteurs aux horticulteurs, en passant par les distributeurs et multiplicateurs, leur point de vue et leur ressenti sur la situation actuelle.

Des soucis pour les importations

« Tonique, le marché cherche du végétal », titrait le dossier du Lien horticole n° 1105 d’avril 2021. Au printemps 2020, la demande en jeunes plants, soudainement plus forte, a surpris et causé parfois des ruptures de stocks ou des ralentissements dans les expéditions. Le contexte Covid a perturbé l’organisation du travail (gestion des commandes et des expéditions, transport…). La situation semble dorénavant stabilisée et les plannings sont à jour pour la saison prochaine.

La difficulté pourrait surtout venir des produits importés. Pour l’obtenteur PanAmerican Seed, Sylvia Rocheteau, responsable Europe du Sud, explique : « Notre groupe, basé aux Pays-Bas pour ses activités en Eu­rope, exporte ses graines uniquement depuis les États-Unis. Quant aux jeunes plants, ils sont commercialisés par nos clients tels Graines Voltz pour la France. En semences, l’évolution de la législation internationale nous a impactés dans nos livraisons­ vers l’Europe et la France en 2020-2021, avec des réglementations plus strictes la dernière année, et des exigences différentes selon les pays. Plus précisément, au début de 2021, les délais de livraison ont été allongés des États-Unis vers l’Europe pour les semences florales et la plupart des potagères, sauf les tomates et Capsicum annuum. Pour ces deux genres, la nouvelle réglementation phytosanitaire n’a pas permis de les exporter vers l’Europe. Nous recherchons activement une solution pour la saison 2021-2022. »

Obtenteurs : on rassure

En dehors des soucis d’import-export, chez les obtenteurs, tout en amont de la chaîne, les approvisionnements auraient été peu perturbés. C’est le cas selon le producteur de semences et plants Syngenta Flowers, aux Ponts-de-Cé (49). Arnaud de Mortain, son responsable tech­nique, assure : « À ce jour, nous approvisionnons normalement nos clients. Pour les boutures, comme nous possédons des fermes au Kenya et en Éthiopie, il n’y a pas de rupture. Du côté des pétunias, venant d’Israël, et des calibrachoas, du Portugal – de notre propre exploitation –, il n’y a pas de souci dans l’immédiat­. Nous livrons nos poinsettias normalement. En plantes issues de semis nous expédions en ce moment beaucoup de bisannuelles et de cyclamens. Les bisannuelles, vivaces, annuelles, plantes pour potées (en graines et jeunes plants), sont envoyées sans problème. »

Idem chez Selecta One, obtenteur et producteur de semences et plants. Denis Chevrollier, general manager à Nuaillé (49), affirme : « Pas de dif­ficultés majeures à fournir les demandes des clients dans la mesure où celles-ci ont été suffisamment anticipées. »

En ce qui concerne les bulbes à fleurs, pour le printemps 2022, « les récoltes s’annoncent pour l’instant correctes », chez Ernest Turc, à Angers (49). L’obtenteur et producteur de plants annonce « avoir augmenté ses surfaces de production et ses contrats de culture avec les agriculteurs ». Bertrand Turc se veut rassurant : « Tous les bulbes et boutures sont en terre, en vue des récoltes de novembre. Mais pour les produits achetés, la nervosité des marchés nous incite à renforcer nos contrôles de non-conformité, de façon à rasséréner nos clients sur la qualité de la marchandise vendue. Sur le marché des semences potagères et flo­rales pour le marché amateur, la fébrilité est présente depuis au moins deux ans. Là aussi, nous anticipons et nouons davantage de contrats avec les producteurs. »

Distributeurs et multiplicateurs : pas assez de communication

Les distributeurs et multiplicateurs détectent les espèces, variétés, cultivars et nouveautés qu’ils estiment les meilleurs chez les différents obtenteurs.

Hervé Bory, pour N.P.K. distribution, à Saint-Ferréol-d’Auroure (43), constate de réels pro­blèmes d’approvisionnement, principalement depuis les États-Unis et le Royaume-Uni, mais variables selon les espèces, l’origine, la période… Il regrette qu’à « l’heure de la communication et d’un maximum d’outils à disposition, l’information circule mal ou n’est tout simplement pas diffusée », de la part de l’amont de la filière. Et, côté aval, il se désole « des choix variétaux massivement orientés par le marketing ou le lobbying ». Par ailleurs, certains acheteurs professionnels n’ont pas ou peu « la notion qu’une graine peut faire le tour de la planète avant d’atterrir dans le semoir ».

De son côté, Pierre Haberschill est diffuseur de licences­ et producteur de jeunes plants, d’une très grande diver­sité végétale. « Depuis le semis ou la multiplication jusqu’à la production, tout s’effectue à Valdu­renque (81), en petits conditionnements, rassure-t-il. La livraison est assurée le plus possible par nos moyens de transport maison. Notre équipe maîtrise donc les approvisionnements en semences comme en cuttings. Si notre leitmotiv est de respecter nos engagements, la principale des nombreuses difficultés reste le délai parfois très court entre la commande des clients et la date de livraison souhaitée (surtout en période intense, de février à avril). Certaines espèces issues de division ou d’in vitro se révèlent longues à produire. Nous anticipons sur les stocks, mais avec des ruptures parfois… Les clients ne comprennent pas toujours bien. »

Producteurs : des tensions en Erigeron, Hibiscus

Les producteurs de plantes semi-finies et finies rencontrent également des difficultés, surtout dans des cas particuliers.

« Nous avons connu des problèmes pour recevoir nos fournitures végétales, aussi bien en jeunes plants qu’en graines, confirme Claire Alix-Barrault, cogérante pour Barrault horticulture à La Possonnière (49), producteur de plantes fleuries. Les délais de commande sont allongés et nous n’avons pas la certitude de recevoir la marchandise. C’était le cas en 2020, notamment, pour les graines d’Erigeron karvinskianus. »

Ollivier Ottenwaelder, producteur de plantes fleuries à Fréjus (83), reçoit bien les jeunes plants commandés l’année dernière. « Les seules difficultés rencontrées pour les approvisionnements de la prochaine saison concernent les jeunes plants d’Hibiscus. Ces obtentions danoises sont multipliées au Viêtnam. L’influence du coût de transport reste incertaine, le producteur anticipe déjà à la fois des augmentations de prix et une diminution des rotations aériennes… Il nous a demandé de lui envoyer le planning pour les quatre premiers mois de la prochaine saison (octobre à janvier) et, si nous n’avons pas eu de difficultés sur les quotas qui nous étaient destinés, il a fallu batailler pour que les variétés proposées nous conviennent. Concernant les autres espèces ou va­riétés que nous cultivons, les programmes 2022 ne sont pas encore passés… »

« Il convient d’oser revendiquer son statut de professionnel face à sa hiérarchie et/ou aux intermédiaires », avancent plusieurs témoins. Une certaine nervosité est bien palpable. « Nous avons tous besoin de retrouver sérénité et humilité, deux qualités fragilisées par la crise sanitaire », conclut Hervé Bory.

Odile Maillard

- Diversité de jeunes plants, produits par les Ets horticoles Haberschill, à Valdurenque (81).

© SYNGENTA FLOWERS - Jeunes plants de Mandevilla ‘Rio’ livrés d’Espagne, produits en plaques d’enracinement Xcarrier de Syngenta Flowers.

- Plaques de jeunes plants issus des cultures d’Haberschill.

- Jeunes plants de cyclamens tout juste repiqués.

© E. Turc - Bouturage de dahlias aux Ets Ernest Turc.E. Turc

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