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À Paris, les cours d’école deviennent des oasis

La cour Oasis de l’école maternelle Emeriau (Paris 15e) en juillet dernier. Le projet vise à désimperméabiliser les cours des établissements pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie et créer des îlots de fraîcheur. T. MENIVARD/CAUE DE PARIS

La création d’une cour Oasis va bien au-delà d’une simple question technique. Elle modifie les pratiques et induit un grand changement pour tous les usagers et les gestionnaires des établissements scolaires, a expliqué le CAUE de Paris dans un récent webinaire.

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Le CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) de Paris accompagne la Ville depuis 2017 dans ses projets de cours d’école Oasis. Dans la capitale comme partout ailleurs, la plupart des établissements scolaires ont des cours asphaltées ou bitumées, avec très peu d’arbres et d’espaces naturels, souvent inaccessibles aux enfants et présentant un sol tassé et quasi imperméable.

Le point de départ du projet était une volonté de désimperméabiliser les sols pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie et créer des îlots de fraîcheur. Ce concept a évolué depuis. « Nous disposons de quelques années d’expérience que nous pouvons partager aujourd’hui », a expliqué Charlotte Van Doesburg, architecte-urbaniste, cheffe de projets au CAUE 75, à l’occasion du webinaire organisé le 30 septembre dernier par la plateforme Echopaysage Auvergne-Rhône-Alpes (lire Le Lien horticole n° 1110 pages 28-29).

Moins de sols très techniques, plus de « low-tech »

« La première réponse apportée en 2017 était de désimperméabiliser, mais en faisant appel à des sols mi­né­raux poreux comme les bétons drainants, en proposant des espaces végétalisés trop limités. Nous nous sommes rapidement­ rendu compte que tout cela ne fonctionnait pas, pour plusieurs raisons : des surfaces très abrasives qui ne conviennent pas à un usage de cours de récréation et plus difficiles d’entretien que les enrobés, une mise en œuvre par les entreprises pas toujours satisfaisante. Et, pour finir, l’aspect drainant n’était pas toujours au rendez-vous, ce qui obligeait à prévoir des avaloirs en cas de fortes pluies. À Paris, nous avons un réseau unitaire qui collecte les eaux usées et plu­viales. Le but est de s’en déconnecter au maximum. En dehors de cet aspect strictement technique, nous avons remarqué que les cours de récréation, finalement, n’avaient pas du tout modifié leurs usages. C’était précisément sur cet objectif qu’il fallait travailler. »

Comment faire autrement ? Une réflexion a été initiée. Grâce à une subvention­ européenne, certaines équipes de la Ville de Paris et de quelques écoles se sont rendues en Belgique découvrir des cours qua­siment devenues des jardins, comportant du sable, des copeaux et de la végétation.

« Ce voyage d’étude a permis de changer de paradigme par rapport au sol et de repenser la question en se disant que des revêtements trop techniques comme les bétons drainants n’étaient pas du tout la bonne entrée. Il fallait au contraire réfléchir à des solutions plus “low-tech’’, revenir à plus de bon sens, en recréant des sols vivants qui permettent d’infiltrer l’eau de pluie », poursuit Charlotte Van Doesburg.

Un travail de concertation avec tous les acteurs

Pour arriver à ces objectifs, la méthode du CAUE 75 a été d’associer les enfants et les adultes de l’école concernée à l’élaboration du projet. « Nous ne sommes ni une maîtrise d’œuvre ni une assistance à maîtrise d’ouvrage, nous sommes plutôt là pour faire­ émerger un projet faisant consensus, qui soit validé­ par l’ensemble des acteurs. L’enjeu principal, c’est le changement de mentalité et des pratiques dans les écoles. Cet aspect n’est pas inné et il est nécessaire d’être accompagné. Aussi notre rôle est-il d’organiser­ des ateliers mobilisant toutes les classes sur ce sujet. Le directeur de l’établissement est présent à chaque séance, ainsi que la responsable du périscolaire. Nous nous attachons à faire de la sensi­bilisation sur le dérèglement cli­ma­tique, sur la biodiversité. Tous ces ateliers vont apporter du fond et laisseront du temps au groupe scolaire, un élément très important pour mener à bien un tel projet. Le travail porte également sur les usages actuels de la cour, les temps de sport, comment se positionnent les garçons et les filles sur ces questions, les espaces de la cour qui présentent un problème... »

À l’étape suivante, le CAUE propose aux acteurs de réaliser des projets sous forme de plans ou de maquettes en fonction de leur âge. « Nous travaillons aussi bien avec les classes de maternelle que les classes élémentaires, précise l’architecte-urbaniste. L’idée est d’avoir plein de projets différents à proposer ensuite aux adultes pour mobiliser toute la communauté pédagogique, en prenant aussi du temps avec les parents pour leur présenter les différentes pistes et recueillir les doutes et les questions. »

Le groupe scolaire Maryse-Hilsz en exemple

Grâce à une démarche de ce type, le groupe scolaire Maryse-Hilsz, dans le 20e arrondissement de Paris, est passé de 17 % de sol perméable à 56 % à la fin du projet. La stratégie adoptée a été de multiplier les types de sols et de matériaux pour varier les usages. « Cela permet d’apporter aux enfants des bienfaits adaptés à leurs jeux, à leur motricité : des gravil­lons en maternelle, du sable, des copeaux (mulch ou écorces, copeaux amortissants sous les aires de jeux) ailleurs. Des pavés enherbés ont pris place dans la zone de jardinage de la maternelle, une grave enherbée dans l’espace jardin des élémentaires. Beaucoup de végétaux ont été plantés, avec des réussites et des ratés, mais, dans l’ensemble, la végétation s’est plutôt bien développée, avec peu d’entretien. Nous avons réussi à retrouver la terre vivante souhaitée au départ. Grâce à toutes ces zones perméables, l’eau peut s’infiltrer, permettant à la végétation de s’auto­entretenir en quelques années. De plus, l’eau des zones imperméables est collectée puis dirigée dans des drains qui passent sous les surfaces végétalisées. La cour est donc à 100 % déconnectée des réseaux. »

Il est important de conserver des espaces­ de sol dur devant les portes afin d’y faire tomber ce qui s’est incrusté sous les chaussures. Il faut aussi in­citer les enfants à ne pas remplir leurs poches de copeaux. Les zones ensablées n’ont pas posé de problème, contrairement à celles composées de terre nue, quand il manque des copeaux ou que la vé­gétation y est piétinée.

« Bien sûr, cela demande une adaptation par rapport à la gestion. Ce que l’on essaie de faire passer dans nos messages, c’est que le bien-être des enfants dans toutes ces réalisations est quand même un facteur plus important. Les agents doivent être associés au projet et il faut faire prendre conscience aux enfants du travail de ces derniers, qu’ils doivent veiller à garder les espaces propres », conclut Charlotte Van Doesburg.

Le réaménagement de la cour de l’école Maryse-Hilsz, proposant une surface imperméable moins importante, a toutefois réduit fortement les temps de nettoyage quotidiens, à la grande satisfaction des agents d’en­tretien !

Claude Thiery

© CAUE DE PARIS - La cour d’une école parisienne avant réaménagement… CAUE DE PARIS

© CAUE DE PARIS - … et après intervention dans le cadre du projet Oasis. CAUE DE PARIS

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