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Demain, l’ordinateur comme premier outil ?

La robotisation à grande échelle du désherbage n’est pas pour demain. Mais une visite au cœur de l’innovation de la robotique agricole fait apparaître quelques pistes de travail à creuser. Une démarche salvatrice, quand la main-d’œuvre se fait rare ?

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Le désherbage n’est bien évidemment pas la seule tâche­ que le monde agricole cherche à déléguer aux robots. Il n’est que de voir le nombre de drones dédiés à la surveillance des cultures, voire à leur récolte, les tracteurs électriques asservis offrant une gamme de plus en plus large de fonctions ou encore le développement rapide des tondeuses autonomes pour s’en convaincre.

La lutte contre les adventices reste un objectif essentiel pour tous ceux cherchant à mécaniser des gestes pour lesquels la main-d’œuvre est de plus en plus introuvable­, que ce soit en France mais aussi dans tous les pays développés. Une simple visite au World Fira, Salon de la robo­tique agricole (voir encadré), corrobore assez largement ce sentiment.

Au-delà du choix des fonctions qui seront demain dédiées aux robots, les entreprises qui travaillent actuellement dans ce secteur s’évertuent à répondre à des enjeux plus larges : quelle sécurité prévoir pour leur usage ? Quelle énergie utiliser ?

Les robots posent en effet des problèmes de sécurité encore jamais expérimentés sur le terrain : que se passerait-il si un appareil sortait de son périmètre d’action, qui endosserait la responsabilité si un engin entrait en collision avec un humain ? L’entreprise Naïo technologies, qui vient de fêter ses dix ans d’existence et qui fait figure de ré­férent dans un secteur totalement émergent, vient d’obtenir une homologation pour l’ensemble de sa gamme alors qu’un seul modèle en disposait déjà pour l’instant.

Cette démarche permet d’utiliser les robots sans avoir à les surveiller, ce qui génère un vrai gain de temps au quotidien et donne aux outils autonomes une vraie valeur ajoutée.

Des appareils souvent électriques, mais...

L’électricité semble devenue incontournable chez les robots, mais Robotelli LR, qui est destiné à certaines grandes cultures, a été doté d’un moteur diesel et d’un grand réservoir : la recharge en électricité était jugée trop contraignante sur le terrain pour son concepteur danois, AgroIntelli. Avec ses 330 litres, un engin lourd, proche d’un tracteur classique, a une autonomie de soixante heures en développant 75 CV.

Des sys­tèmes de recharge électrique innovants font leur apparition. Wiferion, une entreprise allemande, lance des chargeurs à induction. Le robot vient se placer sur le chargeur et ses batteries refont le plein, avec un meilleur rendement en énergie qu’un chargeur sur prise, si l’on en croit le fournisseur. Mais outre ce gain d’efficacité énergétique, le système permet de s’affranchir des imprévus liés aux facteurs humains, une prise mal branchée ou arrachée, par exemple. Et le chargeur est efficace quel que soit l’état de propre­té du site. L’entreprise allemande a installé chez un maraîcher néerlandais un système de recharge par induction d’un robot de récolte des tomates.

À noter également : le fournisseur Varta lance cette année un système de contrôle des batteries à distance via le Cloud, sur un ordinateur ou un smartphone. À tout moment, avec ce dispositif, il est possible de connaître l’état des batteries et d’optimiser leur recharge pour garantir une durée de vie optimale.

Façon binette, Star Wars ou perceuse

Le désherbage proprement dit reste essentiellement assuré par des outils mécaniques, disques à doigts, socs, etc. Sur les appareils déjà disponibles sur le marché, on peut citer Oz de Naïo technologies, qui est à ce jour un des rares appareils réellement exploités dans la filière horticole : en version désherbage – il peut aussi être utilisé pour le semis, le transport de charge… –, il reçoit des dents, des socs ou des griffes.

Mais l’entreprise britannique Earth Rover considère que travailler le sol endommage les cultures et aère le sol, favorisant donc la levée de nouvelles adventices. Elle a présenté au World Fira une unité de désherbage qui fonctionne sur le principe de la lumière concentrée, moins chère et moins violente que le laser. À l’aide d’une caméra, l’appareil détecte les mauvaises herbes et les élimine à raison de vingt plantes à la seconde. En salle, sur des terrines de semis, le résultat est assez impressionnant.

Lumina, conçu par une entreprise de Lettonie, WeedBot, utilise pour sa part le laser. C’est un engin tracté pour cultures assez large, pour l’instant pas forcément adapté aux productions horticoles (il a été conçu pour les carottes. Des adaptations sont promises pour d’autres types de cultures en 2023). Il permet un bon contrôle des adventices, semble-t-il, pour une consommation d’énergie de l’appareil assez faible. Lumina repère également les mauvaises herbes par caméra et les élimine par un rayon laser dont l’énergie est créée par un générateur­. La précision de l’intervention se fait à 2 mm près, la vitesse d’avancement peut monter jusqu’à 300 m/h. En revanche, l’appareil est tracté et alimenté par une prise de force, il n’est pas pour l’instant doté de l’autonomie réelle­ d’un robot.

Le troisième procédé de destruction des adventices fonctionne un peu comme une perceuse. L’entreprise allemande Dahlia propose un sys­tème qui repère la mauvaise herbe toujours par une caméra, mais la détruit mécaniquement via un appareil rotatif qui semble redoutable d’efficacité. Le système est assez semblable sur le principe à l’appareil baptisé Violette, qui avait été présenté à Salonvert Sud-Ouest en 2019, sauf que pour cet engin à destination des terrains de sport, l’arrachage de l’herbe se fait par une vis sans fin (voir la vidéo sur www.lienhorticole.fr).

Il reste du travail de développement

Dans l’ensemble, tous ces appareils, encore souvent au stade de prototype ou de développement, ne sont pas réellement adaptés au secteur horticole. Mais en pépinière de pleine terre, par exemple, il n’est pas inintéressant de suivre ce qui se passe car certains modèles pourraient être adaptés sans trop de dif­ficulté. L’investissement s’avérerait en général plutôt lourd... Mais les quelques dizaines de milliers d’euros engagés devraient être mis en balance avec le coût éventuel de la main-d’œuvre. Et quand le facteur limitant devient la disponibilité même de cette main- d’œuvre, ils peuvent en l’occurrence devenir indispensables !

Pascal Fayolle

- Une unité de désherbage à la lumière concentrée présentée par Earth Rover. Moins cher que le laser, et d’une efficacité impressionnante !

- La plupart des appareils de désherbage disponibles sur le terrain sont aujourd’hui équipés d’outils de travail du sol classiques, mais d’autres technologies sont à l’essai.

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