« D’ici cinq ans, on se passera totalement d’herbicides »
À Larchamp (53), Pépinières Dauguet développe, depuis plusieurs années, des alternatives au désherbage chimique des zones non cultivées. L’entreprise a misé sur l’engazonnement et travaille aujourd’hui à l’implantation de vivaces.
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Créée en 1983, l’entreprise Pépinières Dauguet, en Mayenne, cultive 85 hectares – 75 ha de pépinières de pleine terre, 5 ha de surface couverte et 5 ha de conteneurs. L’ensemble se partage en trois sites : Larchamp, Saint-Ellier-du-Maine (comptant 30 ha de pleine terre) et Parcé, en Ille-et-Vilaine (19 ha de pleine terre et 2 ha de production hors sol), dont les sols limono-argileux présentent un pH légèrement acide (5,5).
Trois stratégies
« Historiquement, explique Florian Dauguet, responsable des cultures, les herbicides sont les produits que nous utilisions le plus. Dans certaines zones non cultivées, il nous arrivait de traiter jusqu’à cinq, voire six fois dans l’année, sans résultat convaincant. Les adventices repartaient au bout de deux à trois mois et certaines espèces problématiques comme l’épilobe, le chardon ou le laiteron revenaient chaque année. »
Pour maîtriser leur développement sans recourir aux herbicides, l’entreprise a progressivement échafaudé trois stratégies. « Nous avons commencé il y a quinze ans, en engazonnant l’interrang. »
Après un premier essai avec un mélange « Spécial vigne », Florian Dauguet a opté pour un mélange de graminées plus vigoureux, qui est riche en ray-grass. « Aujourd’hui, dit-il, nous allons de plus en plus vers des gazons contenant du microtrèfle et du trèfle blanc nain. Le but est d’obtenir des mélanges qui soient moins poussants et d’introduire, à travers le trèfle blanc, plus de concurrence pour les adventices. » En moyenne, ces gazons sont semés à 30 g/m² et restent en place autant que la culture.
Travailler l’entre-tunnel
L’engazonnement de l’entre-rang concerne dorénavant 100 % des surfaces de pleine terre. « À lui seul, il a permis de réduire l’utilisation d’herbicides d’environ 90 %. C’est considérable », relève Florian Dauguet.
En parallèle de ce travail, à partir de 2017, l’entreprise s’est intéressée à l’enherbement de l’entre-tunnel. Pour ces zones non cultivées, dont la terre est de moins bonne qualité, parfois caillouteuse, elle a utilisé le mélange « Spécial vigne ». Mais au fil du temps, « on voit qu’à certains endroits, sans qu’on l’ait semé, du trèfle blanc pousse. C’est d’ailleurs plutôt du trèfle blanc nain, donc peu poussant. »
L’engazonnement entre les tunnels est depuis devenu la règle et a révélé un effet visuel inattendu. « C’est esthétique et cela plaît à nos clients, qui réagissent positivement. »
Implanter des vivaces
Sur le plan technique, l’engazonnement de l’entre-tunnel a aiguillé Pépinières Dauguet vers une autre réflexion, autour de l’implantation des vivaces cette fois-ci. « Cette solution est intéressante, notamment au pied des tunnels, là où la fauche est difficile, avec le risque de cisailler la bâche. »
Il y a un an et demi, un premier essai a été lancé. Sur le côté d’un tunnel, légèrement en pente et bordé par un chemin, cinq espèces (Gunnera magellanica, Thymus serpyllum, Thymus citriodorus Golden King, Geranium x cantabrigiense ‘Cambridge’ et Ceratostigma plumbaginoides) ont été implantées par répétition de dix mètres avec un écartement, en fonction des plants, de 10 à 20 cm. « Certaines plantes ont très bien réagi, notamment le gunnera que j’avais mis en bas de pente, et d’autres moins bien. Ainsi Ceratostigma, qui s’est très bien comporté l’été mais n’a pas supporté l’excès d’eau hivernal. »
L’objectif est maintenant de reproduire ce premier essai dans d’autres zones, comme en façade de tunnel, mais en alternant beaucoup plus. « Si une plante meurt, ses voisines prendront plus facilement la place. On aura également davantage de diversité », indique Florian Dauguet.
800 heures de tonte
Très efficace pour réduire l’usage des herbicides, l’engazonnement à grande échelle a entraîné des changements dans l’organisation de l’entreprise. « La tonte est devenue une activité importante. Entre mai et octobre, elle représente 800 heures de travail », pointe Florian. De fait, durant cette période, les entre-tunnels sont fauchés deux à trois fois minimum « mais cela peut aller jusqu’à cinq, voire six fois ! » Quant aux parcelles de pleine terre, « nous passons trois fois dans celles qui ont plus de cinq ans et cinq, voire six fois dans les plus jeunes ». L’entreprise a dû investir en conséquence. Elle est désormais équipée de deux tracteurs-tondeuses et a même mis au point un équipement pour faucher sur le rang (lire l’encadré).
Afin de valoriser les résidus de tonte, Florian Dauguet a testé leur utilisation comme paillage sur le rang. Avec un bilan nuancé : « Le rejet de la tonte de l’entre-rang sur le rang est très positif pour l’humidité mais soulève deux problèmes : les mulots et le semis sur le rang des graines présentes dans les tontes. »
Du trèfle blanc sur le rang
Il y a deux ans, il a donc décidé de semer – à la volée –, dans une parcelle de 2 ha de porte-greffes de rosiers, un trèfle blanc sur le rang. Le chantier a été réalisé après la pose des tuteurs. « J’ai travaillé sur un sol très propre et semé à 50 kg/ha. C’était volontairement surdosé pour être sûr de contrôler les adventices. » Afin de comparer, le pépiniériste a laissé un rang témoin sur lequel il a, cette année, réalisé trois passages de désherbant. « Dans cette démarche de réduction des phytos, une idée en appelle une autre. L’important est d’y aller progressivement, d’expérimenter et de se faire confiance », résume Florian Dauguet.
Anne MabirePour accéder à l'ensembles nos offres :