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Espaces verts : les faits marquants

Chenilles processionnaires du chêne sur tronc.J. JULLIEN

Comme souvent dans les jardins, espaces végétalisés et infrastructures (Jevi) gérés par des professionnels, la pression des organismes nuisible a été l’an dernier très corrélée aux facteurs climatiques. Retours du terrain et des réseaux de surveillance.

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Si l’année 2021 a marqué une très légère respiration dans la tendance au réchauffement du climat, elle n’en a pas été moins favorable à certains bioagresseurs dans les espaces verts. Au fil des années, ce complexe associant causes abiotiques et biotiques affecte de plus en plus de plantations, auxquels s’ajoutent les risques liés aux organismes nuisibles émergents, dont certains sont réglementés.

1.Recrudescence d’insectes xylophages

Point commun entre les Jevi et les forêts : les coléoptères xylophages y ont poursuivi leur développement sur divers arbres et arbustes, de façon progressive depuis une bonne quinzaine d’années dans l’Hexa­gone, qui s’est accentué depuis 2015. Ce constat provient en partie des effets du climat sur les plantes hôtes, l’autre raison étant la mondialisation des échanges, favorable à des introductions de ravageurs émergents au sein de l’Union européenne. Sont concernées, notamment, des espèces invasives très nuisibles, à l’image du longicorne tigre ou perceur chinois Xylotrechus chinensis sur Morus kagayamæ en Nouvelle-Aquitaine et Occitanie, les scolytes Xylosandrus compactus et X. crassiusculus sur Arbutus unedo, Ceratonia siliqua, Laurus nobilis, Phillyrea sp., Quercus ilex ou Lagerstrœmia indica dans le sud-est de la France.

En 2021, les foyers ont été plus ou moins localisés selon les ravageurs. La fréquence des attaques comme l’absence de facteurs de régulation naturelle suffisants exposent de nombreux arbres à ces ravageurs opportunistes, dont plusieurs colonisent des sujets en situation de stress physiologique. L’excès d’eau en hiver dans les sols lourds, les périodes sèches de fin d’hiver et d’été, entrecoupées en 2021 d’une séquence fraîche et maussade exceptionnelle dans les deux tiers nord du pays et localement des orages accompagnés­ de vent violent, voire de grêle, sont parmi les causes expliquant ce phénomène. Il en résulte une colonisation des branches et troncs par ces insectes foreurs, au détriment de la vitalité des arbres. On constate alors des descentes de cimes, des flétrissements, et même des dépérissements d’épicéas, de frênes, de hêtres, de Lagerstrœmia, de mûriers, de noisetiers, de pins, de sapins, de saules, de trembles…

Les insectesforeurs de palmiers (papillon palmivore argentin Paysan­disia archon, charançon rouge du palmier Rhynchophorus ferrugineus) sont restés préoccupants, mais de mieux en mieux maîtrisés grâce à la lutte intégrée. Cependant, hors des régions méridionales, le papillon palmivore s’est disséminé en Nouvelle-Aquitaine, causant de nombreuses pertes de palmiers dans des jardins de particuliers.

Du côté des insectes défoliateurs, les populations de pyrale du buis ont progressé dans certains départements comme les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, mais sont restées à un niveau station­naire dans les autres territoires. La suppression progressive de nombreux buis et les traitements raisonnés à base de Bacillus thuringiensis subsp. kurstaki (les plus efficaces) ont permis de diminuer le niveau de risque dans de nombreux parcs et jardins.

La processionnaire du pin a généré des infestations d’intensité faible à moyenne dans la plupart des régions. L’année 2021 se situe donc dans la période de basse pression de ce ravageur, qui connaît un développement cyclique pluriannuel associé à une gradation de populations culminant généralement tous les cinq à six ans pendant deux à trois années. Dans une majorité de placettes d’observation, les pins et les cèdres ont été peu attaqués, les pins noirs demeurant toujours les plus attractifs. De juin à août, le nombre de papillons piégés a été en forte baisse par rapport aux années précédentes. Les premières chenilles de stade L1 ont été signalées assez tôt, dès le mois d’août dans certaines parties de la côte vendéenne, par exemple. Les processions ont éga­lement été très précoces, dès novembre sur le littoral atlantique. Ailleurs, des pics ont été constatés en janvier-février, mais la plupart des descentes préalables à la nymphose sont survenues en mars.

La processionnaire du chêne est demeurée une préoccupation majeure dans les espaces verts fréquentés par le public. Des nids et des larves urticantes ont ainsi été observés vers la mi-juin en Loire-Atlantique.

La crainte d’une invasion du territoire national par le scarabée japonais (Popillia japonica) a été vive en 2021, particulièrement dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté après les cas isolés détectés à Bâle (Suisse) en juillet et à Fribourg (Allemagne) en novembre 2021. L’infestation initiale au nord de l’Italie depuis 2017 a donc progressé vers le nord de l’Europe en suivant les axes routiers.

La nécessité d’une vigilance accrue sur cet organisme de quarantaine prioritaire dans l’UE s’est traduite par un renforcement de la surveillance par piégeage et des observations visuelles sur les plantes hôtes majeures : Acer spp., Æsculus hippocastanum, Betula spp., Castanea spp., Citrus spp., Juglans spp., Malus spp., Platanus spp., Populus spp., Prunus spp., Rosa spp., Salix spp., Tilia spp., Ulmus spp. À noter que la proximité des graminées (gazons, pelouses, prairies, talus enherbés…) constitue un milieu favorable au développement larvaire, en complément du stade adulte, ce qui est le cas, par exemple, des golfs paysagers. En 2021, aucun spécimen n’a été découvert en France.

En ce qui concerne les arthropodes piqueurs, les populations de tigre du Pieris(Stephanitis takeyai), thrips, acariens tétranyques (Tetranychus spp.) ont été assez faibles.

Les colonies de pucerons, elles, ont parfois été problématiques à cause de l’arrivée tardive des auxiliaires.

Enfin, les périodes pluvieuses du printemps ont favorisé les dégâts de limaces sur diverses plantes à massif annuelles et vivaces sensibles.

2.Espaces verts paysagers : des pathogènes préoccupants

La problématique montante des Phytophthora spp. est très liée aux hivers moins froids et plus humides qui favorisent l’inoculum primaire de ces organismes fongiformes (Oomycètes). Les périodes de chaleur estivales qui s’ensuivent entraînent une expression marquée des symptômes.

En 2021, les maladies de l’encre à P. cinnamomi sur Quercus et à P. cambivora sur Castanea ont été détectées dans des bois communaux ou des forêts périurbaines, voire dans des lotissements où des arbres ont été conservés lors de l’aménagement paysager. Mais des éricacées arbustives (Arbutus, Azalea, Erica, Pieris, Rhododendron, Vaccinium...), ainsi que des Choisya, Lavandula, Ribes, Syringa, Taxus et d’autres plantes hôtes, ont pu également subir des infections. .

La maladie de la suiede l’érable (Cryptostroma corticale) s’est manifestée dans de multiples régions, comme dans plusieurs agglomérations de la Vienne et en Charente-Maritime. Le champignon responsable a été fa­vorisé par les étés chauds et secs de 2018 à 2020.

Le chancre coloré du platane (Ceratocystis platani), qui s’était manifesté pour la première fois dans le nord de la France en 2019 à Nantes (44) et à Antony (92), ainsi qu’à Créteil (94) en 2020, a récidivé en 2021 à Villejuif (94) et à Pantin (93). Un nouveau foyer a par ailleurs été détecté au printemps 2021 à Arcachon (33). Rappelons que cette maladie réglementée est soumise à des mesures de lutte obligatoire.

Autre pathogène de quarantaine, la bactérie Xylella fastidiosa a fait l’objet de nouvelles détections dans des espaces verts paysagers, sur des talus autoroutiers ou en zones semi-naturelles, par exemple sur Cytisus scoparius, Lavandula angustifolia, Quercus ilex, Rosa canina, Prunus dulcis, Spartium junceum et Viburnum tinus en Occitanie, dans l’Aude, l’Hérault et, pour la première fois, dans le Gard. Cette maladie a aussi été détectée en Corse comme en Paca, depuis 2015.

3.Gazons sportifs : larves terricoles et dollar spot en hausse

Des dégâts larvaires de tipules (Tipula paludosa, T. oleracea) ont été observés très tôt, dès janvier-février, dans différentes zones pédoclimatiques de France métropolitaine, avec des vols abondants et très étalés. Ces ravageurs du sol constituent un problème majeur pour les greens de golf. Le changement climatique modifie la nuisibilité de ces diptères car leur prise de nourriture quasi continue ne laisse pas de répit aux gestionnaires pour les maîtriser tout au long de l’année. Si les cycles n’ont pas ou peu varié, c’est surtout le régime alimentaire des larves qui est beaucoup plus continu qu’auparavant. L’hiver ne joue plus son rôle pour limiter le nombre de générations, ce qui rend la tipule très nui­sible. La présence des auxiliaires ne suffit pas non plus à réduire les niveaux d’infestation.

Autres larves s’attaquant au système racinaire des graminées à gazons, les vers blancs de hannetons (Melolontha melolontha, Anoxia villosa) ont été très présents dans toute la France, ainsi que les chenilles de noctuelles terricoles (Agrotis spp.) dans une moindre mesure (foyers plus ponctuels et localisés au sud de la Loire). L’activité soutenue des larves attire la convoitise des corvidés, étourneaux, sangliers et blaireaux, qui vont dégrader le couvert végétal. Ces situations posent des problèmes de gestion des gazons sportifs, avec un coût de réfection souvent très important.

Certaines maladies fongiques ont également exprimé une dynamique élevée, à commencer par le dollarspot (Clarireedia homoeocarpa), fa­vorisé par les conditions humides du début d’été. Sa virulence a été exceptionnelle en 2021.

La pyriculariose (Pyricularia oryzea) a montré une nuisibilité marquée en août-septembre.

Les rhizoctonioses (Rhizoctonia spp.), le fil rouge et les ronds de sorcières ont été très présents, ainsi que les rouilles sur les hippodromes et les gazons des collectivités. L’anthracnose et les causes physiologiques (dry-patch, jaunissements, taches brunes, etc.), en revanche, se sont moins manifestées qu’à l’ordinaire sur les pelouses sportives bien entretenues.

Les graminées adventices, en particulier les digitaires, n’ont pas déro­gé à leur caractère envahissant, de même que les espèces d’origine tropicale en progression depuis plusieurs années sur les terrains de golf : Eleusine spp., Paspalum spp., Sporobolus indicus, Stenotaphrum secondatum. Enfin, la mousse (Bryum argenteum) et les algues se sont bien développées en 2021.

Jérôme Jullien

aux gestionnaires d’es­paces verts, entrepreneurs paysagistes, Laure Durand-Lagarrigue (personne ressource DGAL-SDSPV en Jevi), rédacteurs des Bulletins de santé du végétal, inspecteurs des services chargés de la santé et de la protection des végétaux (Draaf-SRAL), Plante & Cité, institut Ecoumène Golf & Environnement, Jardinerie et animaleries de France, Fredon France et les laboratoires d’analyses phytosanitaires pour leurs précieux renseignements.

© J. JULLIEN - Maladie de la suie de l’érable sycomore.J. JULLIEN

© J. JULLIEN - Phytophthora cinnamomi sur Lavandula angustifolia dans un massif.J. JULLIEN

© EFSA/ LEIVADARA ET AL. - Xylotrechus chinensis adulte, taille 15-25 mm.EFSA/ LEIVADARA ET AL.

© J. JULLIEN - Prélèvement d’échantillon symptomatique de Xylella fastidiosa subsp. multiplex sur Spartium junceum, par le SRAL Occitanie, à Fontiès-d’Aude (11).J. JULLIEN

© Ollivier DOURS/ INSTITUT ECOUMÈNE GOLF - Tipule : dégâts larvaires sur green de golf.Ollivier DOURS/ INSTITUT ECOUMÈNE GOLF

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