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Dans la Brie, premier bilanpour un projet vieux de quinze ans

À une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Paris, une parcelle de 8 000 m2 plantée en 2006 prouve qu’il faut diversifier les essences et laisser plus de place aux sujets les plus intéressants.

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C’est en 2006, alors que l’on ne parle encore guère des forêts urbaines, que la commune de Marles-en-Brie (77) a décidé de planter d’arbres une parcelle agricole d’un peu plus de 8 000 m2. L’objectif de ce bourg situé à une cinquantaine­ de kilomètres au sud-est de Paris et comptant un peu plus de 1 700 habitants était de « créer un espace­ boisé à l’entrée est du village pour réaliser une zone tampon entre un lotissement tout nouvellement sorti de terre et la plaine agricole avoisinante » et « bloquer le développement urbain vers les terres agricoles ».

La conception a été appuyée par le CAUE 77*. Le parti pris a été de planter « à forte densité (un espacement de 1,5 m), en placeaux et avec un mélange­ d’essences feuillues » (lire l’encadré). Une forte densité relative aujourd’hui – la méthode Miyawaki prônant de préférence trois plantes au mètre carré –, mais qui avait un objectif précis : « obtenir rapidement un boisement avec des arbres qui se sont développés fortement ». Planter densément limite aussi l’apparition de branches basses sur les troncs – afin d’obtenir de plus belles grumes – tout comme la concur­rence de la végétation basse.

Lier technique et économie

Le CAUE voulait aussi « réaliser, de façon peu coûteuse, un boisement pérenne, avec peu d’entretien, apportant tous les bénéfices qu’offrent les bois urbains (production d’oxygène, stockage du carbone, clima­tisation, biodiversité, paysage, loisirs…) mais également un intérêt économique ». Il a dessiné un projet de telle sorte qu’il ne constitue pas une contrainte pour les riverains et installé­ des essences dont la vente doit permettre la pérennité de la plantation. Une bande enherbée de dix mètres autour de la forêt a mis à distance les façades et laisse cir­culer facilement des véhicules. Les sujets plantés le plus près des maisons l’ont été avec des essences au faible développement, de manière que si une tempête venait à les coucher, ils n’abîmeraient pas le bâti. Les plus grandes essences, elles, sont à plus de vingt mètres.

D’excellentes reprises

Quinze ans après,un bilan de l’opération – l’une de celles autorisant le plus de recul en France – a été dressé par Augustin Bonnardot, forestier arboriste conseil au CAUE 77. Le taux de reprise des arbres a été de 95 %. Sur les huit espèces plantées, toutes adaptées à ce sol limoneux profond, une a quasiment disparu, le frêne, atteint par la chalarose. Seuls quelques sujets ont survécu. Les parcelles plantées de cette essence sont aujourd’hui occupées par des pionnières : saules, érables… Ce résultat illustre bien la nécessité de diversifier la palette.

« Compte tenu du changement climatique, nous conseillerions ac­tuel­lement, en zone urbaine, d’introduire des essences non in­di­gènes qui soient adaptées au sol et aux évo­lutions météorologiques envisa­gées », poursuit le CAUE.

La compétition interspécifique au sein de chaque placeau a été étudiée. Les chênes pédonculés se sont le plus développés en hauteur, avec des troncs droits et généralement bien fléchés. La hauteur dominante est de dix mètres, la circonférence moyenne des troncs, de 45 cm. Aujourd’hui, les chênes sessiles seraient privilégiés. Les merisiers, essences de lumière, ont également bien grandi, avec des troncs droits et bien fléchés. Leur hauteur dominante est de huit mètres, la circonférence moyenne des troncs, de 35 cm. Les érables champêtres, Acer campestris, essences d’ombre, se sont moins élevés en hauteur. Les troncs sont généralement tortueux et peu fléchés. Leur hauteur dominante est de sept mètres, la circonférence moyenne des troncs, de 30 cm…

Dépresser pour éviter les « ficelles »

Quinze ans après, « les houppiers se touchent et les arbres sont entrés en concurrence. Leur croissance est devenue plus faible. Les arbres de grand développement tels que les chênes, merisiers, alisiers et châtaigniers se sont développés en hauteur et moins en épaisseur », poursuit le CAUE 77, qui conclut que « le rapport hauteur de l’arbre-diamètre du tronc n’est pas équilibré et ces “arbres ficelles’’ pas assez trapus ne seront pas assez résistants à l’avenir­ face aux vents violents s’il n’y a pas d’opération sylvicole spé­cifique menée ».

Une conclusion qui a conduit à une opération de dépressage en février dernier, pour donner plus de place aux sujets les plus intéressants. À terme, il ne doit rester qu’un arbre tous les 80 m2. Dans cet environnement plus campagnard qu’urbain, le modèle choisi n’est peut-être pas transposable à une ville dense. Cependant, il ouvre la porte à un schéma durable, tant d’un point de vue économique que social !

Pascal Fayolle

*Conseil en architecture, urbanisme et environnement de Seine-et-Marne.

Plus d’infos sur www.arbrecaue77.fr

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