Substrats Le marché des substrats particulièrement tendu
Entre difficultés logistiques et approvisionnement complexe en matières premières, les substrats voient leurs prix flamber et les délais de livraison s’allonger.
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Interdiction d’extraction de la tourbe dans certains pays, de la sécheresse, des incendies, la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie... une multitude de facteurs, qui s’ajoutent à une forte demande, sont responsables de grandes tensions dans l’approvisionnement en substrats depuis plusieurs mois.
Les tourbières se concentrent dans quelques régions du monde : au Canada, dans les pays baltes, la Scandinavie ou encore en Russie. Très utilisée dans les substrats horticoles, la tourbe connaît de fortes tensions depuis quelques mois. En France tout comme dans d’autres pays européens, le jardinage a profité de la crise liée à la pandémie de Covid-19. Et le marché des substrats suit logiquement celui du végétal.
Une deuxième raison est l’invasion russe en Ukraine. L’embargo commercial, les sanctions et les problématiques de logistique font que peu de tourbe provenant de ces pays arrive sur le marché européen. L’augmentation des prix de l’énergie et du gaz liés à la guerre, l’inflation et le coût du transport renchérissent fortement la matière première. Une partie de la population des pays du Nord va se rabattre sur la tourbe afin de se chauffer. En effet, si elle entre aussi dans les mélanges de substrat, le plus gros des volumes est utilisé pour ses propriétés calorifiques. Le prix sera indexé sur la demande, qui risque encore de croître.
À ces facteurs s’en superpose désormais un troisième. La récolte de la tourbe, qui s’effectue normalement de mi-avril à mi-septembre, a été difficile en Scandinavie et dans les pays baltes cet été, à cause du climat. « Le niveau de récolte est très hétérogène cette année, selon les pays », témoigne Lionel Debauge, cogérant de Klasmann-Deilmann France, qui possède des tourbières en Lituanie.
Les fournisseurs ajustent leurs stratégies
Les fournisseurs – petits et grands – l’assurent, il n’y a pas de remise en cause de fabrication, les volumes seront au rendez-vous. Mais il y aura une augmentation des prix et des délais d’approvisionnement allongés. Certains anticipent en stockant. D’autres essayent plutôt d’adapter les transports aux prix de l’énergie. Klasmann-Deilmann a par exemple lancé depuis quelques années une stratégie de décentralisation afin de se rapprocher des producteurs, qui s’avère payante avec la crise.
De nouvelles usines plus proches du consommateur final sont construites, comme celle de Port-Saint-Louis-du-Rhône (13), lancée il y a deux ans. La tourbe est transportée en vrac de Lituanie par bateaux dans les usines de bord de mer, où les mélanges sont fabriqués. Puis le produit fini est envoyé par camion aux clients. Ce qui diminue la part du transport routier et l’impact écologique des substrats. « Le transport du produit fini peut représenter jusqu’à 40 % de la valeur de nos produits », explique Lionel Debauge.
Donc, pas de baisse des prix dans les mois à venir de l’aveu des fournisseurs. Si la demande a été très forte en 2021, elle a reculé en 2022, revenant à des niveaux proches de ceux d’avant la crise du Covid. La baisse devrait se poursuivre. « On pense que la demande va fléchir en 2023 », estime-t-il.
Tensions sur l’ensemble des matières premières
Mais la tourbe n’est pas la seule matière première affectée par des tensions et une hausse des prix. « Le marché du bois européen a flambé à la suite du Covid », rappelle Alain Thomas, acheteur terreau pour l’enseigne Botanic. Il commençait à se stabiliser, mais la crise de l’énergie le fait repartir à la hausse. Et les incendies qui ont eu lieu cet été ne vont pas aider. Un fournisseur de substrats pour espaces verts et pépinières rapporte une augmentation de 30 % sur le prix des écorces en un an : « On ne peut plus batailler pour les prix, il faut le faire pour le volume. »
Autres matériaux qui peuvent aussi entrer dans la composition de certains substrats : la perlite et la vermiculite. Ces deux produits, importés de l’étranger, sont de plus en plus chers. La première reste employée, notamment pour les cultures sensibles telles que le bouturage. Mais son prix suit celui du gaz, et donc augmente. L’approvisionnement de la matière première pour produire la vermiculite, essentiellement depuis l’Afrique du Sud, et son utilisation sont coûteux et gourmands en énergie. Plusieurs fournisseurs ont décidé de s’en passer.
Du fait de la demande, encore soutenue, le coût des autres matières premières, comme le compost, s’envole aussi. D’autant qu’avec les problèmes rencontrés par la tourbe et la mauvaise image associée à l’extraction de cette matière première et afin de limiter l’impact environnemental de leurs produits, certains fournisseurs augmentent leur part de matières alternatives (voir page suivante). Ces tensions et hausses des prix affectent aussi les matières premières des engrais.
En moyenne, le prix des substrats aurait augmenté chez les fournisseurs d’environ 15 à 20 % depuis le mois de janvier. Il n’y a pas de pénurie prévue, uniquement des hausses de prix et des délais augmentés. La situation est compliquée, mais pas désespérée.
Léna Hespel
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