Le chrysanthème fait de la résistance
Même si les quantités utilisées s’érodent régulièrement, cette plante, qui tient salon à Romans-sur-Isère (26) début novembre, reste un incontournable de l’automne. Elle pourrait même trouver de nouveaux usages pour illuminer massifs ou balcons.
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Parfois victime de son image vieillotte, montré du doigt pour son coût jugé trop élevé et sa faible durée de vie en cas de gel précoce, dans le collimateur d’élus écologistes – de plus en plus nombreux – qui le jugent peu compatible avec leur souci de fleurissement durable, le chrysanthème n’est plus ce qu’il était, en France. Il reste néanmoins un genre de premier plan, qui caracole encore en tête des ventes pour la Toussaint (lire l’encadré) et reste utilisé par les collectivités pour le fleurissement, même si les cascades ruisselantes de fleurs de la fin du siècle dernier sont résolument passées de mode.
Un atout pour le fleurissement d’automne
Les quantités cultivées dans l’Hexagone diminuent régulièrement et les producteurs sont moins nombreux, mais le Salon d’automne du chrysanthème, des jeunes plants et des intrants, qui aura lieu cette année au lycée horticole de Romans-sur-Isère (26), rassemble toujours tous les deux ans les principaux acteurs du secteur, producteurs ou fournisseurs.
Et si le nombre de villes qui ont recours aux belles boules ou aux massifs de fleurs lumineuses diminue également, elles sont un certain nombre à poursuivre ce fleurissement d’automne. Quelquefois un peu en catimini, comme en témoigne cet agent d’un service espaces verts d’une municipalité qui doit « passer par son maire » pour obtenir le droit de les cultiver et de les présenter aux habitants en octobre, alors que deux adjoints du conseil municipal, d’une grande sensibilité écologiste, souhaiteraient arrêter. Il note d’ailleurs un peu tristement que ces personnes ont le même sentiment vis-à-vis des annuelles… Présent dans sa ville depuis bientôt quarante ans, voyant se profiler la retraite, il est inquiet pour l’avenir de ce troisième fleurissement qui vient s’insérer entre les annuelles et les bisannuelles.
Il évoque aussi la perte de savoir-faire que représenterait un tel abandon et sait que certaines villes fleuries environnant la sienne ont dû cesser le recours aux chrysanthèmes en raison de la perte de ces connaissances nécessaires pour mener à bien ces cultures techniques. Mais grâce à son opiniâtreté, il cultive encore pas moins de 700 plantes, 500 en pots de 5 l, le reste en pyramides de 1,8 m de hauteur. Il balaie aussi du revers de la main le coût que cela représente : selon lui, cinq euros l’unité produite, ce qui n’est pas énorme pour une collectivité de la taille de celle qui l’emploie.
Une jonction entre annuelles et bisannuelles
D’autres mairies assument plus pleinement l’usage du chrysanthème. À Sens (89), une ville 4 Fleurs également (confirmée cette année, avec un prix spécial, voir sur www.lienhorticole.fr), Aurélien Loizeau ne remet pas en cause le recours à ce type de fleurissement. Il va continuer à planter 2 500 potées en pleine terre, uniquement des multifleurs, et à installer 500 pyramides ou cascades dans des emplacements bien choisis, autant de plantes qui sont cultivées au centre de production municipal.
Même son de cloche chez François Gresset, adjoint au maire d’Aubigny-sur-Nère (18), encore une ville classée 4 Fleurs au palmarès national du Conseil national des villes et villages fleuris (CNVVF), qui insère les chrysanthèmes dans l’appel d’offres passé chaque année pour l’achat de végétaux. Selon lui, son coût reste tout à fait supportable. Il estime que les plantes, installées au mois d’octobre, vont rester longtemps fleuries. Tellement longtemps que, lorsqu’elles sont enlevées, parfois au mois de décembre – au moment d’installer les décorations de Noël –, elles sont offertes aux quelque 170 participants au concours municipal des maisons fleuries. En attendant, les quelques centaines de sujets achetés chaque année permettent de proposer aux habitants de la commune un fleurissement intéressant entre les annuelles et les bisannuelles.
Vers un usage en massifs, plus tôt en saison
L’enquête que Le Lien horticole a menée fin septembre par courriel auprès de l’ensemble de ses lecteurs révèle qu’à l’avenir les collectivités désirent pour un quart réduire drastiquement les quantités. Si l’on y ajoute celles qui veulent arrêter totalement, on atteint le tiers des répondants. Mais le même tiers souhaite maintenir le nombre de plantes utilisées annuellement ! Beaucoup affirment vouloir les planter plus tôt en saison, dans le fleurissement de fin d’été. Quelques-uns sont prêts à installer davantage de chrysanthèmes. Le plus souvent, l’idée est de les utiliser en événementiel, souvent en pyramides ou en cascades.
La partie n’est donc pas perdue. Mais on est loin, dorénavant, de l’engouement pour cette plante rencontré à l’automne à Lahr, en Allemagne. Là-bas, tous les ans (sauf cette année, en raison de la crise sanitaire, mais la prochaine édition est annoncée du 22 octobre au 13 novembre 2022), un festival culturel proposant musique et spectacles a lieu durant trois semaines : Chrysanthema. Les jardiniers de la ville aménagent pour l’occasion des parterres thématiques colorés sur les places et dans les ruelles du centre-ville. La commune y fait sa promotion à grand renfort de ventes de produits dérivés. Une pagode japonaise géante en chrysanthèmes trône sur la Urteilsplatz, des girafes bariolées et le populaire paon se présentent en habit de fleurs. Des chars créés par les associations circulent dans le centre-ville. Les objets en trois dimensions sont faits main, couverts de centaines de fleurs de chrysanthèmes. Qui sait si cette initiative ne pourrait pas être reproduite en France...
Odile Maillard, Pascal FayollePour accéder à l'ensembles nos offres :