Vendre Palette végétale urbaine : quelles solutions pour demain ?
Le 6 février ont eu lieu à Paris les « Rencontres palette végétale urbaine ». Au cours de cette journée très riche de conférences et d’échanges ont été développées des idées qu'il reste à creuser : coopération entre espace public et privé, coexistence de végétaux horticoles et d'espèces sauvages, réévaluation des techniques de paysage...
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Verdir et Valhor ont organisé le 6 février dernier, au siège de la Société nationale de l'horticulture française (SNHF), la nouvelle édition des « Rencontres palette végétale urbaine ». Une journée très riche de conférences et d’échanges entre professionnels où ont été développées des idées qu'il reste à creuser, telles que la coopération entre espace public et privé, la coexistence de végétaux horticoles et d'espèces sauvages, la réévaluation des techniques de paysage parfois devenues obsolètes.
Martial Haeffelin, ingénieur de recherche du CNRS à l’institut Pierre-Simon-Laplace, a replanté le décor côté climat : « Depuis 200 ans, nous assistons à un réchauffement sans précédent, avec une hausse de température de 1,2 °C en moyenne (période de 1850 à 2020) et des conséquences multiples sur les territoires émergés comme sur les océans. » En France, le réchauffement est plus élevé (+ 1,9 °C) avec, à l’avenir, une fréquence plus importante de vagues de chaleur, de nuits tropicales (supérieures à 25 °C) et de phénomènes de sécheresses agroécologiques. Les vagues de froid seront deux à trois fois moins probables qu’au siècle passé, mais les risques de gel en période de croissance seront supérieurs. Quant aux précipitations, il faudra s’attendre à l’augmentation de la variabilité interannuelle et de la survenue de phénomènes extrêmes.
« Les choix en matière de palette végétale aujourd’hui doivent permettre aux aménageurs de la ville d'atteindre des objectifs stratégiques pour l'avenir des habitants, dans un contexte climatique qui rend les prises de décision aléatoires et incertaines », a précisé Michel Le Borgne, référent pépinière au sein de Verdir. Il a aussi pointé le rôle primordial des « producteurs de plantes environnementales » : ils sont les premiers à prendre des risques pour faire évoluer le choix de végétaux. Il y aura de la casse, mais il est possible de prendre des assurances par le biais de la diversification. « L’objectif des échanges de la journée n’est pas de proposer des listes de plantes, souvent mal utilisées par des non-sachants. Le choix des palettes végétales doit rester de l’initiative des concepteurs, en fonction du contexte et des usages de chaque projet. »
Avec Jean-Marc Bouillon, président du comité de filière Paysage de Valhor, le credo de la journée a été lancé : « Pas d’eau, pas de végétaux ! ». Les stratégies doivent impérativement s’appuyer sur de nouvelles coopérations avec les propriétaires privés et sur l’utilisation d’outils numériques, pour faire ressortir rapidement, et à l’échelon global d’un territoire, les entités les plus vulnérables ou celles propices aux solutions végétales (requêtes ciblées). En effet, la ville est composée en moyenne de 80 % de domaines privés – avec 90 % du potentiel d’infiltration et 70 % du patrimoine arboré – et seulement 20 % de domaine public, avec 10 % de potentiel d’infiltration et 30 % des arbres du territoire. La question concernant la façon de procéder a également été posée et illustrée avec l’exemple des arbres. La plantation de micro-boisements denses peut constituer des réservoirs de biodiversité, utiles pour la nature et pour créer des îlots de fraîcheur. Mais la surface de canopée créée est moindre si l’on compare à une plantation du même nombre d’arbres mais de façon dispersée, une approche plus intéressante pour améliorer le confort urbain des habitants.
Offrir le gîte et le couvert
Johanna Villenave-Chasset, docteure en entomologie et écologie du paysage (société Flor’Insectes), a donné ses conseils pour favoriser la biodiversité fonctionnelle. Tout au long de l’année, il faut offrir le gîte et le couvert aux différentes cohortes d’insectes utiles aux plantes, prédateurs de phytophages, auxiliaires, pollinisateurs, décomposeurs du sol… Bien souvent, le facteur limitant reste l’alimentation des adultes, qui diffère de celle des larves auxiliaires. Si les espèces sauvages de fleurs sont les plus favorables, certaines plantes horticoles sont aussi intéressantes, comme par exemple le fenouil, le géranium sanguin, les campanules ou les chrysanthèmes.
Avec Fergus Garret, jardinier en chef du domaine de Great Dixter, dans le sud-est de l’Angleterre, démonstration a été faite de la possibilité de créer des conditions favorables à la biodiversité en mêlant plantes sauvages et horticoles, dans une grande diversité de paysages – donc d’habitats – et sans aucun sol nu. Les études naturalistes réalisées dans le jardin démontrent la présence de près de 2 400 espèces différentes !
Diversifier à tous les niveaux
Frédéric Ségur, spécialiste de l’ingénierie de renaturation des villes (société Arbre, ville & paysage), a conforté les propos introductifs et rappelé le rôle multiservice du végétal en ville. Mais selon la problématique à gérer – améliorer le confort thermique en journée ou réduire les îlots de chaleur urbains la nuit – les réponses diffèrent. « L’approche doit être plutôt locale dans le premier cas et à une échelle plus globale dans le second. Les grands projets n’étant pas assez nombreux pour répondre à l’urgence climatique, il est nécessaire de démultiplier l’action à travers des micro-projets dans lesquels les habitants peuvent facilement s’impliquer. » Frédéric Ségur souligne aussi la nécessité de renforcer l’exigence qualitative des aménagements végétalisés, en particulier pour les plantations d’arbres. Il est aussi nécessaire de faire dialoguer conception écologique et gestion extensive, dans une approche favorable à la biodiversité et soutenable sur le plan économique pour les collectivités. Les critères prioritaires pour le choix de la palette doivent plus que jamais être centrés sur l’adaptation aux contraintes de site et à la place disponible. Les critères additionnels seront liés à la longévité, la capacité de captation du carbone, la qualité de l’air, la biodiversité et l’esthétique. « La diversification doit s’entendre non seulement en termes de palette végétale, avec une diversité génétique intraspécifique pour une meilleure capacité de résistance aux aléas, mais aussi de strates végétales et de formes de plantations. »
Développer des méthodes agiles
Les propos de Michaël Fayaud, cofondateur d’Urbasense, sur les jeux d’acteurs et de filière n’ont pas manqué d’interpeller l’assistance : « Si la filière du paysage semble la plus légitime pour développer les infrastructures vertes, indispensables à la résilience des villes de demain, d’autres filières, dans le secteur des nouvelles technologies, du BTP et des infrastructures s’y intéressent également. La filière paysage aura la place qu’elle mérite, si elle le décide et si nous sommes capables de désapprendre les concepts et techniques d’autrefois, aujourd'hui obsolètes, plus rapidement qu’on ne les a appris. » L’une des solutions proposées consiste à s'inspirer d'autres univers professionnels comme celui de l'édition de logiciels, en utilisant non plus des méthodes « en cascade » – où le projet est obsolète à la fin du processus de construction – mais des méthodes « agiles » qui invitent à se réinterroger en permanence et à faire évoluer le projet en continu, ce qui permet de mieux gérer les incertitudes et d’apprendre au fur et à mesure.
Samuel Bonvoisin, ingénieur agronome, a précisé le rôle des plantes dans le cycle de l’eau et le concept d’hydrologie régénérative, basée sur quatre principes : ralentir, infiltrer, stocker et évapotranspirer, présenté en détail dans l'article « Et si on pouvait cultiver l’eau ? paru dans Le Lien horticole n° 1130, de novembre 2023, p. 44-45.
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