INSTALLATION Paysagiste, elle a créé sa pépinière d'altitude

Le parcours professionnel de Lorraine Agofroy reflète l'évolution des métiers de l'horticulture et du paysage. Après une trentaine d'années à la tête d'une entreprise paysagiste, elle s'engage, via son propre bureau d'études et sa pépinière, à promouvoir des espaces paysagers et des jardins particuliers en lien avec leur environnement. Les notions de réduction des intrants, de diversification végétale, de biodiversité de proximité... sont au coeur de son activité.

Passionnée de jardins, depuis l'âge de 12 ans, après une visite aux floralies d'Orléans, elle a suivi un BTA horticulture « production florales », puis l'École supérieure d'architecture, des jardins et du paysage (ESAJ), à Paris, d'où elle est sortie diplômée architecte paysagiste en 1977.À la suite d'un premier poste en Bretagne, elle a rejoint l'Isère où elle a travaillé pendant un an pour un bureau d'études du paysage à Saint-Marcellin : « Ce poste ne me convenait pas. C'était essentiellement un travail de gratte-papier avec très peu de connexions sur le terrain », reconnaît-elle. Elle a ensuite trouvé ses marques chez Paquet paysage, à Grenoble, durant quatre ans. En 1982, elle a quitté Paquet paysage pour s'installer avec son mari à Crolles. Elle gérait le secteur créations (contact clients, étude des projets, chiffrages, suivi des chantiers) et son mari se consacrait à l'entretien. Leur entreprise, Raymond Paysage, a compté jusqu'à six salariés et s'est intéressée, au début des années 2000, à la démarche zéro phyto. Parallèlement, Lorraine Agofroy a occupé un poste de formatrice au CFPPA de Saint-Ismier, de 1997 à 2011.

La création d'un bureau d'études

En 2010, le couple s'est séparé. Lorraine Agofroy a décidé de changer de cap en créant le bureau d'études Agrostis. Elle s'est spécialisée dans les nouveaux modes d'entretien des espaces verts et jardins particuliers : gestion différenciée, désherbages alternatifs, gestion des déchets verts, fleurissement pérenne. « Aujourd'hui, je travaille essentiellement auprès des collectivités pour l'étude de plans de désherbage, de gestion différenciée et de fleurissement. Mes clients vont des grandes collectivités pour lesquelles je réponds aux appels d'offres avec un ou deux autres bureaux d'études sous forme de groupement conjoint solidaire, jusqu'aux très petites communes. Pendant trois ans, j'ai collaboré avec la communauté de communes du sud Grenoblois en tant qu'assistante maître d'ouvrage et animatrice d'ateliers chez les particuliers sur le thème Jardiner au naturel. » Et Lorraine Agofroy entend faire partager plus largement son expérience : elle participe à la réécriture du guide de gestion raisonnable du conseil général de l'Isère. Elle est régulièrement sollicitée pour des conférences sur la réduction des déchets verts ou la suppression des pesticides... Depuis 2012, elle est auditrice pour le label Ecojardin® dans les régions de l'est, en Rhône-Alpes, et sur l'arc méditerranéen. Elle participe également, en tant qu'expert bénévole, au programme Jardiner autrement, de la SNHF (Société nationale d'horticulture de France). Et elle est, en outre formatrice, vacataire à la faculté de Grenoble pour la licence III « gestion des aménagements paysagers ».

Toutes ces activités n'ont pas empêché Lorraine Agofroy de faire émerger un projet qui sommeillait depuis une trentaine d'années : créer une pépinière d'altitude. En 2011, elle fonde sa petite exploitation de production à Autrans (38), sur le plateau du Vercors, à 1 050 m d'altitude, sur une parcelle de 2 000 m². La production est centrée sur la culture des plantes résistant au climat montagnard. « On ne compte plus les échecs avec des végétaux achetés à basse altitude qui, plantés en montagne, ne résistent pas au premier hiver. Avec des plants cultivés en altitude, je peux conseiller des aménagements d'automne qui restent beaux durant la saison estivale. » Les vivaces sont toutes produites sur site et ne sont commercialisées qu'après une année de végétation dont un hiver en plein air sans protection. Les arbustes sont issus de jeunes plants d'un an produits « en plaine ». Avant leur commercialisation, tous auront passé une année complète, voire deux, dans la pépinière pour être acclimatés. Tout est cultivé sans pesticides ni engrais issus de la chimie de synthèse, et dans un contexte favorable aux auxiliaires naturels. Le site est classé refuge LPO par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), et Jardin de Noé (le programme Jardins de Noé vise à créer un réseau national d'espaces dédiés à la biodiversité de proximité et une communauté de jardiniers éco-responsables). Les premières plantes ont été commercialisées en 2013. Les ventes se déroulent sur les foires ou sur les marchés, dans le Vercors et les environs, et également à la pépinière. « Pour m'installer, j'ai bénéficié d'indemnités sous forme de capital pour les premiers investissements de la pépinière, et de l'Accre (aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise) pour un abattement de charges destiné au bureau d'études. »

La pépinière sert également de support à une activité de conseil aux particuliers pour l'aménagement et l'entretien de leur jardin. « La pépinière et cette activité de conseil ne sont pas rentables financièrement mais ce qui me motive c'est le fait de pouvoir transmettre des valeurs essentielles et mener un travail manuel en lien direct avec la terre, ce que le bureau d'études ne me permet pas. Avoir les mains dans la terre a toujours été nécessaire à mon équilibre. »

Claude Thiery