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HPF aide les producteurs à se projeter dans le futur

« La stratégie, c'est se donner des ouvertures. C'est se donner des outils pour voir vers où on peut aller, quels moyens et compétences on peut se donner pour atteindre ces objectifs, de quel accompagnement on a besoin... », résume Richard Laizeau, formateur pour le réseau de producteurs détaillants HPF.

Comment prendre de la hauteur et acter les bonnes décisions dans une période difficile ? Face aux nombreuses questions des producteurs, le réseau HPF propose une formation consacrée à la stratégie d'entreprise. Objectif : (re)trouver le maximum de marges de manoeuvre.

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Depuis plus de dix ans, le réseau des Horticulteurs et Pépiniéristes de France (HPF) a décidé d'investir dans la formation de ses chefs d'entreprise et de leurs salariés. Grâce à un partenariat actif avec le Vivea (Fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant) et le Fafsea (Fonds national d'assurance formation des salariés des exploitations et entreprises agricoles) des Pays de la Loire, un premier cycle de formation « Vente directe » de 8 jours a été proposé et suivi par plus de 200 entreprises.

Se poser les bonnes questions

En 2014, un nouveau module de 6 jours, sur la « Gestion et stratégie d'entreprise » a vu le jour. Ce dernier a été testé par une douzaine de producteurs de la région Pays de la Loire et par 11 collègues de la région Champagne-Ardenne en 2015.

Pour 2016, deux autres régions ont déjà programmé cette formation (en cours de validation par les fonds de financements). Richard Laizeau, le formateur retenu par le Vivea et le Fafsea des Pays de la Loire, explique en quoi consiste la formation « Gestion et stratégie d'entreprise ». Il se base sur son expérience dans diverses entreprises d'autres secteurs (banque, conseil, commerce...), sur celle acquise depuis 2007 au cours de formations auprès d'agriculteurs (engagés dans l'agriculture biologique), et sur sa situation actuelle d'arboriculteur, en Vendée.

Les formations permettent d'échanger avec d'autres producteurs, de comparer les problèmes et les solutions. Que (re)découvrent-ils à ces occasions ? D'emblée, que le prix de revient, c'est l'essentiel pour bien fonctionner ! Que le prix de vente permettra d'intégrer une trésorerie et de gérer sereinement un fond de roulement. Tous les maillons de la chaîne sont importants. Si un fournisseur est payé très tardivement ou si un client paie très tardivement, c'est toute la filière qui se grippe.

Les formations permettent aussi de se poser les bonnes questions, de regarder les bons repères. Qu'un producteur soit dans une situation délicate (économique, psychologique) ou qu'il mène à marche forcée la vie et l'évolution de sa société, qu'il soit en phase de cession ou reprise d'un établissement, il doit gérer de plus en plus de casquettes : la technique, les matériels et équipements, les démarches commerciales et la clientèle, la comptabilité, le management... Et ce avec beaucoup d'expertise. Difficile, dans ce contexte, de « sortir la tête du guidon ». Mais ces aspects ne doivent pas faire peur.

Le « boulot d'un patron », ce n'est pas de prendre des décisions intuitives, sous la pression ou le stress. La stratégie d'entreprise intègre l'analyse des comptes de résultat, les prospectives, la gestion... Elle ne peut se réussir qu'après avoir réfléchi, pour prendre un peu de hauteur.

L'analyse du prix de revient est un élément incontournable pour la gestion d'une entreprise de production et pour une bonne approche stratégique. « Si tout est bien rôdé et carré en amont des filières agricoles, dans l'industrie ou chez les distributeurs, par exemple, cette donnée n'est que très peu intégrée et très peu maîtrisée en agriculture », regrette Richard Laizeau. « Le prix de revient réel est ce qui permet de dégager de la trésorerie et des marges pour apporter de la valeur ajoutée à son travail, puis de prendre rapidement des décisions avisées pour investir, renouveler un matériel performant, choisir un équipement mieux adapté, pour augmenter le salaire d'un employé afin de le fidéliser, ou pour embaucher... Attention donc à ne pas sous-estimer ni brader ses prix de vente. Sinon, c'est l'avenir qui est compromis. D'autant que les détaillants n'ont souvent pas la structure ni l'envergure pour jouer. Et ne cherchez pas à concurrencer les voisins par des prix plus bas que bas : vous joueriez avec vos propres faiblesses. Valorisez plutôt vos forces, vos atouts », poursuit-il.

Se donner des ouvertures

Un chef d'exploitation ne doit pas seulement se reposer sur son centre de gestion. La mission première de ces établissements est de traiter les données comptables, les aspects sociaux (charges sociales) et fiscaux (taxes, impôts...). Ils ont une approche réglementée et légale. Souvent, dans les prestations classiques, ils n'ont pas le temps d'aider à faire de l'analyse ni de la gestion prévisionnelle. Ils n'ont pas non plus forcément les éléments en lien concret avec la réalité du terrain. Par exemple, le calcul des amortissements de matériels se base sur une durée légale ; or la réalité d'utilisation est toute autre. Si on n'intègre pas ces données, le remplacement d'un vieux tracteur sera difficile car les comptes classiques n'auront pas intégré de réserve financière ni de capacité d'autofinancement. Les marges d'autonomie seront trop exsangues. Et le problème se démultiplie par autant de matériels et d'équipements qui doivent être renouvelés...

Une approche strictement comptable n'est donc pas suffisante. Or, de nombreux producteurs témoignent qu'un suivi personnalisé par leur centre de gestion serait trop onéreux. Les formations scolaires horticoles n'ont pas été, et ne sont toujours pas suffisamment poussées pour pouvoir être à l'aise avec la gestion prévisionnelle. D'où la demande d'outils d'aide au pilotage, et la proposition de formations comme éléments complémentaires aux chiffres. L'outil « tableau de bord » proposé permet, dans un premier temps, aux participants d'aborder leurs raisonnements de façon globale, avec une vision plus fine et plus complète de leur fonctionnement, pour faire leur autodiagnostic.

Cette approche ouvre tous « les champs des possibles » : « À partir de ma situation d'aujourd'hui, je m'octroie la liberté d'envisager ce que j'aimerais pour ma société demain. Même si mon contexte est, a priori, négatif. En stratégie d'entreprise, nous travaillons justement sur la notion de rêve : "Comment moi, chef d'exploitation, je me vois demain ? Qu'est-ce que j'aimerais mettre en place ? Je m'accorde le droit de tracer un profil de ce que je veux, et même un idéal. La stratégie, c'est de se donner des ouvertures, des outils pour voir où on peut aller, quels moyens et quelles compétences on peut déployer pour atteindre ces objectifs, et de quel accompagnement nous avonsréellement besoin. » L'approche stratégique est d'autant plus importante dans le cas où on envisage une cession-transmission-reprise d'entreprise, par exemple si on part à la retraite sans successeur pressenti. La rentabilité effectiveapporte de la valeur à l'établissement et des perspectives d'évolution. Dans le cas contraire, la situation peu engageante fera fuir un éventuel repreneur.

L'expérience actuelle du formateur, d'HPF, et de certains participants permet d'envisager des actions simples, concrètes, logiques... et de prendre le temps de s'élever. « Tous y voient plus clair. En autonomie, chacun est capable, avec si besoin un peu de conseils, de faire des choix qui lui correspondent, de réfléchir autrement, et de construire son propre bonheur », conclut Richard Laizeau, confiant !

Odile Maillard

Le remplacement de matériels et équipements se prévoit avec une réserve financière ou une capacité d'autofinancement. Les seules lignes comptables d'amortissement ne coïncident pas toujours avec la vétusté réelle.

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