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Un « chasseur d'écorces » au service de la filière horticole

« Je réalise uniquement des photos à la lumière du jour, sans aucun filtre. Curiosité et patience me permettent de dénicher l'arbre idéal, de repérer le moment où l'éclairage naturel est le plus favorable », explique Cédric Pollet.

Ingénieur-paysagiste, photographe-botaniste, Cédric Pollet se passionne pour les écorces. Son travail, artistique tout autant que scientifique, est une contribution précieuse à la connaissance des essences.

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Faire de son métier et de ses connaissances une passion, et de sa passion des métiers complémentaires... Cédric Pollet l'a tenté. Sans l'avoir prémédité, il apporte aujourd'hui à la filière horticole une connaissance étonnante sur le monde des arbres. Ingénieur paysagiste (Isara Lyon – école d'ingénieurs en alimentation, agriculture, environnement et développement rural –, et ENITHP Angers – École nationale d'ingénieurs des travaux d'horticulture et paysage), il n'a pas suivi une voie classique.

Durant sa formation au département d'horticulture et de paysage de l'université de Reading au Royaume-Uni, la visite d'un jardin anglais l'a conduit au pied d'un chêne pluriséculaire. Son aspect « tourmenté » lui a révélé un monde jusqu'alors totalement inconnu. De là est née sa passion pour les écorces. En autodidacte, il a réalisé ses premiers clichés en argentique, avec de réelles surprises au moment des tirages qui ont stimulé son imagination. S'en sont suivies de multiples observations et recherches.

Depuis 1999, il a parcouru près d'une trentaine de pays pour des expéditions botaniques. En 2002, il a été lauréat des bourses « Déclic jeunes » de la Fondation de France et « Défi jeunes » du ministère de la Jeunesse et des Sports. Au fil des aventures, il est devenu photographe-botaniste-chasseur d'écorces. Il a identifié environ 500 espèces, communes ou rares, toutes à écorces remarquables (feuillus, conifères, palmiers, bambous, fougères, succulentes arborescentes...). Sa photothèque comprend désormais plus de 20 000 clichés botaniques.

Trois ouvrages

POUR LA RECONNAISSANCE DES ESSENCES ET L'UTILISATION EN PAYSAGE

La richesse des couleurs, des reliefs, des textures et des graphismes naturels, sa persévérance, son approche à la fois scientifique et artistique l'ont incité, en 2008, à éditer un premier ouvrage, Écorces, voyage dans l'intimité des arbres du monde, avec plus de 400 photographies prises sur les cinq continents. Publié aux éditions Ulmer, il a été traduit en anglais, allemand et japonais. À 35 ans, Cédric Pollet sort cet automne, toujours aux éditions Ulmer, son deuxième livre, Écorces, galerie d'art à ciel ouvert, plus graphique et esthétique, avec plus de 450 photos d'écorces de plus de 250 espèces, dont une partie d'arbres communs, et plus des trois quarts prises en France et au Royaume-Uni. Les deux ouvrages font déjà référence. Ils sont une initiation à la diversité des écorces, utiles pour la reconnaissance des essences, tant pour les jeunes en formation que pour les professionnels en activité et notamment les paysagistes et architectes qui ont à penser « couleur » pour leurs créations. D'autant plus utiles que très peu de choses existaient jusqu'alors en littérature horticole sur le sujet.

Son travail se poursuivra avec un troisième titre, Écorces, palette de couleurs dans les jardins d'hiver, à paraître d'ici à l'automne-hiver 2014. Dans cet ouvrage, il insistera sur le rôle pictural des écorces, leur utilité et leur valeur esthétique dans la conception des jardins d'hiver.

La pédagogie

POUR TRANSMETTRE LA PASSION DES ÉCORCES

Sa passion pour les arbres l'entraîne à présent vers de multiples activités : ateliers pédagogiques (adaptés à tous les niveaux dès le primaire), avec des valises pédagogiques ou « boîtes à écorces », sur les bois colorés ou odorants, écorces, fruits et graines remarquables. Une brochure et un « Sentier des écorces » ont mis en avant les plus surprenantes écorces du Jardin Thuret, à l'Inra d'Antibes. Des conférences-diaporamas montrent des clichés grand format, en France ou à l'étranger. Par ailleurs, son site Internet, www.cedric-pollet.com, propose des vidéos et des galeries de photos.

Depuis 2001, près de soixante-dix expositions, fixes ou itinérantes, de photos prises en intérieur et en plein air ont eu lieu notamment dans des jardins botaniques, arboretums, écoparcs et écocentres... en France et aux États-Unis. Une dizaine d'autres est déjà prévue en France, aux États-Unis, en Angleterre.

Le travail de Cédric Pollet n'a pas de frontières... Ses photographies inspirent aussi des stylistes (tissu, cuir), un bijoutier, un chocolatier, des mosaïstes, des sculpteurs, des designers...

La tenacité

POUR EXERCER UNE ACTIVITÉ ATYPIQUE

Autant d'opportunités qui lui permettent d'aider chacun à ouvrir les yeux sur un monde à notre portée, mais aussi de révéler la diversité et la créativité picturales infinies des plantes...

Cédric Pollet montre aussi qu'il est possible de repousser les limites professionnelles en suivant un parcours atypique centré sur une passion. « Mon métier consiste à observer ce que les arbres ont à nous montrer... C'est le rêve de vivre de sa passion ! On peut trouver un équilibre quasi parfait dans sa vie. C'est un plaisir de se lever tous les jours pour travailler, parfois plus de 70 heures par semaine, sans jamais compter son temps. Je le souhaite à tout le monde... Mais pour y arriver, c'est extrêmement difficile. Il faut être très rigoureux, très exigeant et très pointu pour devenir quasi unique dans son domaine, sortir du lot et donc être remarqué. Il faut savoir être patient (j'ai commencé en 1999 et c'est seulement neuf ans plus tard que j'ai commencé à en vivre), avoir les reins solides, croire en ce que l'on fait et en ce que l'on veut, avoir aussi de la chance et un brin de talent, mais ne jamais se décourager... C'est quand même un vrai parcours du combattant ! Ma passion pour les arbres et mon bagage scientifique m'ont permis d'atteindre mon objectif... Si j'avais un conseil à donner à ceux qui souhaitent sortir des sentiers battus, ce serait le suivant : si on a une passion et que l'on souhaite percer pour en vivre, il faut s'investir à fond, c'est-à-dire à 300 %, être patient et consentir beaucoup de sacrifices, tout en restant le plus humble possible... Le travail paie toujours. Tôt ou tard, on récolte ce que l'on a semé... », souligne Cédric Pollet.

Odile Maillard

Betula utilis : ce bouleau himalayen est originaire du Sichuan, en Chine.

Eucalyptus deglupta : cet eucalyptus arc-en-ciel a été photographié aux Philippines, en Indonésie.

PHOTOS : CÉDRIC POLLET

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