Point d'étape sur les dossiers du Grenelle de l'environnement
Trois ans après le lancement du Grenelle de l'environnement, quelles sont les avancées et les priorités concernant les filières agricole et horticole ?
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La loi Grenelle 2 officialise divers engagements relatifs à l'environnement. Six priorités ont été fixées pour l'agriculture : la réduction et la sécurisation de l'usage des produits phytosanitaires (plan Écophyto 2018) ; la certification environnementale des exploitations ; le développement de l'agriculture biologique ; l'information du consommateur à travers l'affichage ; la performance énergétique ; la protection des milieux.
Usage des « phytos »
RÉDUCTION ET SÉCURISATION
Le plan Écophyto 2018 vise à réduire de moitié, d'ici à 2018, l'usage des produits phytopharmaceutiques en agriculture, en réponse à plusieurs enjeux : restaurer la qualité des milieux (eau, sol..), renforcer la durabilité des systèmes de production et s'orienter vers une agriculture de qualité, limiter les phénomènes de résistance par des approches moins dépendantes des phytos, réduire l'exposition des hommes et de l'environnement aux phytos et en sécuriser l'application. Le plan s'inscrit dans la continuité du sixième programme communautaire d'action pour l'environnement. Pour réaliser ses objectifs, les pouvoirs publics s'appuient sur quatre leviers : la formation Certiphyto, la réglementation, la prévention et la démonstration.
Formation Certiphyto : pour l'agrément des entreprises et la certification des personnes. Le décret est sorti le 18 octobre 2011. D'ici à 2013, tout distributeur ou conseiller en produits phytosanitaires devra justifier d'un certificat individuel attestant de ses connaissances sur l'usage raisonné des produits phytopharmaceutiques, complété par un agrément de sa structure. Pour les producteurs, l'échéance est fixée à 2014. La phase pilote a déjà permis de former 130 000 exploitants au cours de modules de deux jours portant sur le respect de la réglementation, les bonnes pratiques d'utilisation, la connaissance des méthodes alternatives pour limiter le recours aux produits phytos. Les fonds Fafsea et Vivea (fonds pour la formation continue, respectivement pour les salariés et pour les responsables d'exploitation) sont mobilisés pour former l'ensemble des exploitants et salariés agricoles concernés.
Volet réglementaire : politique de l'eau et réglementation phytosanitaire. Le Grenelle 2 renforce les mesures existantes concernant la politique de l'eau, notamment pour la protection des aires d'alimentation de captages d'eau potable. Il systématise l'installation de bandes enherbées d'au moins 5 mètres le long des cours et plans d'eau. Les pouvoirs publics ont poursuivi les retraits d'autorisation de mise sur le marché de produits formulés à base de matières actives les plus préoccupantes (53 depuis 2008), et assoupli les conditions de mise sur le marché des produits alternatifs et substances jugés « peu préoccupants ». Sauf dérogation pour le traitement de certains organismes nuisibles sur des cultures spécifiques, l'épandage aérien des produits phytopharmaceutiques est interdit. Enfin, l'usage de produits phytosanitaires dans les espaces utilisés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables est fortement restreint.
Volet prévention : surveillance biologique du territoire. La surveillance biologique du territoire a pour objet de suivre l'état sanitaire des végétaux et de surveiller l'apparition et le développement des bioagresseurs, ainsi que d'éventuels effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l'environnement. Des réseaux régionaux d'épidémiosurveillance réunissant responsables d'entreprise, conseillers, stations régionales de l'Astredhor, services de la protection des végétaux et Fredon ont été mis en place sous la présidence des chambres régionales d'agriculture. Ils collectent les observations ensuite publiées dans un bulletin de santé du végétal (BSV) sur les sites des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf). Les BSV, outils d'alerte et d'aide à la décision, permettent aux producteurs de traiter en fonction de risques d'apparition des ravageurs et non plus de manière systématique. Des réseaux identiques se mettent en place dans les zones non agricoles (ZNA) : ZNA professionnelles (entreprises et collectivités), gazons (terrains de sport, golfs...) et jardins d'amateurs.
Volet démonstration : réseaux d'expérimentation et de démonstration Dephy. Il s'agit d'apporter la preuve par l'exemple que des systèmes de production économes en pesticides existent et sont viables grâce à l'établissement de réseaux régionaux de références et de démonstrations. Ces réseaux se structurent à deux niveaux : l'expérimentation de nouveaux itinéraires ou pratiques (Dephy-Expé) ; la démonstration et l'acquisition de références technico-économiques en exploitation (Dephy-Ferme). Plusieurs structures d'expérimentation et de développement régionales se sont portées volontaires pour établir de tels réseaux pour l'horticulture ornementale et la pépinière.
Certification environnementale
LES EXPLOITATIONS ENGAGÉES
De nombreux agriculteurs sont engagés dans des pratiques respectueuses de l'environnement. La certification environnementale HVE répond au besoin de les identifier et de les valoriser en rendant leurs démarches plus efficaces pour l'environnement et plus lisibles pour la société. Le dispositif comporte trois niveaux : l'autodiagnostic interne (niveau 1) ; la certification de moyen = code de bonnes pratiques (niveau 2) ; la certification de résultat dite « à haute valeur environnementale » (HVE) avec indicateurs quantitatifs d'impact (niveau 3). Le Grenelle a comme objectif d'engager 50 % des exploitations agricoles dans la certification HVE d'ici à 2012. Le décret d'application a été signé le 20 juin 2011. Il fixe les conditions d'accès aux trois niveaux de certification et les indicateurs quantitatifs retenus pour le niveau 3.
Le décret prévoit deux options d'évaluation au choix. En « A », l'entreprise doit obtenir un minimum de 10 points sur chacune des quatre thématiques suivantes : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation, gestion de l'irrigation, chaque thématique comportant un ensemble d'indicateurs. En « B », l'entreprise doit respecter deux indicateurs synthétiques : avoir au moins 10 % de sa surface cultivable en infrastructures agro-écologiques (surfaces naturelles non traitées) et ne pas dépasser 30 % d'intrants dans le chiffre d'affaires. Ces indicateurs agricoles n'étant pas adaptés à la production intensive ornementale, l'interprofession Valhor en proposera de plus adaptés à nos métiers dans le cadre de la certification horticole Plante Bleue (à venir au premier semestre 2012 une série d'articles dans le Lien horticole sur les sept points de cette certification). Une commission nationale d'homologation vient d'être mise en place pour évaluer les démarches de certification agricoles déjà existantes (MPS, ISO 14000...).
Agriculture biologique
UN ENCOURAGEMENT
Cette politique passe par un encouragement à l'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans les cantines, mais également par l'attribution préférentielle des parcelles d'agriculture biologique aux exploitants bio.
Information du consommateur
AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL
Des groupes, avec l'Ademe-Afnor, travaillent à la définition d'indicateurs représentatifs de l'impact environnemental de chaque type de produit. Le groupe « jardin » a auditionné les responsables des deux certifications horticoles, Plante Bleue et MPS-ABC, pour étudier leur possible contribution aux indicateurs d'impact pour les végétaux.
Plan de performance énergétique (PPE)
RÉDUIRE LA DÉPENDANCE
Le PPE vise à « accroître la maîtrise énergétique des exploitations afin d'atteindre 30 % d'exploitations agricoles à faible dépendance énergétique d'ici à 2013 ». Il permet de financer les diagnostics de performance énergétique (DPE), ainsi que certains investissements liés aux économies d'énergie et à la production d'énergie renouvelable. En horticulture, sont concernés les échangeurs thermiques, les systèmes de régulation liés au chauffage et/ou à la ventilation des bâtiments, l'isolation des locaux, les équipements et réseaux à usage agricole, les chaudières biomasse (sans crédits d'impôt). Chaque région peut ajuster les postes éligibles en fonction de ses enjeux prioritaires.
Aménagement du territoire
PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ
Trames verte et bleue. Cet outil d'aménagement du territoire est destiné à lutter contre la fragmentation des milieux naturels en préservant ou rétablissant des continuités écologiques entre eux par des « corridors » écologiques, terrestres et aquatiques. Les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité intégreront les espaces protégés déjà identifiés par la politique de l'eau (zones à enjeu écologique, cours d'eau, zones humides). Définies dans des schémas régionaux de cohérence écologique sur la base d'une cartographie des milieux et des espèces, les continuités écologiques seront intégrées dans les politiques d'urbanisme. Un comité national vient d'être mis en place pour assurer la cohérence du maillage sur tout le territoire national. Les agriculteurs y seront représentés par l'APCA (assemblée permanente des chambres d'agriculture). La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) reste vigilante sur l'application de ces mesures afin que la mise en oeuvre des continuités écologiques ne se fasse pas aux dépens des surfaces agricoles. Elle indique que les agriculteurs sont déjà des acteurs majeurs de la continuité écologique du territoire par les prairies permanentes, les haies et autres bandes enherbées.
Lutte contre l'étalement urbain et l'artificialisation des terres. Le code de l'urbanisme fixe aux politiques publiques des objectifs de limitation de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers en luttant contre l'étalement urbain. Les collectivités locales devront rédiger un projet d'aménagement et de développement durables (PADD) précisant les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et les sites naturels, agricoles et forestiers à préserver. Par ailleurs, le plan d'action « Restaurer et valoriser la nature en ville », en cours d'élaboration, vise à mieux prendre en compte le végétal et la nature dans la politique de la ville.Critères de responsabilité sociétale pour les achats publics. Le code des marchés publics permet aux collectivités d'intégrer des critères environnementaux, économiques et sociaux dans leurs consultations et cahiers des charges d'exécution (livraison/emballage en vrac plutôt qu'en petit conditionnement, récupération ou réutilisation des emballages, produits bio, certifications, par exemple).
S'il présente des contraintes pour les agriculteurs, ce mouvement vers une « croissance verte » recèle aussi de nombreuses opportunités : réduction de la dépendance technique et économique aux intrants de synthèse, meilleure protection des espaces agricoles, renforcement du végétal en ville, valorisation des productions de qualité et de proximité... Autant de voies à explorer en participant aux nombreuses instances de concertation mises en place aux niveaux local et régional.
Marie-Françoise Petitjean, chargée de mission BHR, coordinatrice MPS-France ; Maud Dubois, conseillère BHR ; Mélanie Loubaud, conseillère BHR
Pour en savoir plus : - www.legrenelle-environnement.fr - www.astredhor.fr (structures régionales du réseau).
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