Quand ascension rime avec réglementation
Arboriste-grimpeur. Ce métier à haut risque est soumis à plusieurs législations destinées à prévenir les accidents. Autant de textes qui reconnaissent les spécificités de cette jeune profession.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Il aura fallu attendre près de trente ans pour que la spécificité des élagueurs-grimpeurs professionnels, évoluant dans les arbres à l'aide de cordes, soit reconnue dans la réglementation sur le travail en hauteur. Explication de texte sur les principaux décrets et autres arrêtés en vigueur aujourd'hui.
Un métier récent
UNE RÉGLEMENTATION NON ADAPTÉE
Le métier d'élagueur-grimpeur, dit aussi d'arboriste-grimpeur, est relativement récent puisqu'il n'est apparu en France qu'au milieu des années 80, en provenance des pays anglo-saxons. Les professionnels qui le pratiquent évoluent dans le houppier des arbres à l'aide de cordes pour tailler les branches, supprimer le bois mort, poser des haubans ou effectuer des opérations de démontage (abattage par tronçons depuis la cime). Ces techniques ont permis de faire évoluer les travaux d'entretien des arbres d'ornement dans le sens d'une meilleure prise en compte du contexte paysager et d'un plus grand respect de l'architecture et de la biologie du végétal. Mais c'est un métier à haut risque, car il combine différents facteurs aggravants en cas d'accident : l'utilisation d'outils coupants (tronçonneuses, scies, broyeurs au sol), la manipulation d'objets lourds (branches, billots de bois), le travail en hauteur (risque mortel en cas de chute).
Si, depuis trente ans, les techniques et le matériel ont considérablement évolué pour plus de confort au travail et pour une plus grande sécurité, il a fallu attendre le début des années 2000 pour voir apparaître dans les textes de loi une reconnaissance de la spécificité du métier et proposer des dispositions particulières adaptées à son exercice. Auparavant, l'interprétation de ces textes par des inspecteurs non familiarisés avec le métier, notamment en cas de contrôle, pouvait prêter à des discussions complexes et à des conclusions inappropriées.
Arrêté du 4 août 2005
UNE VÉRITABLE AVANCÉE
C'est la transposition en droit français dans le code du travail de la directive européenne de 2001 sur les travaux temporaires en hauteur (décret du 1er septembre 2004) et surtout de l'arrêté du 4 août 2005 qui a permis de distinguer les professionnels arboristes-grimpeurs des autres professionnels oeuvrant dans le domaine du travail en hauteur. En effet, rien à voir en termes de complexité de déplacements et de diversité de mouvements, entre un peintre en bâtiment ou un éclairagiste et un arboriste !
Avec l'aide de Christian Ambiehl, formateur en charge du certificat de spécialisation « Taille et soins des arbres » au CFPPAH de Saint-Germain-en-Laye (78) et co-auteur de l'ouvrage Mémento de l'arboriste - L'arboriste-grimpeur (volume 1) une explication de texte permet de rendre plus limpide cette nouvelle réglementation.
« Le décret du 1er septembre 2004 définit, de façon générale, les mesures de prévention à prendre lors de l'exécution des travaux temporaires en hauteur. L'article R 233-13-17 traite en particulier des techniques d'accès et de positionnement au moyen de cordes. Ces techniques impliquent l'usage de deux cordes : une corde de travail, dite aussi corde de rappel ; et une corde de sécurité, équipée d'un dispositif antichute accompagnant les déplacements du travailleur », souligne Christian Ambiehl. « Une dérogation existe lorsque des circonstances spécifiques rendent l'utilisation d'une seconde corde plus dangereuse, à condition que le travailleur concerné ne soit jamais seul (article R 4323-90). L'arrêté du 4 août 2005 identifie les travaux réalisés dans les arbres à l'aide de cordes comme constituant une circonstance exceptionnelle, rendant acceptable l'utilisation d'une seule corde. En effet, l'usage de deux cordes favorise leur enchevêtrement, problématique pour les grimpeurs. En outre, les frottements entre cordes sont dangereux car ils provoquent des détériorations de celles-ci. Cet arrêté définit également les mesures compensatoires de sécurité de nature à prévenir les chutes de hauteur. Elles concernent notamment la mise en place d'un système d'ancrage complémentaire évitant que l'opérateur ne chute d'une hauteur de plus de 1 mètre si son ancrage principal venait à céder », poursuit-il. En juin 2007, une note de service a été rédigée par un groupe de travail composé d'organisations professionnelles, de centres de formation et de la MSA, sous l'égide du ministère de l'Agriculture. Elle a eu pour objectif d'expliciter les modalités d'application de l'article R 233-13-17 du code du travail et de l'arrêté du 4 août 2005.
Elle détaille en particulier les équipements de protection individuelle adaptés, les cordes et le matériel de grimper, les modes d'ancrage dans l'arbre pour prévenir les chutes, les circonstances dans lesquelles l'utilisation d'une nacelle est indiquée. Afin de prendre en compte la dangerosité du métier, la nécessité d'installer un système d'accès rapide dans l'arbre, indépendant de celui utilisé par l'arboriste-grimpeur et permettant aux secours d'accéder facilement au blessé, celle de posséder un kit spécifique pour le secours aérien et une formation d'assistance au blessé dans l'arbre ont également été soulignées.
Dernière réglementation d'importance pour le domaine de l'élagage : le décret du 10 octobre 2008, qui impose les mêmes règles de sécurité aux travailleurs indépendants et aux chefs d'entreprise exerçant directement l'activité d'arboriste-grimpeur qu'aux salariés de ce secteur.
Nouvelles exigences réglementaires
RESTE À S'ADAPTER ET À SE FORMER
La sensibilisation et la formation des professionnels permettent une meilleure appropriation de ces changements réglementaires. Tous sont concernés : arboristes, formateurs, mais aussi responsables de prévention à la MSA ou inspecteurs du travail.
Différentes actions ont été et sont menées dans ce sens sur le territoire national. Ainsi, en 2007 et 2008, la majorité des inspecteurs du travail ayant des entreprises du paysage et d'élagage dans leur secteur ont pu suivre une journée d'information dispensée par les centres de formation spécialisés en élagage tels que le CFPPAH de Saint-Germain-en-Laye, le CFPPA de Tours Fondettes ou le CFPF de Châteauneuf-du-Rhône. Ces mêmes centres proposent aussi, chaque année, des sessions de remise à niveau sur l'aspect législatif pour les arboristes-grimpeurs ayant suivi leur certificat de spécialisation (CS « Taille et soins des arbres ») avant 2009, date à laquelle les programmes de formation ont été mis à jour. Nombreux sont encore ceux qui ignorent ces nouvelles dispositions et viennent suivre un stage à la suite d'un contrôle par l'inspection du travail.
Pour élargir la cible des professionnels touchés, le centre de Saint-Germain-en-Laye distribue un livret sur les principaux textes en vigueur à chaque stagiaire participant à un stage court touchant de près ou de loin à l'élagage.
En 2009, avec le concours de la MSA Île-de-France, deux journées d'information sur ce thème ont été organisées pour l'ensemble des entreprises du paysage et d'élagage du département des Yvelines. Une quarantaine d'entreprises en ont bénéficié, soit un bon taux de représentation. D'autres journées devraient être programmées pour les autres départements de la région dans les années à venir.
Depuis 2010, l'Unep (Syndicat des entreprises du paysage) a mis en place, pour ses adhérents, le Cages ou certificat d'aptitude à grimper en sécurité. Il comprend une journée d'information, une de positionnement sur le terrain et une journée optionnelle sur le démontage.
Yaël Haddad
L'utilisation d'un double ancrage est désormais obligatoire. PHOTOS : C. AMBIEHL
Pour accéder à l'ensembles nos offres :